S’il est bien un monde, un univers qui est devenu une sorte de fantasme, une sorte de signature, de symbole de la Belle Epoque, c’est bien la vie mondaine qui est perçue comme la continuation naturelle de la « fête » du Second Empire. Dans l’imaginaire collectif, Proust et Huysmans occupent une place nettement plus privilégiée que Zola au Maupassant. Il est bien plus facile de s’imaginer vivant comme Des Esseintes ou Swan que comme un rejeton de la famille Lantier ! Qui ne préfère pas le luxe et l’oisiveté au travail et à la peur du lendemain ! Alors l’histoire a plus tendance à retracer l’univers, le quotidien d’une infime minorité de la société qui a de fait, par ses façons d’être, sa philosophie de vie, énormément marqué la culture dominante.
Il est certain que la Belle Epoque fut l’âge d’or de la mondanité avec pour centre Paris où se retrouvait tous ce qui composait le « beau monde », non seulement de l’Europe mais du monde entier. Pas une autre capitale, pas une autre ville n’avait, n’a eu, autant d’importance au niveau des mondanités. Il faut être, et être vu, aux réceptions, bals, courses hippiques ou autres soirées à l’opéra pour espérer être considéré comme faisant partie de cet univers et en partager les rites.
Une place prépondérante est laissée à l’aristocratie, avec en son sein toute une sorte de hiérarchie entre la noblesse d’Ancien régime, la noblesse d’Empire et du XIXè siècle et la noblesse étrangère. Il y a aussi des bourgeois riches, très riches. C’est une époque des calculs matrimoniaux dont l’exemple le plus connu est le mariage d’un aristocrate désargenté et une riche héritière, tout le monde y trouve son compte.
C’est un univers d’oisifs. Rares sont ceux qui travaillent, et encore plus rare ceux qui travaillent pour vivre. On peut travailler certes mais que dans certains domaines, ceux qui servent la nation : armée, diplomatie, voire politique.
Les revenus sont avant tout tirés de la terre, du moins jusqu’à la crise agricole des années 1880 qui voient un glissement des fortunes vers les placements boursiers.
N’oublions pas qu’à cette époque il n’y avait pas d’impôts sur le revenu et des droits de succession symboliques ce qui favorisait la transmission des biens familiaux et privilégiait les héritiers par rapport à ceux qui vivaient de leur travail.
Il en résulte que les hommes ont des loisirs « liés à la terre », avec au centre la chasse, dont la chasse à courre que les dames ne dédaignent pas. Vestige de l’Ancien régime quand la chasse n’était réservée qu’à l’aristocratie.
Qui dit chasse à courre dit cheval, animal qui tient une place centrale dans ce milieu. En effet, il sert à se montrer aux Champs ou au Bois, comme l’on disait alors à Paris. On le fait courir sous ses couleurs dans les hippodromes où toute la bonne société se retrouve. Encore une réminiscence de l’Ancien régime, en effet les courses de chevaux furent introduites en France par le comte d’Artois, frère du roi et non moins futur Charles X.
La vie quotidienne est de fait très ritualisée entre les heures pour recevoir, les heures pour se montrer, les lieux à fréquenter, car y déroger risque de vous faire passer pour tout au moins un original. Les apparences ont toujours eu une certaine importance quelque soient les milieux sociaux.
Et il a la saison, l’hiver qui doit se passer à Paris, et le reste du temps se passe en Bretagne en Normandie, sur la côte basque, à Monaco et dans les domaines familiaux.
Avec l’enracinement de la République, on assiste au retrait de la noblesse des postes politiques nationaux, à un vrai repli sur elle-même et à une peur de la disparition ou tout du moins d’une sorte de déclassement par leur éviction par de nouveaux venus, n’ayant pas leur culture au sommet de la société : politiciens, hommes d’affaires, etc.
Alice Bravard nous montre au sein de ce monde un antisémitisme marqué qui n’est autre que la création d’un vrai bouc émissaire pour expliquer une évolution sociale qui le dépasse et qu’il ne comprend plus.
A travers trois familles emblématiques de l’époque : les Murat, les Berthier de Wagram, les Greffulhe, l’autrice nous décrit un univers qui s’éclipse, en mutation et qui finira par disparaitre sur les champs de bataille de la Première guerre mondiale au profit d’une nouvelle classe qui apparait à cette époque, la bourgeoisie d’affaire.
La vie mondaine à la belle époque
Alice Bravard
éditions Nouveau Monde. 10€90
Illustration de l’entête: Après l’Office à l’Eglise de la Ste-Trinité (1900),de Jean Béraud (1849 – 1935), peintre très prisé à cette période de la Belle époque. Huile sur toile, 54 x 65 cm, musée Carnavalet
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