Pierre Renauld. « Quatre jours de mer et passage de l’équateur Il existe une tradition maritime de longue date qui consiste à initier les marins qui traversent l’équateur pour la première fois. Ceux qui n’ont pas encore traversé sont appelés « têtards ». Après avoir traversé l’équateur, ils deviennent des « shellbacks », ou sujets de confiance de Neptune, le dieu romain de l’eau. C’est le prétexte à de joyeux barbouillages avec force crème chantilly, sauce tomate et cacao en poudre. Pour finalement se terminer dans la piscine.
Il faut noter le professionnalisme du personnel. Ils ont en moins d’une heure réussi à vider la piscine. La nettoyer parfaitement et la rendre opérationnelle».
Une tradition bien ancienne
De nombreuses explications, plus ou moins fiables, existent sur cette tradition du passage de l’équateur nommée aussi passage de la ligne.
Bougainville qui reste pour les Français une référence, fait remonter cette tradition à Vasco de Gama. Ainsi au temps des grandes découvreurs de la Renaissance, la mer constituait un trait d’union entre le monde connu et le «Nouveau Monde» et les marins avaient besoin d’une mystique particulière pour affronter leurs peurs.
Un baptême bien païen et plutôt rigolard
Pour un bon passage de la ligne on trouve tout à la fois des références païennes et mythologiques, Neptune oblige bien entendu, mais aussi des joyeusetés de carnaval et des farces de carabins, une forme de bizutage où tout est permis. Après tout on est en mer, loin de tout, alors foin des conventions sociales !
C’était autrefois une cérémonie d’initiation où bien souvent les impétrants étaient barbouillés de graisse et de farine et aspergés d’eau de mer, bref une fête un peu potache qui reserrait les liens de l’équipage. De même manière dans la Royale ils devaient s’immerger dans un tonneau rempli de liquides et d’effluents pour le moins singuliers.
Ce que disent les historiens de cette tradition.
Notre source documentaire: Cairn. Info. Science Humaines et Sociales (Cliquer)
L’espace eurasiatique se trouvant contenu dans l’hémisphère nord, aucun des grands voyageurs terrestres n’avait franchi l’équateur avant la Renaissance. Ce fut le privilège des marins. Et ils eurent un certain mérite eu égard aux légendes médiévales selon lesquelles le téméraire qui franchirait le cap Bojador serait irrésistiblement entraîné dans la mer des Ténèbres, verrait sa peau noircir et finirait ébouillanté dans le chaudron équatorial.
Saint Augustin avait jugé inimaginable que l’on passe d’un hémisphère à l’autre. La commission Talavera y trouva l’argument décisif pour réfuter, après quatre ans d’examen, la théorie de Colomb selon laquelle on pouvait atteindre l’Orient en faisant route à l’ouest. La chaleur extrême de la zone équatoriale faisait même supposer que l’or y mûrissait. Quand Colomb dupliqua les Indes en trouvant quelque chose à l’ouest, le partage équitable de l’or natif fut l’un des motifs du pape Alexandre VI pour partager la Terre entre Espagne et Portugal non plus selon le parallèle des îles Canaries mais selon un méridien, fondement du traité de Tordesillas en 1494.
L’équateur resta longtemps un sujet de perplexité. Robert Challe, écrivain de la Compagnie des Indes remarquait en mars 1690 à bord de l’Écueil : « Il n’y a que deux cents lieues d’ici la ligne ; mais c’est le plus difficile du voyage que d’en approcher ou de s’en éloigner, à cause des calmes fréquents qui y règnent ; outre qu’on va en montant contre la situation du monde ». Ce qui ne signifiait pas grand chose, sinon que l’équateur constituait dans son esprit une évidente anomalie géographique.
L’équateur fut franchi pour la première fois en 1471, après cinquante-six ans d’investigations portugaises de la mer des Ténèbres dédramatisée. Un second mythe s’effondra. Dans ces parages redoutés depuis la géographie grecque, rien n’entravait la progression des caravelles, sinon des calmes éprouvants. La volte, l’option météorologique vers les vents porteurs fit plus tard traverser obliquement l’Atlantique suivant le flux des alizés, avant de revenir vers le cap de Bonne Espérance en profitant des vents d’ouest des latitudes sud. Tous les voiliers se pliant à la tyrannie des vents dominants, c’est probablement dans l’Atlantique occidental que naquit la cérémonie festive du franchissement de l’équateur. Elle a aujourd’hui la dimension d’un rituel universel puisqu’il a lieu tout au long de l’année, tout autour de la Terre.
Il est difficile de dater le début de la célébration du passage de la ligne. D’abord parce que les récits des traversées de la Carreira da India portugaise se comptent sur les doigts de la main. Le séisme qui détruisit Lisbonne en 1755 y est pour quelque chose, mais les passagers pour l’enfer refusaient le plus souvent de s’étendre sur leur épouvantable traversée. Ensuite parce que les deux journaux exceptionnels de Jean Mocquet et de François Pyrard de Laval dans la première décennie du XVIIe siècle n’en parlent pas. Il se pourrait que la tradition soit née pourtant à cette époque, quand les compagnies nord-européennes courraient aux Indes orientales. C’est à ce moment que l’ombre du Vliegende Hollander, le Hollandais volant maudit commença à planer sur la mer dans les parages du cap de Bonne Espérance.