Deborah Willis, jeune canadienne, autrice de deux recueils de nouvelles, signe ici avec Girlfriend on Mars son premier roman. Elle écrit dans un style acidulé, un vocabulaire plein d’humour pour faire une critique acerbe de la téléréalité, de l’égoïsme de certains multimilliardaires qui, au nom du bien de l’humanité, n’agissent que pour accroitre leur fortune. L’éco-anxiété est présente, mais n’est-ce pas une problématique qui prend de plus en plus de place dans nos sociétés ? Pour autant Deborah Willis est, à rebours de bien des « écologistes », loin d’être une « décliniste ». Au contraire, elle montre, à travers d’Amber, une confiance en la science qui peut résoudre bien des problèmes au niveau du dérèglement climatique (en outre au niveau du CO2), mais, semble-t-elle dire, à condition que les recherches ont pour but ultime le bien de l’humanité et non les profits de certains multimilliardaires. Vaste débat !
Avec ce livre, nous ne sommes pas loin d’une vraie dystopie tant la société qui y est décrite (et la fin de l’histoire) ne nous fait pas rêver, loin de là. Mais une dystopie est avant tout une utopie, et l’univers de Girlfriend on Mars ressemble étrangement à celui qui fait le quotidien de nos sociétés occidentales, ce qui tend à démontrer que notre quotidien est bien loin de l’idée que l’on peut se faire du paradis.
Amber et Kevin, des trentenaires, trainent sur leur canapé (IKEA, bien sûr!) dans un entresol à Vancouver. Si elle a fait des études de biologie, elle travaille comme réceptionniste dans une entreprise. Lui, après quelques études dans le cinéma, a écrit des scénarii (jamais tournés) et tient des rôles de figurants, quand il travaille ! De fait, ils tirent leurs revenus de la culture et de la vente de plants de cannabis, se considérant comme des précurseurs puisque tôt ou tard, ce sera tout à fait légal. Cette vie suffit à Kevin, éternel adolescent qui n’a pas encore dépassé son complexe d’Œdipe. En effet il culpabilise de n’avoir pas été présent lors du décès de sa mère avec qui il avait un lien fusionnel et ne pense qu’à regarder à la télévision des comédies romantiques comme il le faisait avec sa génitrice. Pour lui le sens de sa vie est limpide : s’engager à aller nulle part mais avec Amber.
Cette dernière est angoissée par l’effondrement écologique, elle voudrait pouvoir sauver l’humanité en la faisant progresser. Elle se trouve engoncer dans son travail, dans son couple, mais aussi sur notre planète. Pour sortir de cette routine, de son univers particulièrement étriqué, elle s’inscrit au casting d’une émission de téléréalité MarsNow dont le but est de sélectionner le premier couple à envoyer sur Mars pour rendre cette planète habitable. Un aller simple, impossible de revenir sur terre !
Contre toute attente, elle est sélectionnée et, très vite, se démarque par son franc-parler, son naturel, mais aussi ses idéaux, ses croyances en la science pour sauver l’humanité. S’ensuit une description acide, sans concession du jeu et du mécanisme de ce qu’est la télé-réalité : des montages, la radinerie du producteur, la concupiscence de certains individus, un casting totalement artificiel, basé non point sur la personnalité des candidats mais sur la caricature qu’ils représentent. Des épreuves, soit, mais parfois, elles se résument à quelques prises de vue, comme cette marche harassante de quelques minutes, le reste se faisant en hélicoptère. Mais surtout, des caméras intrusives qui filment continûment, qui ne font que rechercher ce que les candidats voudraient cacher, qui grossissent les faits : et oui l’image ment et peut même mentir énormément !
Pendant ce temps-là, Kevin s’enferme dans l’appartement, ne vit que pour ses « bébés » (les plants de cannabis) passe son temps à se défoncer, à boire avec son meilleur ami, à regarder des comédies à la télévision avec une jeune femme, haute en couleur avec qui il finit par coucher. Il se donne pour but de faire revenir Amber et que tout recommence comme avant. Il n’est pas loin de réussir, mais sa passivité, sa nonchalance font rompre définitivement la jeune femme qui se donne d’autres idéaux dans sa vie que de l’aider à faire le deuil de sa mère.
Malgré la volonté du producteur qui n’hésite pas à lui tendre un piège dans lequel elle tombe sans rien comprendre, elle finit par gagner et part sur Mars avec Adam, un ancien militaire israélien avec qui elle a tissé des liens très forts durant toute l’émission. Ils partent et s’installent. La fin, je vous la laisse découvrir pour découvrir ce que deviennent Amber et Kevin.
Girlfriend on Mars
Deborah Willis
éditions Rivages. 23€90
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