Est-ce un roman que vous avez entre les mains ? Oui sous bien des aspects, mais c’est surtout une sorte d’autobiographie sur un moment clé de la vie de Géraldine Ruiz l’autrice, une auto analyse, une auto psychanalyse en quelque sorte tant elle cherche au fond d’elle-même, au fond des replis de son âme, pour savoir qui elle est véritablement et (peut-être) surtout ce qu’elle souhaite vraiment faire de sa vie. C’est la rencontre avec Lina qui va enclencher ce processus.
La narratrice, 35 ans, est une journaliste écrivaine qui ne vit, ne respire que pour son travail. Le reste n’est rien et sûrement pas les hommes. Bien sûr, elle a quelques aventures, mais sans lendemain, sans aucun engagement de sa part. Oh, elle est bien tombée amoureuse d’un journaliste, mais il était marié, jamais elle ne lui a avoué son sentiment et elle a préféré partir travailler dans une autre entreprise. De fait, elle a quelques amies de son âge, toutes célibataires mais obsédées par la quête de trouver l’homme de leur vie et d’être mère. Quête effrénée dans laquelle les échecs s’accumulent.
L’une d’entre elle, Célestine lui avoue qu’elle a rencontré une voyante Lina et qui travaille dans un village à l’orée de la forêt de Brocéliande. La voyance est loin d’être la tasse de thé de l’écrivaine, rationaliste et se méfiant de tous les charlatans qui opèrent en ce domaine.
Mais elle finit par rencontrer Lina : une sexagénaire pétillante, au franc-parler, avec une gouaille inépuisable. Elle ne mâche pas ses mots, n’essaie pas de biaiser, de rassurer, peu importe ce qu’elle voit, que ce soit positif ou négatif, elle le dit, sans fioritures et a la réputation de ne jamais mentir. Quoique troublée par cette première rencontre, elle n’en reste pas moins sceptique. Mais quand elle se trouve dans une relation toxique avec un homme (une sorte de Don Juan manipulateur qui la met sous sa coupe), elle finit par aller consulter Lina et s’attire les foudres de la voyante qui lui intime l’ordre de cesser cette histoire, d’autant qu’elle finira bientôt par rencontrer le père de ses enfants. Intriguée par la personnalité de Lina, elle décide alors d’écrire un livre dont elle sera le centre.
Ainsi, au fil de leurs rencontres, de leurs entretiens, se dessine le portait de la voyante. Ce don arrivé de nulle part et dont on ne peut donner une explication rationnelle : il est là, c’est un fait, circuler, il n’y a rien à voir et à comprendre ! Mariée jeune à un marin, elle se retrouve seule avec trois enfants en bas âge. Ce n’est que bien plus tard que, sous la pression de son entourage, Lina finit par devenir voyante. Une voyante « cache« , n’hésitant pas à « bousculer » ceux qui viennent la consulter. Elle a une certaine renommée locale, présente une émission au début des années 80 dans une radio locale, passe au journal régional de FR3, fait l’objet d’articles dans les journaux, dont un dans « Nouveau détective« . Mais c’est surtout une femme qui a su surmonter les épreuves de sa vie qui ne fut pas un « long fleuve tranquille » avec la mort de son mari et de son fils. Pour autant, elle est toujours disponible pour aider les autres grâce à son « don ».
L’autrice reste sceptique tout en reconnaissant que Lina est vraiment une personne « atypique » et très utile à ceux qui la consultent (dont elle). C’est aussi l’occasion de montrer la dépendance de certaines personnes à la voyance, et qui ont besoin d’aide pour essayer de comprendre leur vie, leurs angoisses (la voyance comme thérapie) et qui, dès qu’elles ont trouvé ce qu’elles cherchaient cessent de consulter. Géraldine, au contact de Lina, prend conscience des impasses où elle se trouve. La voyante lui « ouvre les yeux », la bouscule, ne lui dit pas toujours ce qu’elle veut entendre. Elle lui en veut, a du mal à surmonter ses blocages (dont le plus important est l’engagement avec un homme), mais elle progresse dans la connaissance d’elle-même. Et de fait si elle est critique contre tous les charlatans de la voyance, elle place Lina à part, lui voue même une certaine admiration pour le bien qu’elle fait aux autres, l’espoir qu’elle sait mettre en leurs âmes et peu importe si tout cela est basé plus sur la croyance, l’irrationnel, l’acte de foi, ce qui importe c’est le résultat qui lui est visible.
Géraldine Ruiz signe ici un roman basé sur des faits réels et qui est un hymne à l’Amour, l’amour sentiment pour deux êtres en quête de leurs compléments mais surtout à l’Amour absolu qui calme les tourments. Lina vit cet Amour et, avec son « don », ses moyens, le fait rayonner autour d’elle.
Lina ne ment jamais
Géraldine Ruiz
éditions Julliard. 20€
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