Un roman de Romane Lafore écrit avec tendresse sur un sujet clivant, celui de l’avortement.
Agnès, pas encore la trentaine, a des idées bien établies sur le rôle des femmes dans la société. Il faut dire qu’elle est l’ainée de 6 filles (le petit frère est décédé à 22 mois et son souvenir hante encore toute la famille) et qu’elle a baigné dans un milieu catholique assez rigide pour ne pas dire traditionnaliste. Du côté de sa mère, elle est issue de la noblesse (petite et totalement désargentée) quant au père c’est un pharmacien qui refuse de vendre la pilule du lendemain. Très bonne éducation à l’école des jeunes filles de la Légion d’honneur. Tout naturellement, elle rencontre son mari, Hervé, à une soirée du Triomphe à Saint Cyr Coëtquidan et après deux ans, c’est bien entendu « pure et vierge » qu’elle se marie. Elle suit (après avoir abandonné ses études de lettres classiques), bien entendu, son mari, officier parachutiste dans les garnisons où il est affecté : Bayonne, Dakar, Montauban.
Elle s’accommode parfaitement à cette nouvelle vie, même aux absences, pour cause de service de son mari. D’ailleurs (lui aussi très rigoriste au niveau religieux, et pas que), il est enchanté de l’investissement d’Agnès (une ancienne passionaria de la « manif pour tous ») dans un groupe luttant contre l’avortement. A travers les « tchats » sur Internet, elle a pour mission de dissuader les femmes d’avorter, quelques soient leurs situations. Très impliquée, ayant mis au point tout un argumentaire, elle devient très vite un des personnels les plus performants du groupe.
Soit, au niveau moral, il y aurait beaucoup à dire : de fait grâce à des « trolls », les algorithmes des moteurs de recherche mettent le site en avant, site qui laisse à penser dans sa présentation qu’il est une déclinaison du planning familial ou tout au moins de la Sécurité sociale. Mais peu importe les moyens il n’y a que le but qui compte : préserver une vie voulue par Dieu. Bien sûr, une loi condamne ce genre d’action, il suffit d’être discret, inventif et on va même jusqu’à faire de l’écoute téléphonique.
La seule ombre au tableau c’est que malgré tous leurs efforts, Agnès ne tombe pas enceinte (ce qui est une sorte de devoir pour elle). Hervé ne s’en offusque pas outre mesure, Dieu donnera quand il décidera de donner, alors qu’Agnès vit de plus en plus mal cette situation d’autant qu’autour d’elle les femmes pondent des bébés à na plus en vouloir. Petit à petit s’installe en elle l’idée qu’elle est impure, imparfaite, inutile et oui !
Une rupture va se produire à Dakar, quand Fréderic, son petit singe s’étrangle avec sa laisse. Pour elle, elle s’est trompée : elle ne porte pas, elle ne défend pas la vie, mais la mort. Si en apparence, elle reste toujours la même, dans son « travail », elle incite les femmes à avorter, trouve les mots justes et leur apporte un vrai réconfort dans cette épreuve.
Jusqu’au jour où, et sans l’avoir voulu, elle tombe enceinte. Tout le roman est bâti sur sa « confession », enfin son entrevue avec le (la) psychologue du Planning familial, préalable obligatoire avant un avortement. Qui va gagner en Agnès : la vie ou la mort ?
La confession pose l’éternel problème du bien ou du mal, ou plus exactement l’image de ce que nous mettons dans chacun de ces concepts. Et bien sûr sur le poids de notre culture, celle que nous nous forgeons dès notre naissance au niveau de notre libre arbitre et de l’image de nous même qu’elle a ancrée en nous. Décidément encore une fois, la vie n’est vraiment pas un long fleuve tranquille !
La confession
Romane Lafore
éditions Flammarion. 20€
mis en ventre en librairie le 28 août
Vous souhaitez réagir à cette critique
Peut-être même nous proposer des textes pour publication dans WUKALI
Vous voudriez nous faire connaître votre actualité :
Contact : redaction@wukali.com
Pour nous soutenir, rien de mieux que de relayer l’article auprès de vos amis sur vos réseaux sociaux😇
Notre meilleure publicité c’est VOUS !