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Julien Guérin chorégraphie La Belle et la Bête

par Suzanne Ferrières-Pestureau

Pour la création du ballet La Belle et la Bête le chorégraphe Julien Guérin a choisi l’Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz, du 14 au 17 mars 2024. 

Formé à l’école nationale de musique et de danse de la Rochelle puis au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris Julien Guérin intègre en 2001 le Junior Ballet à Paris puis en 2003 l’Atlantic Southeast Ballet à Charleston en Caroline du Sud (USA). Après avoir obtenu son diplôme d’État de professeur de danse au Centre National de Danse de Paris, Julien Guérin rejoint l’English National Ballet à Londres et danse successivement avec l’Opéra National de Bordeaux et le Scottish Ballet au Royaume-Uni avant d’intégrer les Ballets de Monte-Carlo en 2007.

Riche de son expérience de danseur, il fait ses premiers pas en tant que chorégraphe à l’Académie Princesse Grace où il crée plusieurs pièces : Chase the Score en 2008, Communication a une académie en 2010, Ostinato Graphique en 2011, Verwirrung Der Gefühle en 2012, Tribuations en 2012, Soir de Fête en 2013, année où il est nominé au Rolex Mentor & Protégé Arts initiative dans la catégorie Danse, Somnia Vertigo en 2014, Elles en 2016, Theorem68  la même année,  Esquisse et Piano Poetry en 2017 pour le Pôle  National supérieur de Danse Provence Cote d’Azur

De nombreuses chorégraphies s’enchainent en France et à l’étranger jusqu’en 2022 où il créée   La Princesse de Clèvesavec le ballet de l’Opéra théâtre de l’Eurométropole de Metz où nous le retrouvons aujourd’hui pour sa dernière création La Belle et la Bête

Dans cette création Julien Guérin s’inspire de la première version écrite de ce conte par Gabrielle de Villeneuve (1740) qui relate l’histoire d’un marchand ruiné, parti sur la route pour tenter de faire du négoce afin de nourrir sa famille après avoir demandé à chacun de ses six enfants le cadeau qu’il aimerait recevoir à son retour. Belle, la cadette ne lui demande qu’une rose. Sur le chemin du retour le père s’égare dans une forêt profonde à proximité du château de la Bête où il pénètre, le croyant vide, et cueille une rose pour l’offrir à Belle. Surpris par la Bête, il est contraint d’offrir l’une de ses filles pour payer son forfait. De retour chez lui, seule Belle accepte de se sacrifier pour sauver son père en prenant sa place auprès de la Bête où elle s’engage à demeurer pour toujours.

Contre toute attente, la Belle trouve dans la Bête une forme de beauté intérieure qui transcende les apparences ce qui lui permet avec le temps d’accéder à sa demande d’amour et de le délivrer ainsi du sort auquel l’avait assigné une pauvre femme à laquelle il avait refusé l’hospitalité du temps de sa splendeur princière. Grâce à l’amour que lui porte la Belle, la Bête retrouve sa jeunesse et sa beauté, celle du jeune homme apparût dans ses rêves.  

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La Belle et la Bête. Julien Guérin. ©Opéra-Théâtre de Metz-Métropole

Dans l’œuvre chorégraphique crée pour le Ballet, Julien Guérin synthétise certains éléments narratifs des différentes versions des auteurs successifs tels que le conte de Madame de Beaumont (1756), le livret d’opéra de Marmontel (1771) ou le récit de Melle Chon qui inspira Madame de Villeneuve lors d’un voyage mais aussi l’adaptation cinématographique de Cocteau (1946). 

La toile musicale romantique de Mendelssohn et de Franz Schubert qui sous-tend la trame de l’histoire, revisitée par la musique d’Anthony Rouchier, plonge le spectateur dans un paysage sonore où la douceur de l’orchestre rencontre les textures électro-acoustiques et la rythmique de la musique du 21e siècle.    

Parmi les nombreux symboles qui jalonnent la mise en scène du conte dont celui de la Belle qui incarne l’amour inconditionnel sous toutes ses formes, Julien Guérin prend le parti de personnifier la Rose, tel un personnage fantastique qui lui permet de ponctuer la narration et d’ajouter de l’onirisme à ce conte philosophique et féerique. 

Dans la chorégraphie de La Belle et la Bête, proposée par Julien Guérin, le conte, par la dimension symbolique et fantasmatique qu’il véhicule, est plus qu’un support sur lequel se greffe la danse, il s’incarne dans une gestuelle affranchie de la cohérence narrative, bouleversant séquences et personnages pour faire exister le fugace, l’impalpable ressenti des drames et les moments d’intenses émotions que réserve la vie. La danse fait exister l’indicible, elle montre sans dire, laissant au corps en mouvement la liberté d’exprimer des références communes et une mémoire collective véhiculée par le conte dont tout le monde connaît l’histoire. C’est en partie parce qu’il connait le conte que le danseur-chorégraphe peut s’en détacher pour aller au-delà du langage et arriver à la danse, cette autre forme d’expression qui engage le corps tout entier dans son pouvoir de révéler le sens profond du conte, en nous le montrant sous un angle inédit.

La danse permet d’apporter un éclairage nouveau au conte par sa capacité à évoquer et à exprimer les pulsions universelles qui touchent chacun d’entre nous. « Là où les mots finissent la danse commence » disait Pina Bausch la célèbre danseuse allemande disparue car ce que la danse produit vient d’un lieu antérieur à l’inconscient décrit par Freud, de ce lieu que Jacques Rancière appelle « inconscient esthétique ». C’est cet « inconscient esthétique » énergétique qui est mobilisé dans la danse, un inconscient qui correspond à une première mise en forme de l’activité pulsionnelle dès l’origine lors des premiers échanges entre le mère et l’enfant où le corps est engagé dans sa relation avec l’autre dans une rythmicité et une dynamique qui va nourrir le geste créateur du chorégraphe. 

Julien Guérin invite le spectateur à dépasser le visuel et à s’identifier au son, à la sensation et à la sensualité des mouvements pour éprouver le monde comme les danseurs le ressentent c’est-à-dire en pensant les mouvements non seulement visuellement mais avec leur corps tout entier jusqu’à se détacher de l’histoire pour en avoir une nouvelle compréhension. 

En choisissant de chorégraphier La Belle et la bête Julien Guérin s’inscrit dans la filiation du conte merveilleux dont il reconfigure le récit en déployant tous les aspects symboliques du conte dans le choix des décors, de la musique, des costumes, des couleurs, et dans la magie de la mise en scène. Il nous ouvre ainsi les portes d’un dépassement onirique de notre condition humaine moins pour fuir ce monde inquiétant qui est le nôtre que pour réenchanter notre vie le temps d’un spectacle et peut-être au-delà si nous avons le talent d’en prolonger le charme dans chaque instant de notre vie.

Pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de découvrir le ballet de Julien Guérin La Belle et la Bête à Metz, un autre ballet du chorégraphe, Boléro, sera présenté par la Arles Youth Ballet Company les vendredi 17, samedi 18 et dimanche 19 Mai 2024 à Fourques dans le Gard ainsi qu’au festival international de danse de Miami en août prochain.

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