Ce soir là du 7 août, après Nicolaï Lugansky c’est au tour d’Alexandre Kantorow de rendre un hommage à Rachmaninov dans un programme différent de celui proposé par le pianiste russe ce samedi 5 août, mais ô combien intéressant : Rachmaninov : concerto pour piano et orchestre n°1 en fa dièse mineur opus 1.
On s’est enflammé pour le concert de Lugansky, on s’est enthousiasmé pour Rachmaninov de Kantorow, mais surtout grâce au pianiste hors pair, il faut bien l’avouer, car l’orchestre symphonique nous a laissé un peu sur notre faim. On se souvient pourtant du concert de l’année dernière, le 5 août 2022 : Alexandre Kantorow et l’orchestre Sinfonia Varsovia, également dirigé par Aziz Shokhakimov, avaient offert un programme Tchaïkovski de toute beauté. D’autres rendez-vous musicaux nous avaient éblouis avec ce même orchestre et ce même chef, toujours à son meilleur niveau, et cette gestuelle si particulière, ferme, engagée. Le jeune homme sautillant qui se déhanchait et dansait sur l’estrade était suivi par l’orchestre qui répondait de la plus belle des manières.
Ce lundi soir, l’orchestre était moins équilibré dans ce concerto pour piano. On est davantage séduit par la deuxième partie, avec un autre compositeur russe, Rimski-Korsakov : Shéhérazade, suite symphonique opus 35.
Commençons par le commencement !
Concerto n°1, qui peut le croire ?
Serge Rachmaninov n’a que dix-huit ans quand il se lance dans la composition de ce premier concerto pour piano en 1891. Un premier opus ambitieux, fougueux comme devait l’être ce tout jeune compositeur russe. Une fois encore, Kantorow atteint le sublime et avec lui, c’est toujours aussi facile à comprendre. Car avec ce pianiste-là, absolument tout devient clair, on comprend chaque note et même si on n’est pas un spécialiste, les choses complexes sont rendues faciles à entendre.
Et pourtant quelle cadence « musclée », notamment dans le premier mouvement ! On a du reste un faible pour ce premier mouvement du premier concerto, générique du l’émission de Bernard Pivot, « Apostrophes ». Il ne serait pas étonnant que le journaliste l’ait choisi lui-même, passionné de musique classique depuis toujours. Et ce premier mouvement est juste sublime malgré le manque certain d’équilibre, d’homogénéité, car d’excellents musiciens suivent leur route, sans trop se préoccuper de l’orchestre. Un peu de confusion qui n’enlève en rien l’aura de Rachmaninov, la virtuosité de ce génie. On se love donc dans cette ambiance nocturne, mystérieuse. On la suit cette lumière crépusculaire qui semble dissoudre l’histoire, les images et les sons dans la nuit et comme dans une mise en scène bien orchestrée, la nuit tombe sur le parc du Château de Florans. Deux bis, et il nous faut laisser partir Alexandre Kantorow rejoindre ses fans pour une séance de dédicaces. Vecsey / Cziffra : Valse Triste, F. Mompou : Chanson et danse n°6
Après l’entracte, on est accueilli par Rimski-Korsakov. Une histoire puisée dans les contes des mille et une nuits, un sultan assassin, une jeune et belle Shéhérazade, un prince… le dépaysement est total. Chaque instrument raconte l’histoire et là, évidemment, Le Sinfonia Varsovia peut exprimer toutes les qualités de ses solistes, trombones, tuba, basson, flûte, hautbois, clarinette, harpe, sont brillants, sans oublier le premier violon, excellent qui interprète le thème de Shéhérazade. Tout l’orchestre suit l’énergie bouillonnante d’Aziz Shokhakimov.
Energie qui retombe légèrement dans le « récit du prince Kalender». On s’y ennuie un peu. On lui préfère la Mer et le bateau de Sindbad, ou encore la superbe fête à Bagdad, tournoyante jouée par tout l’orchestre, qui nous emporte littéralement, comme La mer, le Naufrage du bateau sur les Rochers qui termine notre voyage ce soir-là. La mer n’a jamais cessé de se balancer tout au long de cet opus 35. Il est temps de revenir sur la terre ferme.
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