Bergamo au coeur de la Lombardie à l’histoire millénaire
Trace de ce long passé qui apparaît architecturalement puisque Bergame se divise, depuis quelques siècles, entre la Bergame basse, moderne et industrieuse et la Bergame haute, cité médiévale, truffée de monuments, de bâtisses de styles différents, de remparts imposants et d’étroites portes médiévales. Cette richesse architecturale, mais surtout l’harmonie indiscutable qui s’en dégage, firent dire à Le Corbusier dès 1971 : « Il ne faut plus toucher une pierre, ce serait un délit. Dans la cité haute, chaque vacarme, chaque rugissement devrait être interdit comme profanation exécrable ». De fait, après avoir emprunté le funiculaire qui vous conduit à la « Città Alta », il est enchanteur de surplomber, à perte de vue, la plaine du Pô pour, après quelques enjambées, se déplacer dans les rues qui amènent le visiteur curieux vers la Piazza Vecchia, centre névralgique et point de rencontre de la Cité Haute.
On peut même imaginer croiser Marie-Henry Bayle – plus connu sous son nom d’écrivain : Stendhal – qui y séjourna comme sous-lieutenant de cavalerie du régiment napoléonien en 1801. Ce casernement faisait suite à la première campagne d’Italie. Malheureusement, les hostilités, arrêtées par le traité de Campo-Formio en 1797, reprirent, pour une seconde campagne, avec à sa tête non plus le « simple » général Bonaparte mais le même homme devenu Premier Consul en marche pour devenir empereur en 1804.
Un certain Gaetano Donizetti
Né à Bergame en 1797, Domenico Gaetano Donizetti est devenu, au fil de ses 72 opéras, œuvres religieuses, quatuors à cordes et œuvres orchestrales, l’un des compositeurs italiens majeurs même si ne s’inscrivent aux frontispices des opéras que ses œuvres les plus connues : L’elisir d’amore, Don Pasquale, Lucia di Lammermoor, La fille du régiment, la Favorite et sa trilogie des Reines d’Angleterre (Anna Bolena, Maria Stuarda et Roberto Devereux).
La longue liste de ses œuvres s’explique par une rapidité légendaire de composition puisqu’entre 1822 et 1830 soit en 8 ans, il compose 26 opéras dont plusieurs remportent de véritables succès. Toujours plus spéctaculaire, en 1839, il rédige la partition de Lucia di Lammermmoor en seulement six semaines !
Issu d’une famille pauvre de Bergame où le père le destine au barreau, il est attiré par la musique. Pour parvenir à l’étudier et pouvoir en faire son métier, il bénéficie de divers appuis dont celui, décisif, de Simon Mayr, maître de chapelle de la Basilique Santa Maria Maggiore. Ce dernier, subodorant les qualités de son protégé, lui fait bénéficier de subsides des « Leçons Charitables de Musique » que le Maître avait instituées. Elles permettent au jeune musicien d’étudier et de rentrer au Liceo musicale de Bologne sous la direction de meilleur professeur de l’époque le père Stanislas Mattei qui lui enseigne le contrepoint et la fugue. Signalons – et nous y reviendrons dans l’un des opéras cités et au programme du festival – que Gaetano Donizetti eut le même professeur que Giaocchino Rossini. Ceci expliquera peut-être la parenté de leur écriture musicale plus qu’une tendance à l’imitation du cadet par rapport à l’aîné.
S’il produit des œuvres religieuses, il commence sa carrière de compositeur dès 1816 avec son premier opéra – resté dans les cartons mais qui ne sera exhumé qu’en 1960 en France – suivi par le très bon accueil de Zoraïde di Granata au Teatro Argentina de Rome en 1822.
