Richard Lange est un romancier américain reconnu, auteur de nouvelles et célèbre aussi pour ses romans policiers. Vient d’être traduit en français son dernier livre qui explore avec brio un domaine bien particulier, celui des vampires. Bien sûr, pour ce qui a trait aux livres relatifs à ce sujet, il y a le chef d’oeuvre absolu, Dracula de Bram Stoker. Il faut lire, relire Dracula qui est bien plus complexe que ce que la culture populaire n’en a fait. On oublie trop vite les tourments moraux du comte sanguinaire, les réflexions sur la damnation. On est pas loin, sous bien des aspects, du mythe du Juif errant.
Dans cette veine, il faut être honnête, Dracula, la pierre de fondation, est totalement hors concours. Depuis, on ne compte plus les romans relatifs aux vampires que ce soit pour les adultes, pour les adolescents, voire même pour les jeunes enfants. Une veine qui semble inépuisable, mais dans laquelle il est difficile de paraître original. Certains arrivent à emprunter des chemins originaux, je pense, par exemple, à Anne Rice avec sa série des Chroniques des vampires dont le plus connu (le premier et de loin, le meilleur) : Entretien avec un vampire. Mais il faut être honnête, la plupart sont plutôt médiocres et quelque peu caricaturaux : aucune réflexion sur la nature du monstre, le plus souvent une histoire à « l’eau de rose », ils sont souvent interchangeables. Quand on en a lu un, il faut être lucide, on les a quasiment tous lus.
Belle surprise, Les vagabonds de Richard Lange est un livre se situant dans la droite ligne de Dracula et non relevant de ses médiocres ersatz. Une réécriture moderne, plutôt réussie, du mythe du vampire ou plus exactement des vampires.
Nous sommes aux États-Unis d’Amérique en 1976, Jesse et sont frère cadet Edgar errent sur les route à la recherche de sang humain pour survivre. Au début du siècle, Jesse a demandé par amour de « muter » et au décès de leur mère, il a fait la même chose à son frère pour le protéger. Depuis, ils se cachent, bougent la nuit, passent d’hôtel miteux en hôtel miteux, cherchant avant tous des marginaux, toxicomanes et autres prostituées pour assouvir leurs pulsions. Ils ne sont pas les seuls vampires au monde, il y a de la concurrence et ils n’hésitent pas à s’éliminer entre eux pour être certains de trouver de nouvelles proies. Un groupe s’est formé : les démons qui font régner la terreur auprès de leurs coreligionnaires. Concomitamment, Charles est à la recherche du meurtrier de son fils unique, retrouvé égorgé et vidé de son sang. Une rencontre lui fait prendre conscience de la réalité des vampires et il se met à les traquer.
Mais un jour, voilà, dans un bar, Jesse rencontre une jeune femme, Johona, qui ressemble étrangement à Claudia, l’amour de sa vie pour laquelle il est devenu vampire. Un concours de circonstances va faire qu’ils vont devoir fuir la hargne des démons.
Je ne vais pas vous dévoiler le destin de chacun des protagonistes. Chacun finit non par suivre son chemin, son destin, mais par faire un choix, un choix qui lui est propre, qui lui correspond, qui pour certains (Jesse, Charles) est une sorte de rédemption.
De fait, Les vagabonds est bien plus qu’un livre revisitant le mythe des vampires, c’est surtout un livre sur la culpabilité, sur les tourments moraux, sur la quête de l’Amour, mais aussi sur la 2265è rédemption, sur la violence pure, gratuite. Et si, semble nous dire Richard Lange, les plus heureux étaient ceux qui ne se posent aucune question existentialiste? Ceux qui ne vivent que l’instant présent sans se soucier du lendemain, de l’avenir, sans tenir compte des leçons du passé? Ceux pour qui la violence est un moyen d’éliminer tout ce qui pourrait être un obstacle à l’assouvissement de leurs désirs, de leurs pulsions? Autant de questions que cette approche originale du mythe des vampire nous pousse à nous poser.
Les Vagabonds
Richard Lange
éditions Rivages. 22€50
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