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Accord entre les Pays-Bas et le Nigéria pour la restitution de 119 bronzes du Royaume du Bénin

par Pierre-Alain Lévy

Voici un événement qui fera date tout à la fois pour l’histoire de l’art mais aussi dans le domaine des relations internationales, la restitution d’œuvres d’art de très grande valeur, d’un pays, les Pays-Bas à leur pays d’origine le Nigéria, soit 119 bronzes du Royaume du Bénin.

Nous avons consacré dans les colonnes de WUKALI, et ce depuis des années, nombre d’articles relatifs à restitution d’oeuvres d’art pillées, spoliées ou volées, et des trafics ou controverses de par le monde dont elles font l’objet, ainsi que de leurs places dans la diplomatie et la culture.

Il convient de préciser que l’art du royaume du Bénin, ne doit pas être confondu avec l’état actuel du Bénin ( ancien Dahomey). Il correspond à l’art de l’empire des Edos (1440–1897) qui existait avant la colonisation britannique et dont le domaine territorial s’étendait essentiellement au sud du Nigéria. Un art brillant fait essentiellement de bronzes coulés et d’ivoire sculptés, un art de cour pour lOba du Bénin, chef charismatique du royaume. Le royaume du Bénin était un empire regroupant des populations Igbo de l’Ouest, les Yoruba de l’Est et les Itsekiri du delta du fleuve Niger.

Ce royaume du Bénin, fut connu des Grands voyageurs portugais dès 1472. Les liens entre le Portugal et le Royaume du Bénin connurent un climax intense fait d’échanges diplomatiques (le roi du Bénin se rendit même à Lisbonne alors dans le cadre d’un voyage officiel), commerciaux, de propagation de la foi catholique, d’installation de comptoirs et du négoce des esclaves. Ainsi les marchands africains du Royaume, aidés par des rabatteurs et marchands berbères et arabes venus du Nord pour razzier les populations noires et piller les richesses locales, vendaient aux négriers européens des milliers d’esclaves qui chaque année sont versés dans le commerce triangulaire entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique et qui connut son apogée au 18è siècle. Il convient de se référer pour la connaissance de cette période de l’histoire relative à la traite des esclaves aux études magistrales d’Olivier Pétré-Grenouilleau.

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Des liens faits d’intérêts bien compris entre Européens et Africains étaient multiples. Les Hollandais qui eux-aussi furent tout à la fois de grands voyageurs et négociants, parlaient de la capitale du royaume du Bénin comme «de la même taille que la ville de Haarlem» aux Pays-Bas. Il existait dans le royaume du Bénin des guildes royales d’artisans de charpentiers, de maroquiniers, de tisserands et de potiers, qui ont rendu possible la production à grande échelle d’œuvres d’art pour la cour royale, dont les célèbres bronzes du Bénin, ainsi que l’architecture monumentale.

Les Britanniques à l’occasion d’une expédition punitive en 1897 suite au massacre d’un détachement d’une centaine de soldats de Sa très Royale Majesté dirigé par James Robert Phillips, consul général par intérim du Protectorat de la Côte du Niger, envahirent la capitale du pays, démirent le roi et s’emparèrent du royaume. Les oeuvres d’art furent pillées et dispersées et nombre furent récupérées par des collectionneurs hollandais, À cet égard, la plupart d’entre eux sont exposés aujourd’hui au Wereldmuseum Leiden (Cliquer)

Cette épisode s’inscrit dans ce qu’il est convenu d’appeler en anglais, «Scramble for Africa», en d’autres termes la conquête coloniale de l’Afrique par les pays européens et leurs rivalités intestines.

Bronze du royaume du Bénin actuellement exposé au Wereldmuseum de Leyde et qui sera restitué au Nigéria

Les échanges diplomatiques entrepris entre le Nigéria et les Pays-Bas sur ces artefacts et commencés dès 2020 viennent d’être conclus par un accord de rapatriement signé à Leyde aux Pays-Bas ( la ville où est né Rembrandt) ce 19 février 2025.

La collection d’objets sera restituée au gouvernement nigérian, qui décidera alors de la manière et de l’endroit où elle sera exposée, elle est composée de plaques, d’ornements personnels et de figurines. Les six objets relevant de la municipalité de Rotterdam, également associés à l’expédition britannique de 1897, comprennent une cloche, trois plaques en relief, une enveloppe de noix de coco et un bâton.

« Cette restitution contribue à réparer une injustice historique qui se fait encore sentir aujourd’hui », a déclaré M. Eppo Bruins, ministre hollandais, de l’éducation, de la culture et de la science, dans un communiqué de presse relatif à la signature de l’accord à Leyde. « Le patrimoine culturel est essentiel pour raconter et vivre l’histoire d’un pays et d’une communauté. Les bronzes du Bénin sont indispensables au Nigeria. C’est une bonne chose qu’ils y retournent ».

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