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Maximilien Robespierre, que n’a-t -on écrit vous concernant !

par Félix Delmas

Le moins que l’on puisse dire quand on me connaît, c’est que je n’ai strictement aucun a priori au sujet de Robespierre. Ce n’est pas pour rien que mon fils aîné a pour prénom Maximilien, et pas en hommage à un quelconque empereur qu’il soit du Saint Empire Germanique ou du Mexique, mais bien en référence au révolutionnaire. Et je suis plutôt positivement étonné quand je vois ces dernières années le nombre d’études, de biographies consacrées au natif d’Arras qui se multiplient et qui montrent un visage nettement plus nuancé du révolutionnaire que celui que 200 ans de rumeurs nous ont enseigné.

Ce qui est certain, c’est que l’image « noire » de Robespierre a été créée de toute pièce par les thermidoriens qui ont vu là un moyen de couvrir leurs turpitudes que Maximilien avait menacé de révéler. Il est certain qu’il était indigné par l’attitude et les actes d’un Carrier à Nantes, d’un Fouché à Lyon, par le côté rapace de Barras et de bien des députés envoyés en mission dans la France. Bon, on a le droit d’avoir une position plus nuancée en ce qui concerne Tallien. Soit, il ne fut pas sans reproche à Bordeaux, mais les études historiques savantes ont démontré qu’il a agi aussi (surtout?) pour sauver la femme qu’il aimait et qui deviendra son épouse. Ce qui est certain, c’est que le terme même de « Terreur » n’est apparu qu’après la chute de Robespierre, et ne porte que sur la période « noire » de 1794, en oubliant complètement la première Terreur dite « blanche » qui a suivi le 9 Thermidor et qui a causé bien des victimes, essentiellement dans le sud de la France.

Oui, Simon Mauger a raison, les premiers massacres, surtout ceux de septembre 92 ne furent en rien les enfants de Robespierre. Ils sont beaucoup plus à mettre au débit de Marat, d’Hébert et surtout de Danton. Il est certain qu’il y a eu d’un côté l’opportuniste quelque peu hédoniste et de l’autre un « pur » qui vivait sûrement plus dans une sorte d’utopie, de sociétés théoriques que dans la vraie « vie ». Et à ce niveau, Robespierre est nettement moins intransigeant qu’un Saint Just, qui lui a été particulièrement actif, bien plus que Maximilien durant la « terreur ».

Pour autant, Robespierre ne fut pas un « saint » martyrisé par ces collègues. C’était un homme de son temps, bien que parfois en désaccord, c’était un adepte de Jean-Jacques Rousseau, qui ne l’oublions pas est le premier théoricien de la dictature ! Personne ne remet en cause la sincérité de Robespierre et si parfois il a évolué, c’est avant tout parce que la société avait évolué, que les faits avaient changé. Il était contre la guerre, celle-ci déclarée, force a été de l’accepter. Et à ce niveau, son action a été minime, rien avoir avec l’action d’un Carnot.

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Mais revenons à la philosophie de Rousseau que nous retrouvons dans toute sa splendeur quand l’auteur écrit page 50 :«  Certes Maximilien appartient à une minorité mais celle-ci est considérée comme « avancée » (par qui ? Par ceux qui font parti de cette minorité qui s’autoproclame « avancée »). Ces hommes possèdent les clés d’analyse pour comprendre que les événements qui vont se dérouler peuvent dépasser les simples revendications contre l’augmentation du prix du blé ». Et il nous explique doctement que Robespierre ne fait qu’exprimer et mettre en œuvre la volonté du peuple. Lui il sait où se trouve cet intérêt du « peuple ». Au-delà que, bien sûr, comme d’habitude, on ne définit surtout pas « le peuple » ! Et c’est d’autant plus difficile quand on ne parle de révoltes que dans des villes (Paris, Lyon, Besançon, etc.), à une époque où plus de 90% de la population habitait dans les campagnes (n’oublions pas qu’il n’y a eu qu’un seul laboureur élu aux États-Généraux ce qui montre bien qu’ils n’étaient pas du tout représentatifs de la population). L’auteur de la préface de ce livre devrait s’en souvenir. Cela ne doit surtout pas nous empêcher d’être admiratif du travail effectué par les révolutionnaires et du respect que nous devons à l’héritage qu’ils nous ont légué.

