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Bertrand Chamayou et Lionel Bringuier, pianistes en ouverture du festival de La Roque d’Anthéron 2023

par Pétra Wauters

Festival international de piano de La Roque d’Anthéron 2023. Jeudi 20 juillet à 20h dans le Parc du Château de Florans, les allées s’animent, les gradins se remplissent avant le « lever le rideau » de cette scène unique au monde, au cœur d’un parc majestueux, bordé d’immenses platanes et de séquoias. Il aura fallu environ un mois pour tout installer, conque et gradins, et c’est parti pour un mois de concerts, ici, dans le parc du Château de Florans,  mais aussi sur d’autres sites alentours. De la musique avant toute chose !
Un peu plus de 4 semaines et il faudra tout démonter de nouveau, jusqu’à la prochaine édition. Pour l’heure, profitons de celle-ci, la 43ème saison dont la programmation nous promet de grands moments. 

L’orchestre est dirigé par le niçois Lionel Bringuier, associé à l’opéra de Nice et chef invité à travers le monde pour diriger des orchestres symphoniques, de chambre ou encore de maison d’opéra avec de brillants musiciens. Il n’a que 34 ans, et il sait déjà, avec sourire et charme, « instaurer » son autorité.  Nous utilisons les guillemets, car il n’est pas certain que le terme lui plaise. Disons qu’avec efficacité et sobriété, il montre qu’il est le maître de l’œuvre qu’il dirige. Il ne s’impose pas, cela se voit, cela se sent. Il a juste une idée très claire de ce qu’il souhaite et il guide les musiciens à aller dans sa direction. C’est aussi simple que cela. Lionel Bringuier a montré qu’il est en mesure de proposer des interprétations personnelles des œuvres proposées. Nous avons entendu un nouveau Beethoven, qui néanmoins restait bien dans les pas de … Beethoven !  

Une compositrice oubliée Emilie Luise Friederika Mayer

Emilie Luise Friederika Mayer (1812-1883)

Une découverte pour beaucoup Emilie Luise Friederika Mayer (1812 – 1883) : Fille d’un apothicaire allemand, elle aussi est dans les pas du grand Ludwig.  Si elle fut très connue en son temps, elle n’est pour le moins pas souvent programmée, c’est pourtant une compositrice allemande prolifique qui fut, tout de même, directrice de l’académie de Berlin. Elle est née en Poméranie et a étudié à Stettin auprès d’un organiste qui lui donnait des cours de piano. Elle a écrit un singspiel (Die Fischerin), plusieurs symphonies et ouvertures symphoniques, ainsi que de nombreuses œuvres chorales, vocales et instrumentales. Outre ses activités de compositrice, elle était également sculptrice, et nombre de ses sculptures sont aujourd’hui encore conservées dans des collections européennes. Comme il était d’usage dans les études musicales de l’époque il était fréquent que les les apprentis musiciens recopiassent les oeuvres des grands musiciens, ce qu’elle fit bien évidemment et tout particulièrement Mozart, Haydn, Beethoven, Méhul.

Voici ce qu’écrivait à son sujet en 1850 le critique musical du Neue Berliner Musikzeitung: «Jusqu’à présent, les mains féminines ont tout au plus surmonté une chanson […], mais un quatuor et même une symphonie avec tous les arts du mouvement et de l’instrumentation – cela devrait être considéré comme un cas spécial, extrêmement rare. […]. [Les œuvres sont des mouvements sains, fraîchement écrits, qui suivent tel ou tel modèle, notamment Mozart et Rossini, et qui sont très attachants, ce qui témoigne d’un grand talent d’écriture et d’une maîtrise certaine du matériau […]. Emilie Mayer a réalisé et reproduit ce que les puissances féminines et de second ordre sont capables de faire.» Ne commentons point, nous nous fâcherions !

Olécio partenaire de Wukali

Cette ouverture est une belle entrée en matière pour ce concert, car Il y a dans ces pages un caractère très beethovénien. C’est puissant sans être brutal, fougueux et enthousiaste tout en étant sensible et réfléchi, tout y est parfaitement équilibré.

Il est très attendu, Bertrand Chamayou. Le pianiste fait son entrée et déjà, les applaudissements l’accueillent avec frénésie, et même les cigales redoublent d’ardeur pour leurs dernières vocalises de la journée.  Certains mélomanes sont indisposés par ces insectes qui démarrent de plus en tôt le matin !  Mais la majorité des festivaliers ne les entendent même plus. Toujours est-il que Bertrand Chamayou reste très concentré et inspiré au piano. 

Bertrand Chamayou. Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, 20.07.2023. Photo© Pierre Morales.

