Il nous a semblé intéressant d’ouvrir une rubrique où chaque lecteur pourrait nous proposer un sujet, un texte, une plateforme de communication en quelque sorte ! Tout à la fois espace d’information et de légèreté, quelques lignes ou quelques pages !
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Bien entendu nous l’avons intitulé : Courrier des lecteurs !
Nous commençons avec un sujet qui nous rassemblera tous, mais surtout qui nous fera du bien…!
Dores et déjà: Bonnes fêtes à tous !
P-A.L
Xavier Bach, proviseur en Lorraine, nous a adressé ce texte sur le thème de l’ennui
Qui a encore le temps, aujourd’hui, de ne rien faire ? C’est un luxe que nous avons complètement perdu. Et pourtant, l’ennui est une richesse et un privilège inestimables.
En 1937, Jean Renoir exprimait déjà sa nostalgie pour l’ennui, qu’il voyait comme une valeur humaine en déclin. Il regrettait que l’époque, dominée par une activité incessante, n’accorde plus aucune place à l’oisiveté et à l’ennui. Selon lui, même dans les moments conviviaux, les gens ressentent toujours le besoin de « faire quelque chose », à l’image de la question récurrente : « Qu’est-ce qu’on fait ? » Renoir y répondrait par un simple « Rien ! », plaidant pour des instants de repos partagé, où l’on se contente d’apprécier la présence des autres et le passage du temps. Pour Renoir, la paresse et l’ennui sont des plaisirs à cultiver, au même titre que le vin ou l’amour, afin de reconnecter les individus ensemble, de les reconnecter au monde qui les entoure.
J’ai appris l’ennui au collège. Huit heures par jour, assis devant des professeurs souvent monotones, distillant un savoir fade et sans relief. À douze ans, imaginez l’enthousiasme pour le gérondif en latin, le Preterit en allemand, ou les stratégies militaires de l’armée romaine pendant la guerre des Gaules ! En internat, je passais chaque soir trois heures en étude surveillée, dans une salle froide et impersonnelle, observant les aiguilles de l’horloge murale avancer lentement, très lentement. Et puis, il y avait ces mercredis après-midi, interminables, où nous nous promenions, en rang par deux, dans les forêts environnantes. Ce cadre m’a offert d’innombrables occasions de perfectionner l’art de l’ennui, un ennui poisseux et morne, un ennui lourd et gris.
Puis venaient les vacances, souvent passées à la plage. Là, je savourais un ennui différent, un ennui plus savoureux, un ennui plus exquis… J’ai pu constater, là, que la chaleur de l’été donne à l’inaction une douceur incomparable. Les après-midis de farniente sur le sable deviennent des moments de délicieuse langueur. L’ennui s’y révèle une source infinie de sensations et de découvertes subtiles. Les grains de poussière flottant au gré d’un rayon de soleil invitent à la méditation, tandis que le bruit des vagues et le souffle du vent soulevant le sable suscitent des émotions mystérieuses. L’odeur du livre que l’on lit agit alors comme un parfum familier, une senteur agréable que l’on respire en fermant les yeux. L’art de ne rien faire repose sur l’absence d’attente ; le temps y est suspendu.
Aujourd’hui, nous n’accordons plus à nos enfants le droit de s’ennuyer. Nous leur imposons des programmes, des plannings chargés. Nous les « occupons » à chaque instant, de sorte qu’ils n’ont plus une minute à eux. Nous les privons dès lors de la douceur de l’inaction, les poussant à être sans cesse utiles, efficaces, à fuir les moments creux, les instants de vide. Occuper les mains, occuper l’esprit — tel est le credo, car le temps ne doit surtout pas être perdu : il semble si précieux. Notre époque est frénétique, hyperactive jusqu’à l’épuisement, mais elle a oublié le plaisir de l’ennui. Pourtant, c’est bien l’absence de programme qui conduit à l’autonomie, à la liberté, à la responsabilité. Un enfant dont chaque minute est planifiée ne pourra jamais devenir véritablement autonome.
C’est ainsi que je repense avec émotion à une époque où le temps s’étirait, laissant la place à une part d’ennui. Aujourd’hui, nous sommes absorbés par nos emails, nos innombrables et superficiels « amis » Facebook, et ce flux incessant d’informations sur les réseaux sociaux. Entre les recherches sur Google, les notifications de mon iPhone, et le défilement sur ma tablette, il ne me reste plus de temps pour tout simplement flâner.
En somme, l’ennui est fragile, nécessitant d’être préservé, un simple rien peut le briser, tout comme son allié, le silence. Laissez vos enfants ne rien faire ; les vacances sont faites pour cela, et c’est dès l’enfance que l’on apprend cet art délicat. Fuir l’ennui, c’est fuir le rêve, et sans rêve, la vie perd de sa magie. Alors, offrez-vous ces doux moments d’inactivité, car c’est dans l’ennui que l’on trouve parfois les plus belles inspirations
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Illustration de l’entête: Salvador Dali : Montre molle au moment de sa première explosion. Soft Watch Exploding in 888 Particles after Twenty Years of Total Immobility (Montre molle explosant en 888 particules après vingt ans d’immobilité complète). c. 1954. Huile sur toile 20,5/25,7 cm. Collection particulière. Fundaciaó Gala- Salvator Dali.