De 1818 à 1828, il compose 19 Opéras dont plusieurs remportent un beau succès mais son premier triomphe vient, après son mariage, avec l’Esule di Roma. Durant les années 1830 à 1834, il vole de succès en succès et se trouve nommé maître de Chapelle et professeur de composition au Real Collegio di Musica de Naples. Il connait dans cette ville son triomphe le plus éclatant avec Lucia di Lammermoor en rentrant de Paris où, à l’instigation de Rossini, il avait été fait Chevalier de la Légion d’honneur. Un accident de vie va alors bouleverser la trajectoire ascendante de cette success-story : la mort de sa femme en Juillet 1837 qui le plonge dans une profonde dépression dont il ne sortira pas vraiment accentuant le côté mélancolique de sa personnalité. Peu après il quitte Naples pour s’installer à Paris et collaborer avec Eugène Scribe : ses plus grands succès vont donc voir le jour lui conférant une réputation qui devient européenne et l’entraîne à des déplacements constants entre les différentes capitales de la péninsule.
Malheureusement les atteintes de la syphilis vont empoisonner et ternir la fin de sa vie en l’empêchant de travailler. Il perd la parole, ne peut plus marcher facilement et, conséquence logique de cette maladie, sombre dans la folie lorsqu’il atteint le stade tertiaire et ses redoutables attaques cérébrales. Il est interné en 1846 chez le célèbre docteur Esquirol – père de la psychiatrie – avant de repartir à Bergame où il s’éteint en 1848.
On aura compris sans avoir besoin de le dire vraiment que la production pléthorique de Donizetti, si elle lui assure une renommée incontestable, assure aussi aux organisateurs de festival de beaux jours et de belles soirées pour permettre au public de découvrir toutes les œuvres qui sont tombées dans l’oubli.
Il Diluvio universale
Le titre et le thème de cet opéra – s’il est une singularité dans l’œuvre de Donizetti – ne peuvent être compris sans la référence à la religion et l’importance des compositions religieuses du musicien en lien probablement avec ses deux maîtres : Simon Mayr et le Père Mattei.
Il a été composé pour le temps du Carême de 1830. Donizetti est alors âgé de 33 ans : l’âge du Christ au moment de la crucifixon. Opéra en trois actes dont le livret est écrit par Domenico Gilardoni pour une première qui a lieu le 6 mars 1830 au Teatro San Carlo de Naples.
Les musicologues font référence – comme point de départ de l’inspiration de l’opéra – au panneau de marqueterie de Lorenzo Lotto toujours visible dans la Basilique Santa Maria Maggiore de la Citta Altà de Bergame, ville natale du compositeur dont Simon Mayr, son profeseur, était Maître de chapelle
Ces explications, pour pertinentes qu’elles soient ne doivent pas faire oublier d’autres influences : notamment celle de Rossini qui fit ses classes avec le même professeur.
Le « Cygne de Pesaro » s’était, en effet, lui-même mis à composer un mixte entre un sujet biblique[1] – la fuite des Juifs d’Égypte – et un ouvrage à grand spectacle avec une débauche d’effets spéciaux comme le passage de la Mer Rouge chez Rossini et le déluge chez Donizetti. Il ne faut pas oublier que cette période dès 1820 jusqu’en 1870, sous les influences de compositeurs tels que Giacomo Meyerbeer, Spontini, Rossini, Halévy, l’évolution induit une profonde modification des productions opératiques. Ce sont – si l’on se réfère aux Huguenots de Meyerbeer – des opéras à trame historique avec de nombreux personnages, des costumes et des décors spectaculaires ainsi que la présence obligatoire d’un ballet. De nombreux compositeurs étrangers – citons pour mémoire Verdi dans Les Vêpres siciliennes – furent obligés de sacrifier à ces règles pour pouvoir être joués dans la ville – Paris – qui, à l’époque, était le passage obligé sur la route de la célébrité et l’accès aux panthéons des auteurs consacrés. Wagner, dont le Tannhäuser dut satisfaire à la tradition du ballet, se risqua à modifier ce protocole. Il fut conduit à arrêter les représentations à la troisième.
