Conservatoire Darius Milhaud. Le concert du mercredi 5 avril 2023 a réuni Renaud Capuçon et un nouveau venu au festival, le pianiste germano-russe Igor Levit, moins connu certes, mais quelque chose nous dit qu’il comptera de plus en plus sur la scène musicale. Le musicien possède une personnalité très affirmée et « à la vie comme à la scène », dit ce qu’il pense, et n’hésite pas à prendre position sur l’actualité politique et les faits de société. Mais déjà, lorsque l’on suit son actualité musicale, on découvre que, s’il est passionné par le répertoire allemand et vient notamment d’enregistrer l’intégrale des sonates de Beethoven, il est également excellent dans les sonates de Bach. La première œuvre offerte par les deux musiciens, la sonate en fa mineur BWV 1018, nous a captivés.
Que d’écoutes différentes de cette superbe sonate. Visiblement Capuçon – Levit ont trouvé leur manière d’interpréter l’œuvre, leurs sonorités spécifiques et notre oreille les suit, se plie à cette sonate-là. Nous irons ensuite à la rencontre d’une autre sonate, celle de Ferruccio Busoni. Un compositeur peu connu, il faut bien l’avouer. Dans le public, on entend que pour beaucoup, c’est leur première écoute de Busoni . Une belle découverte. Pour le situer, il est né à Empoli en 1866, est mort à Berlin en 1924 et possède une double filiation italienne (par son père) et allemande (par sa mère, italo-allemande). On aime cette sonate n° 2 et visiblement nos musiciens aussi. Le premier mouvement, commence sereinement, dans une ambiance de tristesse mélancolique. Le second thème est plus intense. On est impressionné par le mouvement du milieu, Presto, une tarentelle haletante qui nous embarque au sud de l’Italie. Le dernier mouvement présente dans son thème plusieurs variations, elles aussi très intéressantes. Les mouvements rapides en particulier nous enchantent : la palette sonore exceptionnelle du pianiste et sa vélocité y sont pour beaucoup. On s’attarde sur ses doigts, son attitude recueillie, sa posture méditative, cette façon qu’il a d’aller vers son clavier, de se fondre dans ses touches. Avec ces deux musiciens, voilà une interprétation qui refuse toute superficialité, aucune approximation, tout est juste et profond, Le public l’a compris, Renaud Capuçon est accompagné d’une grande personnalité de la musique Un grand merci, car cette œuvre de Busoni, œuvre de maturité mérite d’être grandement entendue !
Sonate pour violon et piano en la majeur, FWV 8. César Franck
En deuxième partie du concert, on va vivre un grand moment avec cette très célèbre Sonate dont les volutes mélancoliques et romantiques auraient inspiré Marcel Proust. Dans son roman À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, si on se souvient bien, on nous parle d’une musique, composée par un imaginaire Vinteuil. Chaque fois que la sonate revient, au fil des pages, Swann est emporté hors du temps. Il cherche à connaitre le nom du compositeur, sans y parvenir. Il n’y a pas que Proust qui cherche ! Cette musique de Vinteuil s’était vu attribuer ici et là un grand nombre d’inspirateurs. Il y a bien des pistes dont celle de Franck, mais le mystère demeure. Un jour, peut-être ?
De cette sonate, on se souvient de l’interprétation de Renaud Capuçon, accompagné au piano de la divine Martha Argerich. C’était l’année dernière, au Festival, un moment inoubliable. Certes, Marta Argerich n’est pas au piano ce jeudi 6 avril, mais le jeune pianiste n’a pas démérité, bien au contraire. Il a su nous offrir une palette de jeu d’une richesse incroyable car même si ici, Franck dans sa partition est souvent « résigné », triste, les musiciens offrant juste ce qu’il faut de langueur et de mélancolie sans oublier le lyrisme, à fleur de peau. Le violon de Renaud Capuçon ne prend jamais le dessus sur le piano, les deux instruments offrant une belle parité sur scène. Il sait se faire discret, puis il s’élance avec éloquence, rejoignant le timbre doux et néanmoins somptueux du piano. Si tous les ans, Renaud Capuçon nous proposait de nouveau cette œuvre énigmatique et caressante, nous en serions enchantés car nous n’en avons pas encore percé tous les secrets.
En bis, Brahms, le deuxième mouvement de la sonate en la majeur. On retrouve dans ces pages beaucoup de légèreté, de quoi terminer cette soirée en douceur.
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