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Artemisia Gentileschi en exposition au château de Windsor

par Pierre-Alain Lévy

Nous avons consacré dans WUKALI de nombreux articles à Artemisia Gentileschi, le dernier en date a été ainsi publié le 7 juillet 2023 sous le titre: Artemisia Gentileschi (1593-1656) une artiste femme qui rebat les cartes du cade social.Il contient qui plus est une biographie détaillée de l’artiste.

L’actualité nous oblige, en effet, car c’est dans la Royal collection du château de Windsor que vient de renaître en lumière un tableau de Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards

L’histoire de l’art c’est d’abord dans son essence, la fusion, la coalescence dirait-on en physique, les inter-relations d’une époque, entre un artiste, une oeuvre et les connexions de son temps. L’artiste est ainsi un reflet d’une société dans une période historique, c’est à dire pour filer la métaphore de la physique, il interagit tel un électron qui gravite autour de son noyau. Les effets de mode, avec leurs effets de surface, sont peu à peu gommés, reste l’essentiel.

Après les décantations temporelles, l’on redécouvre souvent avec grande surprise (des siècles parfois s’étant écoulés), des oeuvres que l’on avait ignorées ou que l’on croyait disparues, voire des attributions d’origine, ce qui nous intéresse ici pour la matrice de cet article. Nous n’évoquerons pas à cet égard le scandale (et le mot est faible), de l’attribution du Salvator Mundi à Léonard de Vinci, sujet dont nous avons abondamment traité dans WUKALI.

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Chaque période a ses turpitudes, la nôtre pour un temps qui semble être d’effet de mode, découvre que l’eau mouille, et comme la poule qui caquette et glousse découvrant l’oeuf juste pondu (tout du moins dans notre interprétation anthropocentrée, pauvre poule), ne considère pas le temps long (pour ce qui a trait à son expression épidermique, superficielle et médiatisée). Emmanuel Kant disait en son temps, «on mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il peut supporter ».

De ce que l’on sait, l’œuvre, aurait été commandée par l’épouse de Charles Ier, Henriette de France, alors qu’elle se préparait à accoucher. Cette reine d’Angleterre était la soeur du roi de France Louis XIII

Pendant plus de 100 ans, le tableau fut conservé au palais de Hampton Court après avoir été attribué à tort à un artiste français anonyme.

Après d’importants travaux de restauration, le tableau a été exposé dans le cadre d’une nouvelle exposition temporaire dans le Salon de la Reine au château de Windsor.

Le sujet traité: Suzanne et les vieillards est tiré d’un texte de la traduction de la Bible dite des Septantes et n’apparait pas dans la Bible juive. Il a fait l’objet de nombreuses reprises par beaucoup de peintres. Qu’y voit on, une jeune fille nue, entrain de se laver dans une rivière, (on parle aussi de Suzanne au bain), surprise par deux hommes âgés qui se délectent vicieusement de sa beauté nubile et cherchent à abuser de leurs pouvoirs mâles. Lorsqu’elle refuse leurs avances lubriques, elle est accusée à tort d’infidélité, un crime passible de la peine de mort, avant que son innocence ne soit prouvée. Dans ce tableau, Artemisia Gentileschi souligne la vulnérabilité et l’inconfort de Suzanne, en détournant son corps du regard pervers de ces hommes qui veulent abuser de leurs pouvoirs, mus par leurs désirs charnels.

Un thème au demeurant souvent traité car il permettait aux artistes et aux peintres tout particulièrement, de développer un certain érotisme, d’échapper ainsi à des censures car se référant à une histoire de l’Ancien Testament reprise dans le corpus canonique chrétien. Comme on disait à l’époque: «Hors de l’Église, point de salut !»

Ce tableau est accompagné de « L’autoportrait comme allégorie de la peinture» (à droite sur la photo ci-dessus, dans l’atelier de restauration) également connu sous le nom de « La Pittura», et de « Joseph et la femme de Potiphar», œuvre de son père Orazio Gentileschi, peinte pendant qu’il vivait à Londres.

Le tableau a été redécouvert alors que les conservateurs du Royal Collection Trust étaient en quête de tableaux vendus et dispersés en Europe après l’exécution de Charles Ier. Eh oui, «Remember» (son dernier mot face à ses bourreaux), le premier régicide d’état ce fut en Angleterre sous la république d’Oliver Cromwell !

Sept tableaux de Gentileschi figuraient dans les inventaires de Charles Ier, mais seul l’Autoportrait était censé avoir survécu, les autres étant considérés comme perdus.

Grâce à des recherches, les conservateurs ont pu faire correspondre la description de « Suzanne et les vieillards» avec le tableau conservé au palais de Hampton Court.

Le marquage « CR», signifiant Carolus Rex, a ensuite été retrouvé au dos de la toile à l’occasion d’un traitement de conservation, confirmant que le tableau faisait autrefois partie de la collection de Charles Ier.

Un ancien membre du personnel du Royal Collection Trust et historien de l’art, Niko Munz, a précisé que : « L’un des aspects les plus passionnants de l’histoire de ce tableau est qu’il semble avoir été commandé par la reine Henriette Marie alors que ses appartements étaient redécorés en vue d’une naissance royale».

Suzanne a d’abord été accrochée au-dessus d’une nouvelle cheminée – probablement installée en même temps que le tableau – ornée du chiffre personnel d’Henriette Marie « HMR» (« Henrietta Maria Regina« ). C’était vraiment le tableau de la reine»

Artemisia Gentileschi s’est fait connaître dans toute l’Europe au XVIIème siècle, à une époque où peu de femmes artistes étaient officiellement reconnues, le statut d’artiste, qui plus est d’artiste femme, était pour le moins compliqué à vivre.

Elle fut l’élève de son père, Orazio Gentileschi, à Rome d’abord, puis a ensuite travaillé à Florence, Naples, Venise et Londres. Son travail est tombé en disgrâce aux XVIIIème et XIXème siècles.

Anna Reynolds, l’inspecteur adjoint de The King’s Pictures, a déclaré : « Nous sommes ravis d’annoncer la redécouverte de cette œuvre importante d’Artemisia Gentileschi. Artemisia était une artiste forte, dynamique et exceptionnellement talentueuse dont les sujets féminins – y compris Suzanne – vous regardent depuis leurs toiles avec la même détermination à faire entendre leur voix que celle dont Artemisia a fait preuve dans le monde de l’art dominé par les hommes au XVIIe siècle ».

L’exposition spéciale d’œuvres d’Artemisia et d’Orazio Gentileschi peut être vue au château de Windsor jusqu’au 29 avril 2024

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