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Philippote de Bourgogne, bâtarde de Jean Sans Peur

par Félix Delmas

De nos jours, peu ont entendu parler de Philippote de Bourgogne (parfois Philippa, voire Philippe), si ce n’est dans une biographies sur son géniteur, Jean sans Peur, fils de Philippe le Hardi, second duc de Bourgogne. Il faut dire que les études sur le XVème siècle portent plus sur les hommes que sur les femmes (parfois on étudie les épouses des monarques pour essayer de percevoir leur place dans la politique de leurs époux), et pourtant, même si elles ne faisaient pas la guerre (sauf exception), leur rôle social était parfaitement défini et elles étaient loin, contrairement à bien des idées préconçues, d’être perçues et traitées pour quantité négligeable.

Philippote est née aux alentours de l’année 1410. Son père était le « riche et puissant » duc de Bourgogne Jean sans Peur et sa mère Marguerite de Borsele, jeune femme de la noblesse bourguignonne. De leur relation étaient déjà nés deux garçons : Antoine qui sera Hospitalier de Saint Jean de Jérusalem et Guy qui connaîtra une belle « carrière » à la cour de Bourgogne. Jean avait deux autres bâtards avec une demoiselle de la puissante famille de Coucy.  

A cette époque, rien de plus normal (on a recensé 26 bâtards à Philippe le Bon, sans être certain que ce nombre soit le bon). Les bâtards sont élevés à la cour où leurs mères occupent souvent une haute position. Ils font partie intégrante de la famille régnante. Ils ne peuvent hériter de leur père, c’est tout, mais ils sont pensionnés toute leur vie comme membre de la famille. Ce fut le cas de Philippote qui ne reçut aucun gage comme d’autres dames de compagnie, mais de très nombreux dons et autres cadeaux de la part de son demi-frère Philippe le Bon qui fut toujours présent durant la vie de sa sœur.

De fait Philippote fut orpheline très jeune : en 1419, son père est assassiné, en  1420, sa mère décède. Pour autant, elle continue à être élevée comme une jeune femme de la haute noblesse. Comme membre de la famille, elle est mariée à Antoine de Rochebaron en 1429 à Arras en présence de son frère le duc.

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Elle connaîtra une très belle carrière au sein de la cour : dame (dame et non demoiselle car son mari avait été adoubé chevalier) de compagnie d‘Isabelle du Portugal, la duchesse régnante, puis celle d’Isabelle de Bourbon, l’épouse de Charles, comte du Charolais et gouvernante de leur fille Marie, celle qui sera l’héritière du duché à la mort de son père devant Nancy. Concomitamment, son mari aura aussi une place importante au sein de la cour ducale. Le couple fera même partie de la suite de Marie de Gueldre quand celle-ci partit se marier avec Jacques II d’Écosse. Antoine participa activement aux négociations de paix avec Charles VII, etc.

Philippe le Bon, comme ses ancêtres « utilisait » sa famille, bâtards compris,  pour tisser un lien de fidélité autour de lui. Philippote, son mari, mais aussi leurs trois enfants, occuperont tous une place importante à la cour ducale, recevront charges, fiefs, dons en argent mais aussi en bijoux et en tissus (pour pouvoir fabriquer les beaux vêtements qui ont fait la réputation de la cour). Le couple, comblé d’honneurs, était riche, respecté et totalement dévoué à la famille régnante.

Philippote, nommée dans bien des actes « bastarde de monsieur le duc Jehan », où « madame de Berzy », la terre qu’elle tenait en propre, et que très exceptionnelle comme l’épouse d’Antoine de Rochebaron », décéda en 1451. Son lieu de sépulture est inconnu, sûrement au couvent des Dominicains de Mâcon qui fut entièrement détruit lors des guerres de Religions.

La biographie de Philippote est l’occasion pour Raphaëlle Taccone d’étudier les relations au sein de la cour des ducs de Bourgogne, ses rites, ses liens d’allégeance, de fidélité. Mais aussi la place très importante de la famille régnante. De part son statut de « bastarde de monsieur le duc Jehan », Philippote est protégée par son demi-frère et peu occuper une place privilégiée au sein de la cour ducale. Et cela paraissait tout à fait naturel à cette époque, comme cela le fut sous Louis XIV. Il faudra attendre le XIXème siècle pour que la bâtardise devienne une tache et un marqueur social négatif. Autres temps autres mœurs, notre époque devrait parfois s’inspirer du niveau de la place des femmes dans la société du Moyen-Âge pour gommer le statut inférieur que la Renaissance et le Siècle dit des Lumières leur ont assigné.

Philippote de Bourgogne
La bâtarde du duc Jean sans Peur
Raphaëlle Taccone
éditions L’Harmattan. 22€
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lllustration de l’entête: Philippe le Bon, duc de Bourgogne, recevant l’hommage des « Chroniques du Hainaut » de Jean Wauquelin, par Van der Weyden
. Miniature.Bruxelles

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