Un éclair qui résonne avec un mot, une ombre qui répond à une phrase, ou un nuage qui dialogue avec une expression. Voilà ce que propose Dualités dans un montage de quatre-vingt-dix photographies de Jean-Yves Cousseau qui se confrontent aux poèmes de neuf poétesses. Des photos et des poèmes. Des photos travaillées, et retravaillées avec soin, loin de simples clichés. Plutôt des travaux de recherche. Recherche d’un équilibre ou d’un déséquilibre qui apparait dans des formes et des couleurs recomposées, sous des angles inhabituels, avec des flous, des contours peu ou pas dessinés et des mélanges, des opacités et des contrastes volontaires, brutaux, nets. Ou pas. Tout est possible.
Des poèmes en regard. Parfois présents avant les photos, parfois après. Sans règles définies mais en écho avec les clichés qui en sont les inspirateurs. Ce sont eux qui ouvrent des perspectives, des possibilités d’utiliser des mots, des groupes de mots, des phrases, des vers de longueurs toujours inégales. Un texte qui illustre des reflets bleus sur un coin de vitre. Une flaque d’eau, un reflet, un trou et le poème se découvre dans la page d’après, nu dans cette confrontation à ce qui est vu mais ne peut parler.
Les mots montrent ce que les photos ne disent pas. Les uns se reflètent dans les autres sans que la vue ne prenne définitivement le pas sur la langue. Les images parlent mais sans les mots. Et les mots trouvent leur place dans les photos. Plus qu’un dialogue, c’est un prolongement de l’un dans l’autre qui nous est proposé. Il faut regarder longuement et à plusieurs reprise les clichés, il faut lire et relire les poèmes pour que l’art du photographe éclate à la lecture des poètes. Et il faut lire les poètes pour que les images montrent plus que ce que le spectateur y voie au premier regard. Il faut être spectateur-lecteur et lecteur-spectateur.
Faire dialoguer photo et poèmes n’est pas chose facile. Trouver la parole juste, trouver l’angle de vue original est déjà difficile mais les placer l’un en face de l’autre et les faire parler ensemble est encore plus difficile. C’est pourtant ce qu’ont réussi ces neuf poètes et ce photographe.
Tout dire/ Tout écrire/Mais les mots me manquent…/Le front à la vitre / Le souffle suspendu… nous dit Catherine Julien en écho à Jean-Yves Cousseau qui, sur la page qui précède nous montre deux mains l’une en face de l’autre sur un fond vert parsemé de taches qui ressemblent à des flocons de neige.
Peut-être juste ça, le début/ Une récidive timide / Dans le serré d’une carte postale nous dit Marcelline Roux. Deux pages après, un pâle soleil qui troue de sombres nuages répond au poème. Mais s’agit-il vraiment de cette photo qui répond à ce morceau de texte. Les possibilités sont multiples, rien n’est défini et il est illusoire de chercher toutes les correspondances possibles dans un rigoureux dialogue à deux. Si dialogue il y a entre la photographie et la poésie, les possibilités en sont infinies et dépendent autant de celle ou de celui qui qui les lit et les regarde, que de celui qui a fait et monté les clichés. Tout est mélangé, il n’y a pas de règle et c’est ce qui fait le charme de Dualités ouvrage qui comporte des poèmes de Claudine Bohi, Anne Talvaz, Catherine Jullien, Sarah Clément, Marcelline Roux, Carole Darricarrère, Hania Daoud, Claire Le Cam, Claude Bar et des photographies de Jean Yves Cousseau.
Altruisme, ouverture d’esprit et connaissance de l’autre sont en filigrane dans tout ce recueil nous dit Jean Yves Cousseau dans son introduction. Et c’est bien le cas avec lui et les neuf autrices qu’il a invitées pour prolonger ses clichés par des poèmes. Neuf autrices parce que neuf est le nombre des mois de grossesse et celui des neuf muses. Et puis neuf, c’est aussi un adjectif qui a ici tout son sens, nous précise encore l’initiateur de Dualités. En fin d’ouvrage une biographie et une bibliographie des autrices permet de comprendre d’où vient la diversité de tous les poèmes.
Etonnante et difficile initiative de réunir l’art de la photographie et celui de la poésie, mais véritable réussite dans l’impression des clichés et la présentation des textes. A lire, à regarder en un temps, en deux temps. Ou plus.
Dualités
Jean Yves Cousseau
et des poèmes de Claudine Bohi, Anne Talvaz, Catherine Jullien, Sarah Clément, Marcelline Roux, Carole Darricarrère, Hania Daoud, Claire Le Cam, Claude Bar
éditions Art3 Galerie Plessis. 24€
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