Accueil Actualités Quelle soirée de piano à La Roque d’Anthéron avec Dang Thai Son, Eric Liu et Sophia Liu

Quelle soirée de piano à La Roque d’Anthéron avec Dang Thai Son, Eric Liu et Sophia Liu

par Pétra Wauters

Mercredi 14 août 2024. Il est 20h00 au Parc du Château de Florans à La Roque d’Anthéron, et l’orage est enfin passé ! Ouf, on a bien cru que le concert allait être annulé. Il y a un an, le 11 août 2023, Dang Thai Son était déjà ici, à la Roque d’Anthéron, pour un concert mémorable (Cliquer), avec un programme français magnifique : Chopin, Fauré, Debussy. C’était tellement magique que nous nous étions promis de revenir l’écouter.

Cet artiste vietnamien incontournable est d’une grande discrétion, plus discret que les nombreux prix qu’il a reçus au fil de sa carrière, dont le prestigieux Concours Chopin (cliquer) en 1980, l’un des plus anciens et respectés concours de piano. Cet interprète fascinant a étudié à Moscou avant de devenir le maître que tant de monde recherche aujourd’hui. Parmi ses nombreux élèves, on compte un autre habitué des lieux, Bruce Liu, né à Paris de parents chinois originaires de Pékin, et lui aussi lauréat du Concours Chopin, quelques décennies plus tard… en 2021.

Festival international de piano de la Roque d’Anthéron.
14/08/2024. Photo Valentine Chauvin

Ce mercredi soir, cependant, ce n’est pas Bruce Liu, 27 ans, que nous retrouverons, mais deux autres élèves de Dang Thai Son : l’Américain Eric Lu, avec un style très personnel. Ce pianiste filiforme d’origine chinoise, âgé d’à peine 26 ans, a déjà conquis le public. La plus jeune artiste de la soirée, c’est une petite fée clochette étincelante, vêtue de bleu : Sophia Liu, âgée de seulement 16 ans. Incroyable, elle est née à Shanghai en 2008, a déménagé au Japon à l’âge de 2 ans, et vit aujourd’hui à Montréal. C’est d’ailleurs là qu’elle étudie, sous la tutelle de Dang Thai Son.

Mozart, Mozart et encore Mozart !

Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°20 en ut mineur K. 466

Olécio partenaire de Wukali

Avec ses longues jambes qui n’en finissent pasEric Lu s’avance à grands pas vers son piano. L’orchestre est prêt, avec, à sa tête, un autre invité de marque, Gordan Nikolic, bien connu du public du festival de La Roque d’Anthéron. Il dirige le Sinfonia Varsovia depuis son violon.

Le concerto commence avec passion, presque dramatique. Eric Lu, jeune prodige, déploie un talent pianistique déjà affirmé, sans extravagance, mais avec une inspiration indéniable. Nous sommes transportés dans l’univers de Mozart, pour un voyage musical qui va durer toute la soirée. Un pur bonheur. Le premier mouvement nous entraîne immédiatement ; nous sommes en terrain familier avec Mozart. « On est presque à la maison ! » nous glisse une voisine de gradin dont c’est le compositeur préféré.  Trois mouvements, trois moments de grâce. On apprécie les contrastes du premier mouvement, entre gravité et douceur, puis la Romance, légère et charmante, nous fait plonger dans un rêve. Le troisième mouvement, un rondo plein d’énergie, clôture l’œuvre avec brio. Les musiciens délivrent une performance claire et vivante, l’orchestre accompagne le soliste avec pudeur, lui laissant toute la lumière qu’il mérite.

Festival international de piano de La Roque d'Anthéron. 14/08/2024, Dang Thai Son
Festival international de piano de la Roque d’Anthéron.
14/08/2024. Photo Valentine Chauvin

Mozart : Concerto pour deux pianos et orchestre n°10 en mi bémol majeur K.365

Dang Thai Son entre en scène. Petit par la taille peut être, mais s’agit d’un grand maître. Il rejoint son élève et ensemble, ils entament ce concerto, sombre et empreint de mélancolie. D’emblée, il est évident que ces deux artistes ont des tempéraments bien distincts. Malgré la fluidité et la souplesse de leur jeu, l’aîné se distingue par une interprétation plus extériorisée, avec de magnifiques graves. Sa personnalité est plus affirmée. L’orchestre, inspiré, maintient un bel équilibre entre les deux solistes. La virtuosité et la complicité entre les deux pianos sont palpables, les enchaînements parfaitement synchronisés.

Après l’entracte, nous retrouvons Dang Thai Son Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°23 en la majeur K. 488.

Ce concerto est splendide du début à la fin, et son deuxième mouvement est l’une des œuvres les plus célèbres du compositeur. Dès les premières notes, l’orchestre introduit les thèmes du soliste, qui résonnent avec clarté. Dang Thai Son les reprend, et nous n’entendons plus que lui, l’artiste, se fondant au cœur de l’œuvre, aussi bien dans les moments mélancoliques que dans les passages dramatiques ou entraînants. La simplicité de l’adagio (une simplicité apparente, car tout coule naturellement) reste l’un de nos moments préférés de la soirée. Puis vient l’allegro assai, époustouflant de fraîcheur et de spontanéité. Il est vrai que nous avons une préférence pour cette œuvre, à tel point qu’il nous est rare de rencontrer une « mauvaise interprétation » parmi les plus grands artistes, cela s’entend.  C’est tout le génie de Mozart : permettre aux musiciens de jouer cette composition avec intelligence et sensibilité. Dang Thai Son fait partie de ceux qui la subliment.

Mozart : Concerto pour trois pianos et orchestre n°7 en fa majeur K. 242 

Trois pianos, cela fait beaucoup ! Un concerto pour trois pianos, c’est plutôt rare, et c’est pour nous l’occasion de voir briller, dans tous les sens du terme, la jeune protégée de Dang Thai Son, tout en retrouvant sur scène Eric Lu. Les concertos pour piano de Mozart sont des joyaux, et tout au long de sa trop courte vie, Mozart a perfectionné ce genre musical. L’équilibre entre les solistes et l’orchestre est superbe, mais on peut se demander, peut-être naïvement, pourquoi trois pianos ?  La réponse se trouve dans le programme : Mozart a composé ce concerto à la demande de la comtesse Antonia Lodron, sœur du prince-archevêque Hieronymus Colloredo. Elle souhaitait une œuvre spéciale à jouer avec ses deux filles. Cette pièce, subtile et bien plus qu’un simple divertissement, est une belle découverte à trois claviers, avec des difficultés d’exécution variées. Dang Thai Son porte l’essentiel du discours, tandis que l’orchestre reste en retrait pour mettre en valeur les solistes.

Bis : Rachmaninov : 2 pièces pour six mains en la majeur : No.2Romance 

Après trois pianos, voici six mains côte à côte, et le tabouret paraît bien étroit ! Sourire du public, puis le silence se fait. Tous à l’écoute de ce superbe bis, avec trois pianistes parfaitement synchronisés, offrant une conclusion de toute beauté.

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