« Dis à Mayr écrit-il à son père le 10 Janvier 1830, que s’il n’a rien trouvé sur le Déluge, j’en ai appris suffisamment et que cette fois je souhaite me présenter comme créateur à la fois de l’action et de la musique. »
Et de citer ses sources annexes : Sassy, Calmet, Lord Byron, Le Déluge du Père Ringhieri et, enfin, Bernardino Baldi sur le même sujet. « J’ai déjà compossé le premier acte. Il y en aura trois parce que pendant le Carême on ne donne pas de ballet ».
Si l’on ajoute l’habileté des machinistes du San Carlo, une distribution de qualité au premier rang desquels le baryton basse Luigi Lablache – en Noé – la soprano Luigia Boccadabati dans le rôle de Sela et le ténor Berardo Calvari dans celui de Cadmos : tout était en place pour un succès éclatant. Un retard de trois quart d’heure à l’ouverture de la représentation, une bévue de la soprano sur son entrée vocale et le Déluge dont les effets spéciaux provoquèrent l’hilarité générale : réception plus que mitigée.
Donizetti fut affecté par cette première mouvementée dont il attendait tant. Cette contariété entraînant une rechute de sa maladie, des convulsions. Il garde le lit pendant 8 jours. Mais le spectacle, s’il connût 6 représentations, ne fût pas inscrit à la saison napolitaine de 1831. Il fallut attendre 1834 pour voir son retour à Gênes jusqu’à être englouti dans le déluge de l’oubli !
S’il est justifié de s’appesantir sur les effets spéciaux de cette œuvre, il convient de faire deux remarques :
La première concerne l’influence de Rossini que l’on surprend à l’oreille dès les premières mesures de l’ouverture qui n’est pas sans rappeler celle de Guillaume Tell par les attaques caractéristiques des violons. A l’acte 2, ensuite, l’aria de Noé « Dio tremendo ,» accompagné à la seule harpe, tisse des liens lointains mais certains avec l’air célèbre de Corinna dans le Voyage à Reims.
La seconde concerne le livret. La perspective du déluge et de ses effets vrombissants – par ailleurs respectables- ne doit pas faire oublier l’intrigue plutôt « petite bourgeoise » du livret. Il est plus proche du théâtre de boulevard ou du vaudeville que de l’univers historique et guindé du « grand opéra à la française ». Seuls l’époque, les costumes et les décors pourraient venir rappeler la dimension de l’histoire biblique (mais pas dans cette production aux costumes uniformément noirs des rôles masculins et des choeurs pléthoriques pas plus que les robes de soirée délicieusement kitsch des rôles féminins qui – soit dit en passant et avec un doigt d’humour – ne doivent pas être des plus pratiques en cas de déluge !). Dans cet imbroglio, on n’y retrouve non pas le célèbre trio qui a fait la fortune de Labiche ou de Feydeau – la mari, la femme et l’amant – mais un quatuor tout aussi vaudevillesque : Noé, Cadmos, Ada et Sela. En clair : Noé a « séduit » Séla, la femme de Cadmos, en la convertissant. Ce dernier ne l’entend pas de cette oreille et ouvre le combat avec le constructeur de l’Arche de Miséricorde pour récupérer sa femme tandis qu’Ada, seconde épouse de Cadmos va intriguer et jouer sur la forte jalousie de ce dernier pour confondre Sela et prendre sa place de première épouse. C’est donc bien d’un déluge universel dont il sagit puisque tout va à vau-l’eau[2] dans ces deux couples !
C’est l’impression de déluge que donne très rapidement la mise en scène du collectif Masbedo qui accueille à l’entrée les spectateurs avec de faux manifestants protestants contre le désastre écologique – le déluge universel c’est pour demain – avec de multiples images des ravages de l’homme sur la nature et, surtout, principalement sur les océans.
Des images mille fois vues de mers polluées, d’animaux sacrifiés, d’incendies incontrôlables, de terres s’effondrant viennent perturber l’écoute d’une musique sublime portée par un quatuor d’artistes de très grande qualité : N.Di Pierro en Noé, E.Scala en Cadmos, G.Gianfaldoni en Sela et M.E.Pepi en Ada associés à des choeurs très bien réglés – il s’agit de l’Académia Teatro alla Scala – mais beaucoup trop nombreux et aux déplacements scéniques approximatifs. Donc non réglés !
