Récitant, images, musique, une formule qui fonctionne super bien !!
Voilà un spectacle pour jeune public à partir de 8 ans & adultes donné au conservatoire Darius Milhaud et qui ne manque pas d’énergie. C’est rythmé en diable, c’est excentrique et truculent, oui mais … On vous en dira plus. Déjà plantons le décor.
Le premier que je croise je le bouffe !
Qui parle ainsi ? Monsieur crocodile qui dans sa jungle a beaucoup faim.
Il part dans la forêt, en quête d’un animal à dévorer. Il rencontre alors un cochon qui lui propose un marché : si le crocodile l’épargne, il s’engage à lui trouver des animaux comestibles. Monsieur Crocodile accepte…
Et l’aventure peut commencer. Inspiré par la BD du niçois Joann Sfar, dont l’œuvre géniale et protéiforme pour adultes et enfants, ne laisse pas indifférent, Marc Olivier Dupin s’est amusé à mettre en scène et en musique ce conte étrange. C’est évident, il a créé cette version musique de chambre pour jeune public et moins jeunes, avec autant de plaisir qu’il a eu à lire l’histoire.
Histoire inspirante, musique inspirée, pour une partition « bric-à-brac », selon les propres termes du musicien. Oui, sans doute, mais le résultat n’est pas du tout « désordonné », et on retrouve dans ce conte musical tout le savoureux de l’intrigue. On peut la suivre sur grand écran, les pages défilent. De son côté, derrière son pupitre, le comédien Benoit Marchand nous la raconte et l’interprète impétueusement. Il est habité par tous ces rôles. Ce conte amuse, fait rire, surprend et effraie parfois. On entend dans la salle des « Oh !» et des petits cris épouvantés, rien de grave, on vous rassure.
L’appétissant petit cochon ne doit pas être mangé, et pourtant… On ne vous en dit pas plus. D’autres animaux se défendent comme ils peuvent. Arrive une petite fille qui va changer le cours de la vie du crocodile, et par là même la sienne et celle de ses proches.
Au cœur de ce conte, des passages drôles, souvent sensibles sur des thèmes universels. Ils sont signés de la patte de Sfar, reconnaissable entre toutes. Il y a plusieurs degrés de lecture, ce qui fait que cela parle à tous. Parfois on n’en croit pas nos oreilles; sans être vraiment choqués, on en a entendu d’autres, mais on s’interroge pour les plus jeunes. D’aucuns dans la salle se demandent si ce spectacle est vraiment conçu pour des petits. Le débat est lancé. Mais il est vrai que de tous temps l’enfant a pu lire des contes effrayants. L’idée était de « corriger » des comportements et même rendre un enfant plus sage en lui faisant peur ; une peur qui ainsi exposée pouvait être assumée et peut-être surmontée. Sans doute tout est question de dosage.
Dans « Monsieur Crocodile a beaucoup faim », conte profond mais aussi très musclé, on aime l’idée que les mots soient posés sur de la musique jazzy, qui balance, swingue, nous berce, nous séduit, nous fait vibrer. Les musiciens sont excellents et l’instrumentation originale pour un mariage de timbres réussi. On n’oublie pas pour autant certaines images, dont celle de ce sympathique crocodile (oui, c’est paradoxal) qui se pourlèche les babines, entouré d’os humains et de taches bien rouges. On ne terminera pas sur cette image trash (parlons français: glauque), sachez que la fin est joliment inattendue.
On espère retrouver, dans une prochaine programmation, le « Petit Prince » de Marc-Olivier Dupin et Joann Sfar, un spectacle qui a connu un énorme succès au théâtre du Jeu de Paume en 2019.
Benoît Marchand, comédien
Bogdan Sydorenko, clarinette
Anthony Millet, accordéon
Gurvan Péron, saxophone
Cédric Barbier, percussions
Vincent Lamiot, contrebasse
Laurent Sarazin, adaptation audiovisuelle et diffusion des images
Marc-Olivier Dupin, musique originale et direction
Vous souhaitez réagir à cette critique
Peut-être même nous proposer des textes et d’écrire dans WUKALI
Vous voudriez nous faire connaître votre actualité
N’hésitez pas !
Contact : redaction@wukali.com (Cliquer)