Mais au-delà de ce terme de « peuple » qui ne veut strictement rien dire, surtout qu’il est toujours employé par des minorités, c’est le raisonnement de Simon Mauger qu’il faut analyser pour comprendre sa démarche et surtout sur le non-dit idéologique de celle-ci. Notons que le premier qui a théorisé le rôle de la « minorité avancée » est un certain Lénine qui, en plus, a mis en œuvre cette pensée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le léninisme (et je n’ai pas écrit le marxisme) fut un tel succès que de nos jours encore, ses actions au pouvoir en Union Soviétique font encore rêver des centaines de millions de personnes ! C’est, pour moi, un argument contre productif qu’expose là l’auteur, en le disant appartenir à une « minorité avancée ». À cet égard, il donne des arguments aux détracteurs de Robespierre qui veulent en faire (à tort et je suis d’accord avec Simon Mauger à ce niveau) un dictateur ayant échoué au dernier moment. Cet argument on le connaît, c’est d’ailleurs un des principaux employés par les défenseurs de Robespierre qui se placent à la gauche du spectre politique actuel et qui ne se montrent pas toujours des ardents défenseurs de notre démocratie !

Des limites à ce raisonnement, on en trouve beaucoup dans ce beau plaidoyer : ainsi, les Muscadins ne sont que des réactionnaires quand ils usent de la violence contre les Jacobins (ils étaient aussi nombreux que les Sans-culottes, qui eux avaient une légitimité… totalement fantasmée). Et que dire de l’analyse qu’il fait des élections législatives de 1848 (au suffrage universel direct masculin) : un désastre, le peuple est conservateur et les républicains « ultras » sont battus. Et le pire c’est que le « peuple » se révolte et c’est un massacre. Mais, lisez bien la page 236 « le peuple des campagnes n’est pas celui des villes ». Ce n’est pas un scoop, loin de là, mais indéniablement il y a un « bon peuple », celui des villes et un « mauvais peuple », celui des campagnes ! Et même si ce dernier est majoritaire, il a tort. On revient à Lénine.

Il y aurait beaucoup à dire sur les positions de Maximilien sur l’éducation qui n’ont été, comme le souligne l’auteur que la reprise sans grande originalité de celles de Lepeletier de Saint Fargeau. Soit il n’y a pas les excès « égalitaires » défendus par Saint Just dans ses discours et ses « fragments sur la révolution française », mais c’est aller un peu loin de dire qu’elles ont imprégné les grandes réformes du XIXème siècle. A ce niveau, tous les historiens de l’éducation mettent en avant, les idées de Condorcet.

Il y aurait encore beaucoup de points à aborder et je laisse le lecteur se faire une idée. Je trouve particulièrement pertinent le découpage de cette étude en trois parties : Robespierre, un personnage ignoré (et que c’est vrai, il faut relire ses discours, c’est non seulement parfaitement bien écrit, mais d’une vraie profondeur intellectuelle) ; Thermidor ou l’imaginaire d’une chute (sujet qui est actuellement étudié) ; L’interprétation de l’épisode Robespierre (une histoire de Robespierre par les historiens, sujet rarement abordé, et la démonstration de l’inculture de Michel Onfray (à ce niveau), si elle est facile vu le sujet, n’en est pas moins particulièrement réjouissante).

Bon, je ne parlerai pas de la préface, c’est un tract pour les Insoumis et un appel à la mise au pouvoir d’hommes  « appartenant à une minorité mais celle-ci est considérée comme « avancée » ». Il suffit de voir le fonctionnement interne du parti politique LFI pour comprendre qu’une analyse totalement faussée de la pensée de Robespierre est à l’œuvre en interne, et qu’elle pourrait bien s’appliquer si ce parti arrivait au pouvoir.  

Robespierre, l’innocent
Simon Mauger

Préface de Jean-Luc Mélanchon
éditions L’Harmattan. 27€

Illustration de l’entête: portrait de Maximilien Robespierre. Auteur de la peinture non identifié. école du XVIIIème siècle. Musée Carnavalet, Paris

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