Nice, sa Promenade des Anglais, son luxe quelque peu tapageur, mais aussi Nice, ses anciens quartiers plus ou moins laissés à l’abandon, Nice et ses promoteurs immobiliers, Nice et ses niçois de souche qui, pour rien au monde ne quitteraient leur ville, et quand ils sont obligés de partir, finissent toujours par revenir. Mais Nice, c’est aussi la délinquance, la violence sous le soleil de la Méditerranée.
Ghjukia Boccanera est niçoise, plus exactement membre d’une communauté bien précise celle des niçois d’origine corse. Ancienne journaliste, elle est détective privée. Elle est toujours en rapport avec son amour de jeunesse, le commandant Santucci qu’elle a quitté quand il voulait avoir un enfant avec elle.
Et un beau jour, son colocataire, son double, Dan, propriétaire d’une galerie de photographies est retrouvé dans le coma : chute accidentelle d’une échelle ? Ghjulia n’y croit pas, elle est persuadée qu’il s’agit d’une agression. Le seul qui la croit vraiment est Gabriel Colona, le nouvel amour de Dan, fonctionnaire aux renseignements territoriaux qui enquête sur une affaire de blanchiment d’argent dans le monde de l’art. Tout se complique quand Alexa, la concubine de Santucci est assassinée. Ce meurtre rapproche les deux anciens amants, mais le policier est totalement ravagé pour être utile à Ghjulia, même quand il devient de plus en plus évident que les deux agressions ont la même origine. Nous le savons car en même temps que Ghjulia progresse dans son enquête, Dan, au fond de son lit, lui raconte sa vie, son passé, son amour fou pour William, un mannequin d’une grande beauté mais avec une âme d’une totale noirceur, prêt à tout pour avoir de l’argent afin de vivre dans le luxe. William qu’il a dénoncé et qui a été condamné pour meurtre, William qui a toujours pensé que tout ce qui lui était arrivé de contraire à ses ambitions trouvait ses origines en la personne de Ghjulia.
Ghjulia mène son enquête à Nice dont le lecteur perçoit la présence, la respiration, sa vie, entourée par tout un petit monde assez interlope, bien loin des archétypes des bons bourgeois locaux. Des personnages « hauts en couleur » ne rentrant pas dans le moule de la « bien pensance » niçoise, plutôt des personnes en marge, mais qui ne demandent qu’une chose, que l’on ne s’occupe pas d’eux, que l’on les laisse mener leur vie comme ils l’entendent. Nous ne sommes pas loin de l’univers de Jean-Claude Izzo, sauf que nous sommes à Nice et non à Marseille.
Quoiqu’il en soit, Un seul œil de Michèle Pedinielli est un roman policier d’excellente facture qui tient le lecteur en haleine de la première à la dernière page. Un roman sur la différence qui enrichit ceux qui l’acceptent, mais aussi sur l’amour qui peut détruire, sur la rancœur et la noirceur de la vengeance, et surtout sur l’amitié qui transcende et nous fait nous dépasser.
Un seul œil
Michèle Pedinielli
éditions de l’Aube. 18€90
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