Sigismond Krzyzanowski (dit Lacroix ce qui n’est que la traduction de son nom du polonais au français) était ami de Clémenceau, de Vallès entre autres personnalités. Il fit partie de ces personnages de premier plan à leur époque mais la mémoire nationale avec le temps a fini par l’oublier.
Né en 1845 de parents polonais en exil, faisant de bonnes études à Angers jusqu’à devenir avocat (il ne plaida jamais), employé municipal à Paris, il ne participe pas à la commune de 1871 se trouvant à Angers. Obligé de démissionner, il devient un journaliste de talent. Républicain intransigeant, il se place à l’extrême-gauche de son époque. Pour autant, il n’est pas anarchiste et encore moins communiste. Ses engagements lui valent (et plus généralement valent pour les journaux dans lesquels il écrit) bien des déboires, dont un séjour en prison sans parler des amendes. Jusqu’à la loi de 1881, il fallait un certain courage pour pouvoir s’exprimer. Il est élu conseiller municipal à Paris dont il présidera le conseil, il fut aussi député. Homme indéniablement quelque peu froid, plutôt taiseux, pas un grand orateur comme son ami Clémenceau, mais exposant toujours ses idées de façon claire, technique, objective.
Radical intransigeant, il s’oppose vivement à Gambetta (il se présentera, en vain à la députation contre lui) et à Ferry à qui il leur reproche de renier (à juste titre) les promesses contenues dans le fameux manifeste de Belleville (cliquer pour lire) et, tout au long de sa vie, trouve que toutes les réformes (de la « constitution de 1875 » (cliquer pour lire) aux lois sur l’école publique obligatoire) ne sont pas assez radicales pour instaurer durablement une vraie république laïque et sociale. Il est pour une séparation stricte de l’Eglise et de l’état, il s’insurge contre un système économique qui pousse les travailleurs dans la misère, il veut réformer le statut particulier de la Ville de Paris, il est contre la politique coloniale, se bat pour l’égalité des sexes et j’en passe.
Lacroix fut un des tous premiers (pour ne pas dire le premier) à comprendre le danger que représentait le général Boulanger. Bien sûr, très vite il prit la défense du capitaine Dreyfus au nom du droit, de la morale et des valeurs républicaines qu’il place constamment au-dessus de tout. Des positions qui lui valent les foudres de Rochefort (quand on lit la prose de ce dernier, on s’aperçoit qu’en cette fin du XIXème siècle, les invectives, violence verbale, fausses informations sont à un niveau nettement supérieur qu’elles ne sont de nos jours).
Pierre Deblock, chargé de cours à l’IEP de Paris et à feue l’ENA aujourd’hui INSP, est un historien de l’histoire du XIIIème arrondissement de Paris, ainsi fait-il partie de ces passionnés de l’histoire locale qui existent dans toutes les communes du pays. La biographie de Sigismond Lacroix qu’il vient d’écrire est surtout et avant tout une série de chapitres contenant des extraits de ses écrits, autour des nombreux engagements de Lacroix. A travers eux se dessinent les grands débats qui déchiraient la société, traumatisée par la défaite de 1871 et par la Commune de Paris au moment de la mise en place des institutions de la République. Ne vous attendez pas à de longues disgressions sur les enjeux, les différents courants politiques de l’époque, tout est centré sur les écrits, la pensée de Sigismond Lacroix.
Si certains problèmes de cette époque perdurent encore, il n’en reste pas moins que ce qui peut nous paraître évident de nos jours (comme la République, l’éducation gratuite, la laïcité, le droit de grève, etc.) n’a pu être mis en place que grâce à l’action d’hommes (et de femmes) engagés, parfois courageux, qui avaient une vision globale, parfois quelque peu utopique, de la société, du vivre ensemble, de l’intérêt général. Sigismond Lacroix en a fait pleinement partie.
Sigismond Krzyzanowski dit Sigismond Lacroix
Pierre Deblock
éditions du Panthéon. 19€90
Illustration de l’entête: caricature de Sigismond Lacroix par André Gill dit Gill (1840-1885), publiée dans la revue Les Hommes d’aujourd’hui
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