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La Roque d’Anthéron, concert d’ouverture avec Maria João Pires

par Pétra Wauters

L’équipe du festival et René Martin, directeur musical et fondateur de cet évènement musical ont invité une grande dame, une icône du piano, Maria João Pires pour cette première soirée au château de Florans. La pianiste et Gordan Nikolić ouvrent le bal avec l’Orchestre de Chambre de Paris.

Samedi 20 juillet à 21h00, on attendait cette divine pianiste Maria João Pires, accompagnée par Gordan Nikolić au violon et à la direction de l’Orchestre de chambre de Paris. Un monde fou, qui a mis du temps à s’installer dans les gradins.

Les concerts d’ouverture sont souvent des moments uniques, non seulement pour nous, spectateurs, mais aussi pour les artistes. Ils se produisent depuis des années dans ce cadre magnifique qu’ils connaissent si bien, avec son ambiance incroyable et unique sous les séquoias et les platanes. D’ailleurs, il en manque à l’appel, témoins ces impressionnantes souches de platanes qui ouvrent tristement la vue sur la clairière. Malades et dangereux pour le public, les abattre était la seule solution. Mais on est là pour savourer, ne l’oublions pas, on va assister à ce premier concert, rythmé par le chant des cigales jusqu’à la nuit tombée.

Les musiciens et public retrouvent La Roque d’Anthéron, ce village mondialement connu grâce à son festival annuel, qui rassemble, année après année, de nouveaux jeunes talents et des maîtres incontestés du piano dont la renommée n’est plus à faire. Et cela fait déjà 44 ans que cela dure !

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Nous attendions donc Maria João Pires, pour un moment rare et précieux d’autant plus que, longtemps grande fidèle du festival, elle n’y était pas revenue depuis 2018.  Le concert programmé le 17 août 2023 ayant dû être annulée pour des raisons de santé, l’envie de la revoir était immense. L’affiche du concert ce samedi soir était partagée avec l’Orchestre de chambre de Paris, qui faisait également l’ouverture en 2023. Ce samedi, c’est le chef violoniste serbe Gordan Nikolić qui dirige la formation avec le concerto pour violon et orchestre n°4 en ré majeur K. 218Il a du talent, du tempérament, une personnalité « électrique », qui le fait bondir à l’assaut de quelques notes et la coque acoustique devient un terrain de bataille pour ce premier Mozart. Les mélodies peuvent paraître simples, mais il est très facile de jouer faux, on l’a déjà entendu.  Ici, rien ne heurte nos oreilles et Gordan Nikolić nous livre un son à la fois pur, clair, brillant, sans projeter des mièvreries. Pourtant, paradoxalement, il y a comme une mise à distance entre nous et Mozart, comme un filtre qui s’est installé. On ne se laissa pas emporter vraiment. Pourtant l’orchestre a ce rapport au plaisir mozartien, cette envie de plaire, on le voit bien, tout est mis en place pour illustrer le génie mélodique du compositeur. Alors sans doute faut-il laisser plus de temps… au temps et ce sera confirmé avec l’entrée sur scène de Maria João Pires. Elle n’est pas grande, on le sait, mais à côté du grand chef protecteur qui l’accompagne jusqu’au piano, elle nous paraît fragile. Elle s’installe sous les applaudissements, et le voile se lève comme par magie.

Concerto pour piano et orchestre n°9 en mi bémol majeur K. 271 “Jeunehomme” de Mozart, La pianiste semble intimidée, comme souvent du reste, mais nous, public, sommes persuadés que tout va bien se passer. On ne quitte pas des yeux les mains de Maria João Pires, si petites. C’est la première fois qu’elles nous paraissent si petites d’ailleurs, et on se plaît à les observer. On remarque avec quelle aisance la pianiste arrive à « composer » avec, déjouant avec souplesse certains traits de la partition qui pourraient être problématiques. Voilà une pianiste qui sert la musique avec humilité, noblesse et une poésie raffinée émane de son jeu. C’est l’une des plus grandes interprètes de Mozart et ce concerto composé à seulement 21 ans est l’une des œuvres les plus importantes du compositeur. Elle marque un tournant dans son écriture, une rupture avec le passé qui s’entend dès les premières mesures de l’allégro dans un dialogue sublimé entre le piano et l’orchestre. La pianiste offre un jeu d’une profonde sincérité, et si elle contrôle tout, elle le fait avec une chaleur et une générosité qui n’appartiennent qu’à elle ; elle construit son Mozart et son engagement nous touche. Surtout dans l’andantino, d’une belle expressivité, et, dans le même temps, tout en retenue. À l’image de la dame qui fêtera ses 80 ans le 23 juillet. On a du mal à le croire.

Beethoven : Symphonie n°8 en fa majeur opus 93

Après l’entracte, Gordan Nikolić se place dans l’orchestre, un musicien parmi les musiciens, mais on ne voit que lui. Physiquement déjà. Il est grand et remuant. Obtiendra-t-il ainsi le meilleur de chacun ? Assurément, il a l’esprit d’équipe et il déploie depuis son tabouret une énergie incroyable. La cohésion de l’orchestre paraît intacte même si, par moment, on peut se demander si on n’a quand même pas besoin d’un chef… juste en face des pupitres ! Paradoxal encore. Question d’équilibres sonores qui s’éparpillent un peu mais attention, c’est beau, c’est très beau ce qui se joue ce soir devant nous et ce Beethoven ne manque pas de panache ni de folie, notamment dans le final. Si les bois nous charment, à tous les pupitres les musiciens déploient un bel éventail de couleurs, de contrastes, de reliefs. Les quatre mouvements nous troublent et nous bousculent. Ils sont un peu théâtraux par moment, mais quel charme, quelle puissance !

Soirée magique avec encore deux bis offerts au public 

Mozart : Sonate pour piano n°10 en do majeur, K.330, Andante par Maria João Pires, après son concerto. Nous le savions, la pianiste connait parfaitement le langage musical de Mozart, elle le joue à sa façon, dans son style, tout en restant fidèle et toujours très humble. Son attitude nous le prouve, toute recueillie, presque effacée. Voilà une partition limpide, qui ne tolère par ailleurs aucune erreur. Applaudissement à tout rompre pour l’artiste, qui reçoit deux magnifiques bouquets de la part de petites filles, très émues. 

Gluck : Orfeo ed Euridice, Wq. 30: Ballo Andante de la fougue, de l’énergie, tout cela au service de l’émotion. Clap de fin de la soirée, le festival commence divinement bien ! 

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Illustration de l’entête:  : Maria João Pires, Festival international de piano de La Roque-d’Anthéron (20 juillet 2024.  @Valentine Chauvin)

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