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Martha Argerich et Lahav Shani sublimes

par Pétra Wauters

Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, vendredi 14 avril 2023
Un récital exceptionnel à deux claviers au Grand Théâtre de Proven
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Au programme : 3 compositeurs du début du 20e siècle

Une salle pleine à craquer pour l’un des concerts les plus attendus du festival,  celui qui réunit Martha Argerich, l’une des reines incontestées du piano depuis plus de 50 ans, et Lahav Shani prodigieux pianiste et chef d’orchestre israélien, âgé de 34 ans. Martha Argerich, et elle l’avoue souvent, n’est plus très intéressée à se produire en récital, seule, au clavier, et pour reprendre ses propres termes, « elle s’y ennuie ».  Ce qui lui plaît avant tout,  c’est l’échange,  le partage,  jouer avec des orchestres et des chefs qu’elle aime, et en musique de chambre, s’accompagner d’artistes-amis fidèles, ou de musiciens de la nouvelle génération qu’elle admire.  Elle connait bien Lahav Shani, qui du reste l’a déjà dirigée en concert. Chef d’orchestre, disciple de Daniel Barenboïm, directeur musical brillant, il est aujourd’hui à la tête des orchestres philharmoniques de Rotterdam, d’Israël, et de Munich.  Mais c’est au piano que les deux artistes nous ont régalés.  

Déjà, avec la symphonie  n°1 en ré majeur, op. 25 de Sergueï Prokofiev (1891-1953)  également surnommée la  « Classique ». Un bijou de jeunesse du compositeur, arrangé pour deux pianos et dans laquelle l’hommage à Bach et Haydn parait évident. On retrouve, dans cette interprétation malicieuse et joyeuse de la version piano, la  belle énergie positive et exaltée que l’on a dans la version orchestre.  Les deux pianistes se rejoignent dans la légèreté, avec un réel sens du dialogue.  Des petits sourires, des regards complices, et des doigts qui font jaillir le meilleur du clavier. 

Sergueï Rachmaninov (1873-1943). Suite pour deux pianos n° 2, op. 17 une œuvre pleine de couleurs, d’éclat et de vitalité, de bout en bout un enchantement pour le public. 

Pour notre plus grand plaisir, on entend chaque note de cette pièce.  Tout parait si facile dans l’interprétation de ces pages si profondément imprégnées de l’univers du compositeur russe. Et si l’entente des deux pianistes est parfaite c’est qu’ils font preuve d’une écoute réciproque, attentive et respectueuse. Lahav Shani est au piano, mais aussi « à la baguette », fictive certes, mais il donne l’impulsion comme le vrai chef qu’il est. En douceur, il conduit.  Et Martha Argerich de nous offrir, en si bonne compagnie, une interprétation de feu, comme souvent chez cette grande Dame, icône du piano. Tout y est clair, limpide, depuis l’introduction, magistrale jusqu’à la valse, élégante et joyeuse, puis la douce romance, pleine de lyrisme et de fantaisie, et enfin la tarentelle, si expressive, qui permet aux deux pianistes de livrer un jeu d’une virtuosité stupéfiante.  Tous ces mouvements se suivent,  se fondent brillamment dans cette partition et les deux parties de piano se fondent l’une dans l’autre en unissant leur voix

Olécio partenaire de Wukali

Dès qu’elle est au piano, la divine Martha Argerich a 20 ans !

Si beaux et complices. Festival de Pâques. Aix-en-Provence 2023
©Photo Caroline Doutre

Pour commencer, dans cette deuxième partie du programme :

Maurice Ravel (1875-1937). Ma mère l’Oye.   

Comme nous aimons cette partition, une perle du répertoire à 4 mains. Il suffit de quelques notes et voici que le rideau se lève et laisse apparaitre tout un monde de féérie, de rêves, d’histoires enchantées. Tout le génie de Ravel se trouve là dans cette œuvre destinée aux petites mains d’enfants pianistes ! Une partition qui nous parait techniquement plus exigeante qu’il n’y parait. Si l’esprit de l’enfance y est bien présent, Il y a cette profondeur et cette subtilité des couleurs propres à Ravel. C’est à la fois si « simple » et si savant. L’écriture est allégée, on va à l’essentiel, (grand contraste avec la Valse qui va suivre). Mais chacun sait que dans les contes, l’horizon s’assombrit parfois. La musique offre des teintes rares qui traduisent ses angoisses. Les lettres et la musique, réunis dans « Pavane de la Belle au bois dormant », « Petit Poucet », « Laideronnette, impératrice des Pagodes », « Les entretiens de la Belle et la Bête » et « Le jardin féérique ». Le mot féérique est ici plus que jamais approprié pour l’ensemble de cette partie.   

La Valse  

On connait un peu moins la valse au piano, la version orchestrale est sublime, mais que de bonheur avec cette interprétation au piano!  Tous les musiciens de l’orchestre dans les doigts magiques de ces deux pianistes qui nous entrainent d’emblée sur la piste ! Une danse pleine de mystère, aux atmosphères brillantes. Un hommage à Johann Strauss, très coloré mais pas forcément très joyeux. Car la Grande guerre est passée par là et le compositeur ajoutera quelques pages sombres à cette valse.  Il évoque la fin d’un monde, l’effondrement de l’empire austro-hongrois, et la valse prend soudain une dimension tragique, et tourbillonne jusqu’à nous étourdir. En bis, Bach, « Le temps de Dieu est le meilleur des temps ». Le temps des saluts passés, c’est avec « Casse-Noisette », «  la danse de la fée Dragée» de Tchaïkovski que les deux pianistes se replacent devant leurs instruments, deux pianos aux vertus « magiques » qui nous conduisent « ailleurs », dans un autre monde ! Un troisième bis nous offre de nouveau un extrait de la Valse de Rachmaninov. Notre bonheur ne s’arrêtera pas aux applaudissements de fin. Il se poursuivra bien au-delà !

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