Layla (la nuit) est une jeune syrienne chrétienne d’Alep. Elle n’a jamais connu son père, parti en Amérique avant sa naissance, vit avec sa mère, couturière, femme lumineuse qui veille sur sa fille. C’est l’insouciance rue Sissi, les amis (de toute religion), les fêtes, les études. Une vie simple, sans haine où la tolérance (dû, en outre à la laïcité inscrite dans la constitution) envers l’autre, sa culture est totale. Une vie où les traditions de chaque communauté sont toujours présentes mais sans aucune idée d’exclusion des autres. Layla est une jeune fille de son âge, de son temps, enracinée dans son monde, dans son pays, dans sa ville, dans son quartier, rêvant d’affranchissement et d’indépendance. En soit, elle ressemble à toutes les jeunes syriennes.
Alors qu’elle entre à l’université, la révolte contre le pouvoir commence au temps du « printemps arabe ». Mais très vite elle dégénère en guerre civile avec le terrorisme sunnite, financé par les pétromonarchies et alimenté par l’afflux régulier de « combattants » venus de l’étranger. C’est le début des restrictions d’eau, d’électricité, de la terreur quotidienne, de la mort qui frappe au hasard. Quand sa mère décède d’un cancer, Layla fuit à Damas. Elle espère y retrouver Salam, son premier amour avec qui elle a connu l’amour physique. Mais celui-ci est souvent absent, leurs rencontres sont rares mais elle apprend à attendre. Leyla vit dans une pension tenue par Marion, femme bipolaire, parfois empathique, parfois d’une avarice totale. Elle y rencontre Amal, jeune femme d’une grande beauté qui se réfugie dans le plaisir et Hayat, une écrivaine qui va avoir du succès avec son premier roman. Elle est professeure à l’Université, parle l’araméen (la langue du Christ). Ses deux amis sortent Layla de sa torpeur, elle travaille dans une école, reprend ses cours à l’université.
Avec en toile de fond le bruit des canons, les horreurs de la guerre et d’une interprétation mortifère du Coran, de la destruction et du pillage des trésors archéologique de la Syrie, Layla vit, toujours poussée par sa soif de vie, de liberté. Elle a une relation platonique avec un de ses professeurs (un Français admirateur de la culture orientale), comprend qui est Salam, le camp pour qui il combat, étudie, avance. Une succession de joie, de moments de bonheur, mais aussi d’horreurs, de peines.
Layla profite d’une opportunité pour aller à Beyrouth où, bientôt elle va étudier à l’Université. Elle trouve un emploi de lectrice auprès d’une veille femme, héritière d’une des plus grandes familles libanaises. Et le 4 août 2020, une explosion détruit une partie de Beyrouth. Mais Layla veut avancer, continuer à vivre avec toujours en elle son amour absolu pour son pays martyr.
Myriam Antaki, grande écrivaine syrienne, francophone, habitant depuis la guerre en Syrie, à Beyrouth, nous offre ici un magnifique roman, une déclaration d’amour à son pays natal, à sa culture, à sa tolérance. Une ode poétique sur la liberté, la vie qui doit continuer, s’épanouir quelques soient les circonstances, même les plus mortifères : la vie doit triompher des forces de la mort, la Lumière triomphe des ténèbres quelque soit le prix que chacun doit payer. Une écriture d’une grande pudeur dans laquelle, en quelques mots sont résumés les absurdités de la guerre, les ravages qu’elle cause à l’humanité : « les pluies de bombes allaient détruire les somptueuses coupoles, réduites en amas de poudre fine, des murs centenaires tracés de prières. »
Comment, à la lecture de La vie toujours ailleurs, ne pas penser à l’immense Amin Maalouf, dont toute l’œuvre est aussi une invitation à découvrir un monde complexe, tolérant héritier de cultures plurimillénaires que certains veulent détruire au nom d’une religion fantasmée, trahie, détournée du message spirituel qu’elle promeut : « ces fanatiques endoctrinés ont déjà traversé, dans leur tête, des siècles pour revenir aux origines d’une religion qu’ils ne font que déformer ». Tout est parfaitement dit.
La vie toujours ailleurs
Myriam Antaki
éditions Intervalles. 20€
llustration de l’entête: Myriam Antaki. photo© Serge Najjar
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