Objectivement, il est absolument imposible de se concentrer sur l’écoute tant les images de vidéos occupent l’espace. Elles deviennent au fil de la narration insupportables et morbides puisque des bêtes éventrées, déplumées ou incisées dégorgeant de cette « jelly » qui a fait la détestable réputation des desserts anglais envahit l’écran en de multiples avalanches répugnantes. A la fin, comble du paradoxe, c’est à l’intérieur de l’arche – symbole biblique de pureté et de préservation – que ce déluge de « jelly » se transforme en hapenning ou des figurants s’enivrent de vin, se roulent, s’enduisent concupiscement de ce qui, apparemment, devient le symbole du déluge et de la luxure car les allusions sexuelles sont transparentes notamment orales.
Si les auditeurs, gardant leurs facultés discriminatoires face à cet embrouillamini terriblement prétentieux mais creux, font un chaleureux accueil aux valeureux interprètes….des huées – comme j’avais perdu l’habitude d’en entendre – viennent s’affaler au pied du collectif Masbedo qui en rit encore dans les coulisses.
Quel bon tour que de gâcher le plaisir de ceux qui en prennent ! Non pas seulement parce qu’ils ont compris le sens de l’œuvre mais parce qu’ils connaissent aussi l’histoire de Donizetti qui, dans les 18 années qui constituent le reste de sa vie, et à partir de cette date, va s’enfoncer dans un déluge personnel de troubles qui le conduiront à l’hopitâl psychiatrique où les malades peuvent se rouler non pas dans la « jelly » mais, tragiquement, dans leurs excréments sans qu’une arche salutaire ne viennent les extraire de ce chaos interne.
Lucie de Lammermoor
Lucie de Lammermoor est l’adaptation en 1839 à Paris de l’oeuvre de Donizetti créée à Naples en 1835. Même s’il s’agit d’une adapation au goût français, la version du Théâtre de la Renaissance fut nettement moins représentée que la version italienne tout en connaissant un énorme succès à Paris.
C’est, on le sait mais il convient de le rappeler, le chef-d’œuvre de Donizetti avec sa célèbre scène de la folie où Lucia sombre dans la déraison après avoir assassiné celui qu’on lui a imposé comme mari en contrepartie du sauvetage financier de sa famille ruinée. Elle est, de plus, totalement ébranlée par le rejet et la malédiction proférée par son grand amour. On peut difficilement assimiler cet acte atroce à un féminicide comme on l’a suggéré oralement avant la représentation. Tout au plus à un geste de démence comme il peut arriver lorsqu’un sujet est débordé par une émotion et une situation qu’il ne peut pas mettre en mot pour la symboliser. Et donc la contrôler.
Dans cette version française, l’action est ressérée – trois rôles secondaires s’éclipsent – et un nouveau personnage apparaît en la personne de Gilbert. Il est le portrait parfait du traître obséquieux, prêt à tout pour satisfaire les exigences voire les folies de son maître, Henri Ashton, qu’il influence sans vergogne. Son rôle est important dans cette version même si, objectivement, il n’ajoute pas grand-chose à la dramaturgie car il noircit un tableau déjà très sombre.
Dans l’acte 1, après le bref prélude qui précède les lamentations du frère de Lucie sur la précarité de la situation de la famille Ashton, est – semble-t-il – « rajouté » un épisode de viol en réunion de jeunes filles de la cour par les compagnons exaltés de la suite d’Enrico Ashton. Et ce, sur les lieux mêmes – le puits dans le parc du château – où Lucia rencontrera, peu après, en secret Edgardo. Allusion assez inutile et finalement inversée du drame qui va se nouer à l’acte 3… sauf à imaginer qu’Arturo Bucklaw a, en sa nuit de noces, violé sa femme! Il n’a d’ailleurs pas eu besoin de le faire puisque c’était fait…sans sexualité mais dans la violence.
