Cal Flyn est une journaliste écossaise. Beau métier, dans un très beau pays, rude, mais magnifique. Elle s’est spécialisée dans les problème liés à l’écologie, mais pas avec une vision « politique » de cette problématique.
Par goût, mais aussi dans le cadre de son métier, Cal Flyn voyage et elle voyage beaucoup. Mais son but, n’est pas de faire un guide touristique décrivant les plus beaux monuments à voir, ni des récits de rencontres toutes plus enrichissantes les unes que les autres. Tout cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas sensible devant les créations architecturales léguées par l’histoire ou qu’elle n’a pas fait connaissance avec des personnes qui l’ont grandie, enrichie, non!
Cal Flyn dans son livre À l’abandon publié aux éditions Paulsen et sous-titré Quand la nature reprend ses droits, visite des territoires à l’abandon, des endroits marqués par la vie des hommes mais qu’ils ont quittés pour des raisons diverses et variées. Elle nous amène sur tous les continents de l’île d’Inchminckey en Ecosse à Verdun (plus précisément dans le lieu où furent enfouies les armes chimiques qui n’avaient pas explosées) ; de la zone tampon sur l’île de Chypre avec la ville devenue fantôme de Varosha au site de Tchernobyl ; des quartiers abandonnés de Détroit au site de l’usine désaffectée à Paterson dans le New Jersey ; d’Amaani en Tanzanie à Harju en Estonie. En tout douze sites douze endroits, plus ou moins déserts mais marqués par l’empreinte humaine. Douze sites réunis en quatre parties : in absentia, ceux qui restent, l’ombre portée et dénouement.
Tous ses sites ont leur histoire : les époques et les raisons, les contextes de leur désertification, et c’est pour Cal Flyn, l’occasion d’essayer de comprendre, de rendre compte comment la nature, quand l’homme n’intervient plus, reprend force et vigueur. L’humanité a été stupéfaite lors du confinement de 2020 de voir la nature se développer, faire preuve d’une résilience dont on ne la croyait pas capable. Cette expérience, enfin plutôt ce fait, cette force, c’est ce que l’autrice cherche et surtout trouve dans ces lieux dit « de désolation ». Désolation, pour l’homme sûrement, mais pas pour les animaux et surtout pour les végétaux. En ces lieux s’est développé un écosystème qui leur sont propres un écosystème plein de vie, d’espoir. La nature n’a pas besoin de l’homme pour se développer, pour resplendir, elle se suffit à elle-même.
Se pose alors la question du devenir de ces lieux : doit-on les laisser intact ? les préserver ? ou, suivant des opportunités, les aménager voire les détruire car pouvant être dangereux pour l’homme (pensons au cimetière de bateaux avec tous les produits toxiques qu’y s’y trouvent dans l’Arthur Kill, le détroit séparant Staten Island, New-York et le New Jersey) ? Toute intervention détruirait en tout ou partie l’écosystème spécifique s’y étant développé. Mais la non-intervention est aussi le symbole du conservatisme, de l’immobilisme, de la mort du point de vue d’homo sapiens sapiens. C’est le vrai débat qui devrait avoir lieu. Ici, sur ces sites, l’homme n’est pas intervenu dans la création même de l’écosystème. C’est la nature et le temps qui ont sélectionné les espèces les plus aptes à se développer, à se reproduire, à progresser, se sont de vrais musées de la résilience de la Nature. Mais quand un site a été créé par l’homme, quand l’écosystème s’y trouvant a pour origine une sélection humaine et ne s’inscrit pas du fait de la nature, peut-on alors continuer à agir dessus ? De fait, c’est par la destruction par l’homme d’un écosystème que le nouveau a pu « naturellement » ou grâce à l’homme, émerger et voir le jour.
Alllons plus loin, ainsi l’homme peut-il détruire, continuer à façonner ce qu’il a détruit, établi ? Ainsi, bien des marais, des zones humides qui étaient en contact avec la mer ont été aménagés pour que l’homme puisse y vivre et cela au prix de la destruction de bien des espèces végétales et animales qui s’y trouvaient précédemment. Pensons au Pays Bas, mais aussi à la forêt landaise, il faut savoir que son aménagement a ainsi permis la disparition, entre autres choses des moustiques transmettant la malaria, et les pins maritimes ne sont pas une essence locale. Doit-on les supprimer et permettre aux marais de resurgir avec leur faune et flore spécifiques, Et la forêt amazonienne, maintenant que nous savons qu’elle a été façonnée par l’homme et n’a rien de « primaire » ? Et les marais poitevins, véritables jardins créés, aménagés par les moines de Maillezais au Moyen-Âge, ne sont-ils pas avant tout le symbole de la domination de l’homme sur la nature qu’il veut plier à sa volonté à ses désirs ? Doit-on laisser la nature les façonner à nouveau ?
Voilà quelques questions que le livre de Cal Flyn nous pousse à nous poser, tout en restant émerveillés par la puissance de la résilience de la Nature. Elle nous invite à un très beau voyage bien loin des circuits touristiques habituels mais d’un enrichissement certain.
A l’Abandon
Quand la nature reprend ses droits
Cal Flyn
éditions Paulsen. 23€50
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