Le sous-titre de ce livre de Maureen Demidoff est : « Autobiographie d’un mythe« , car oui, le personnage de Marie-Madeleine, la pécheresse repentie de la Bible, la femme aux longs cheveux défaits (symbole des prostituées depuis au moins l’épopée de Gilgamesh) est un mythe chrétien créé par Grégoire le Grand à la fin du VIième siècle. Il a procédé à la « fusion » d’au moins deux femmes présentes dans le Nouveau Testament : la femme pécheresse (que l’on retrouve chez Luc sans aucune mention de son prénom), Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare qui baigne de ses larmes les pieds du Christ et celle qui nous intéresse Marie de Magdala, guérie par Jésus des sept démons qui la possédaient.
Il est utile de dire qu’aucun Évangile, ni aucun texte apocryphe ne précise qui étaient ces démons et encore moins s’il avaient un rapport avec un aspect sexuel. Ce qui est certain, c’est que Marie de Magdala ne faisait aucun manquement à la Loi, à la Loi juive de l’époque, rigoureuse et marginalisant totalement les femmes. Et si on suit les Évangiles, c’est une « femme libre« , bravant bien des « tabous » de son époque : elle n’est pas mariée, elle suit librement Jésus sur les chemin, elle dépense pour le bien du groupe son argent ce qui montre qu’elle avait une vraie autonomie financière ce qui la rattachait à la classe supérieure de la société. Soit, Marie de Magdala eu, pour son époque, une attitude en contradiction avec les archétypes sociaux, ne se trouvant pas à la place assignée aux femmes. Mais cela ne la fait pas pour autant la prostituée repentie connue sous le vocable de Marie-Madeleine. Un mythe créé au Moyen-Âge et développé aussi bien par les théologiens que par les artistes. Il suffit d’admirer l’iconographie de ce livre composée de reproductions de tableaux de grands peintres.
De fait, si nous revenons aux Évangiles (dont les apocryphes dont celles de Marie et de Philippe que cite l’autrice), nous percevons la place centrale de Marie-Madeleine qui est appelée l’Apôtre des Apôtres par Jean. En effet c’est non seulement à elle que Jésus apparaît trois jours après la crucifixion, mais à qui, surtout il confie la mission de porter le message de la Résurrection aux apôtres et par voie de conséquence au monde et à l’humanité. Ce n’est pas un des moindres des paradoxes : la Révélation de la Résurrection est portée par une femme, ce sous-être étrillé, sans autonomie, n’ayant aucune connaissance théologique et non par un homme. Elle est le pivot, le centre, le détonateur de ce qui deviendra le christianisme. Un parallèle quelque peu osé pour certain peut être fait avec Khadidja, la première épouse de Mohamed. Quand il a ses Révélations, il se croit fou, mais c’est son épouse qui croit en ce qu’il dit et qui le pousse à continuer à recevoir la parole divine. Plus d’un théologien musulman considère Khadidja comme le/la premièr(e) musulman(e), tout comme on peut considérer que Marie-Madeleine est la première chrétienne. Il suffit de voir le scepticisme des apôtres, surtout Pierre, quand elle leur reporte ce qu’elle a vécu, vu, entendu, elle ne sera cru que quand le Christ leur apparaîtra. Selon quoi, à la base, ces deux religions issues du Livre donnent une place centrales aux femmes, mais les théologiens furent des hommes !
Maureen Demidoff nous montre, nous décrit ainsi une femme aspirant à la liberté; une femme amoureuse de Jésus, pas d’un amour charnel mais d’un Amour absolu, pur, total. Elle suit cet homme, son Rabbi qui porte un message révolutionnaire en outre au niveau de l’égalité des hommes et des femmes. Elle respecte la Loi sous bien des aspects mais réfute tout ce qui est attentatoire à la Liberté, à ce qui rabaisse les femmes. Une femmes qui la première comprend le message de Jésus, qui ne fuit pas devant le danger comme les apôtres lors de la crucifixion, une femme qui est la première dépositaire, la première à transmettre la révolution pour l’humanité que fut la parole de Jésus. Après, l’Eglise en fit un mythe et sa vie fut déformée pour aller la faire ermite à la Sainte-Beaume, où sûrement elle ne s’est jamais rendue. Mais les mythes sont utiles pour faire réfléchir les hommes.
Marie de Magdale, alias Marie-Madeleine, une femme Amoureuse, une femme aspirant à la liberté, un danger pour toutes les sociétés misogynes, mais un des plus beaux symboles de notre histoire.
Moi, Marie-Madeleine
Maureen Demidoff
éditions: Ateliers Henry Dougier. 14€90
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Illustration de l’entête: Marie de Magdala (1887) détail. Alfred-Emil Leopold Stevens (1823-1906). Huile sur toile 118cm/77,3cm. Musée des beaux-arts de Gand. Belgique