Il est difficle de faire un compte rendu de cette représentation interrompue à l’entracte par la défection vocale de Lucie – Caterina Sala – remplacée en 2ème partie par – sous réserve d’exactitude car les informations n’ont été données qu’en anglais et italien – par M.E.Pepi qui, au pupitre et avec la partition, a suppléé à cette malheureuse défection. La réalité rattrape en quelque sorte la fiction!
Il faut dire que – là encore – les choeurs pléthoriques – presque 50 personnes -imposaient aux chanteurs une puissance et une résistance vocales qui ne correspondaient pas, selon moi, à la dimension romantique du livret et des arias qui l’accompagnent. On sait, d’entrée de jeu, que tant Lucia qu’Edgar seront vaincus et brisés : point n’est nécessaitre de les fraccaser sur l’autel du contre- ut…comme ce fût le cas de la vaillante remplaçante appelée en renfort après « l’indisposition » du rôle-titre, elle aussi entraînée dans l’excès ! Mais que fait le Chef comme on dit de la police après une agression ou un incident ?
La direction de Pierre Dumoussaud, à la tête d’un orchestre lui aussi très important et assez approximatif, ne facilitait pas une tâche qui aurait dû, précisement, être contenue par le chef d’orchestre. Le ténor Patrick Kabongo, habituellement d’une belle tenue, était visiblement épuisé par les efforts qu’il devait faire pour faire entendre sa voix au milieu de ce « déluge » musical qui comme son homologue météorologique balaie tout sur son passage.
La tyranie d’un décor unique de forêt et la persistance d’un arbre au milieu du plateau censé représenté le château de la famille Ashton ajoutait à la confusion du spectateur. Quand en plus, au dernier acte, le tombeau sur lequel Edgar va se donner la mort se transforme en carcasse de voiture accidentée posée à côté des cadavres de 5 jeunes femmes – cela renvoie, semble-t-il au premier acte où des jeunes femmes sont maltraitées et finalement tuées (?) par des hommes préfigurant le drame qui va se jouer. Un sbire, le sourire aux lèvres, jette de l’essence, alllume un briquet qui va faire diparaître les traces des morts qui gisent sur le sol dont Edgar.
Fort à propos le rideau tombe avant l’embrasement privant le spectateur de l’étincelle qui déclancherait alors à tout coup la bronca.
Il était temps !
Là encore, comment ne pas faire de lien avec le propre drame de Donizetti qui, comme Lucia, sombre, après la mort de sa femme, dans ce qui évoluera bientôt comme une maladie psychiatrique.
Alfredo il Grande
Il s’agit là d’un un opéra seria sur un livret d’Andrea Leone Tottola créé au Teatro San Carlo de Naples le 2 Juillet 1823, ville où s’installera le compositeur peu après en compagnie de sa femme Virginia Vassarelli.
En fait, il répond à une double commande du San Carlo : une cantate – Aristéo -et un opéra. Rossini vient, en effet, de délaisser Naples après sa dernière production, Zelmira, en Décembre 1822. Rossini parti, Donizetti s’installe. 8 ans plus tard, Rossini s’arrêtera d’écrire et s’exile à Paris.
Le livret, en fait, n’est pas original. C’est une reprise de celui que Bartolomeo Merelli avait écrit – Alfredo il Grande, re degli Anglo Sassoni – pour être mis en musique par Simon Mayr, le premier maître de Donizetti.
Il faut savoir que grâce à sa vélocité d’écriture Donizetti avait sur le métier – outre la cantate – deux autres opéras buffa : un pour le Teatro Fondo et l’autre, commandé par l’impresario romain Giovanni Paterni, pour le Teatro Valle.
Cet activisme était monnaie courante pour les compositeurs dont on s’arrachait les œuvres: en cela il suivait aussi les traces de Rossini, rappelle Mozart et préfigure Offenbach qui, sur une période de 20 ans écrivit plus de 100 œuvres.