Il nous donne sa lecture du grand et dernier concerto de Beethoven, « l’Empereur » et nous, nous assistons à une belle rencontre entre le piano et l’orchestre qui se font face et s’enflamment avec brio. Ce concerto pour piano et Orchestre n°5 en mi bémol majeur opus 73 est sans doute le concerto le plus renommé du compositeur, et si on aime découvrir des joyaux cachés,  on aime réentendre ces chefs-d’œuvre. C’est un concerto brillant et exigeant. Arpèges,  gammes, trilles,  se déchainent sur le clavier,  soutenus par l’orchestre de chambre de Paris,  puissant et vigoureux. Deborah Nemtanu, super premier violon soliste fait admirablement le lien entre les musiciens et le chef.  On le voit, elle s’engage vraiment et garde une oreille attentive sur tout ce qui se passe dans l’orchestre, toujours à l’écoute.  Ce rôle de modérateur, au service de la musique, est également tenu par sa sœur, Sarah, premier violon solo, à l’Orchestre National de France

Bertrand Chamayou, si doux et si calme et Lionel Bringuier, jeune chef sémillant et fougueux, c’est un tandem qui s’écoute, qui se questionne, apporte des réponses, soucieux de relancer, rebondir, de livrer des modulations d’humeurs et une jolie palette d’affects.  On l’entend bien dans le sous-titre de ce concerto,  « L’Empereur, » voilà déjà qui traduit parfaitement le grandiose et le faste de cette musique. Et impérial serait aussi l’adjectif qui qualifie le mieux notre pianiste. 

Beethoven et la symphonie n°4 en si bémol majeur opus 60 en seconde partie de programme

Davantage de légèreté pour cette œuvre pleine de charme, mais si elle est moins sombre que d’autres symphonies du compositeur, elle n’en est pas moins très difficile à interpréter. Il faut pouvoir suivre le caractère de cette partition, pleine de surprises, entre vivacité et douceur. Le chef et les musiciens transfigurent cette symphonie :  précision dans le jeu, superbe chant des différents pupitres, des mises en valeur par des inflexions joliment ouvragés : tout  est réuni pour rendre cette œuvre radieuse, forte et émouvante. Du premier mouvement et la partie adagio avec son atmosphère silencieuse et remplie de mystère, à la partie allegro vivace, d’un mode très joyeux et vif, pour glisser de nouveau dans le calme d’une mélodie superbe, qui, avouons-le, nous met les larmes aux yeux. L’émotion absolue, un dialogue entre violons et clarinette de toute beauté. Même si ici ou là, quelques notes se perdent, l’atmosphère lyrique est respectée.  Les autres mouvements se poursuivent dans l’allégresse. Un sentiment de bonheur, Beethoven était heureux apprend-on de source sûre ! 

Et assurément, tous sont heureux pour cette première soirée à la Roque, à commencer par Lionel Bringuier  qui a vraiment l’art et la manière de faire vibrer l’orchestre et chanter cette symphonie. 

Concert avec des bis, superbes. Un moment de calme et volupté avec Haydn : Sonate pour piano en do majeur Hob XVI:50, instant de grâce offert par le pianiste. 

Et l’orchestre a choisi  Mendelssohn : Scherzo du Songe d’une nuit d’été, musique de scène opus 61. On ne pouvait rêver mieux. 

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Pour assurer la pérennité et le développement du Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron

La 43ème édition du Festival International de piano de La Roque d’Anthéron, qui s’ouvre ce jour, offre une programmation déclinée en quatre- vingt concerts qui auront lieu tous les jours jusqu’au 20 août.
Le niveau des réservations laisse prévoir un succès public qui devrait dépasser les 62.000 entrées réalisées l’an dernier. Cette édition est aussi la première d’une nouvelle organisation mise en place pour assurer la pérennité et le développement du Festival.

Fondé en juin 1981 à l’initiative de Paul Onoratini, propriétaire du site du Château et du Parc de Florans et de René Martin, directeur artistique, le Festival a été géré depuis 2010 par une association portée notamment par les enfants du fondateur.
Soucieux de transmettre le patrimoine foncier et la gestion de l’Association, ces derniers ont choisi de céder la propriété du Parc du Château de Florans, avec tous les bâtiments et les terrains utiles au Festival, à un Fonds de dotation ayant pour objet la pérennité et le développement du Festival.

Le Fonds a été créé par un groupe de mécènes de la musique classique très attachés à un festival qui rassemble chaque année l’élite mondiale du piano tout en attirant un très large public. Il est présidé par Xavier Moreno, mécène de plusieurs événements musicaux et président de l’École Normale de Musique de Paris. Le cercle des mécènes a vocation à s’élargir à d’autres mélomanes désireux de soutenir les projets de développement initiés par René Martin, co-fondateur et directeur artistique du Festival. En conservant un fort ancrage local incarné par la mobilisation chaque été une centaine de bénévoles, par la diversité des membres de l’Association qui gère le Festival et par l’engagement des collectivités 

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Illustration de l’entête: photo Pierre Morales 

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