Conscient et lucide, il écrit à son maître : « Je vous parle en toute franchise : ce sera ce que ce sera, mais je ne sais pas comment faire plus. ».
De fait, l’accueil de l’œuvre fut mitigé et ne donna lieu qu’à une seule représentation. On peut comprendre cette réaction puisqu’hormis l’absence du ballet cette œuvre s’apparente à ce que – quelques années plus tard – on appelera sous l’influence de compositeurs français : le grand opéra à la française.
Sujet historique : Alfred le Grand, roi du Wessex puis des Anglo-Saxons combattit les danois venus coloniser les terres anglaises et tenter d’amputer la plus grande part de l’Angleterre.
Comme souvent, l’intrigue ne vise pas à la précision d’un cours d’histoire et s’adapte aux besoins du compositeur et du librettiste pour ménager des rencontres inattendues, des confrontatioins violentes et des duos ennamourés. De plus, la reine – Amalia – est d’une fidélité et d’un soutien sans faille à son royal époux et n’hésite pas à s’exposer pour proteger le roi, faire le coup de poing et, au besoin, manier l’épé pour le défendre.
C’est donc un festival pour le ténor –Antonio Siragusa – habitué du répertoire de Donizetti dont Nemorino – de l’Elisir d‘Amore – fut l’un des premiers succès vers 1996. C’est aussi – on l’aura compris- un fin et habituel interprète de Rossini, invité régulier du Festival de Pesaro où il multiplie les rôles.
La reine Amalia interprétée par Gilda Fiume, élève de Renata Scotto et habituée du répertoire belcantiste, campe une reine à la fois digne, sensible mais surtout déterminée qu’elle campe avec vaillance.
Si tous les rôles de la distribution méritent d’être cités, on pourra, touitefois, faire une mention pséciale à Adolfo Corrado dans le rôle d’Atkins – le méchant et sauvage danois – qui n’a heureusement pas besoin de beaucoup forcer pour donner à son rôle d’nvahisseur toute la violence et la force requise. C’est impressionnant d’ambitus et d’amplitude tout en restant dans une finesse d’expression confondante.
On saluera la direction de Corrado Rovaris qui est, par ailleurs le directeur musical de l’Opéra de Philadelphie depuis 1999. Il est l’un des spécialistes reconnus et admirés du répertoire du belcanto et cette réputation fait de lui l’un des directeurs musicaux favoris de nombreuses grandes stars de l’opéra. Il suffit, pour s’en convainvre, de le voir tendre son indexe pour diriger les choeurs et leur donner le départ. Ce qui confère à ce dernier un rôle musical et dramatique qui, dans ce genre de production historique, équivalent à un personnage à part entière. D’autant que le metteur en scéne – Stefano Simone Spintor – probablement préoccupé de l’acuité de son propos a eu l’heureuse idée de scinder visuellement[3] les choeurs en anglo-saxons et danois. Cela réalise, avec une économie de moyens sur laquelle bien de nos metteurs enscène « dits » inspirés devraient se pencher et méditer en ces temps de disette budgétaire, une adéquation parfaite avec le côté grandiose que doit nécéssairement avoir ce genre de production.
Si on ajoute à cela un recours à la vidéo qui n’est pas utilisé pour véhiculer les fantasmes éculés d’un metteur en scène au bord de l’apolexie face au génie qui l’habite mais, au contraire, les projections sont mises au service du propos historique qui n’exclut pas de brèves – mais justes – interventions d’une réalité qui n’a plus iren à voir avec le 9ème siècle qui est le siècle d’Alfredo il Grande mais parle allusivement du nôtre. L’histoire serait-elle un perpétuel recommencement ?
[1] Il s’agit de Moïse en Egypte 1827
[2] De cette idée d’écoulement vers le bas est né le sens figuré de se perdre, se désorganiser, péricliter peu à peu.
[3] Chaque partie de chœur porte sur les pages de son livret ouvertement visible pour le public les caractérstqiues de son drapeau
Illustration de l’entête: portrait de Donizetti, musée Donizetti de Bergame
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