Les éditions Passés/Composés viennent de publier, non une biographie, mais plutôt une ode ou plus exactement une hagiographie du président Paul Doumer. Ce travail, intéressant de Paul Mougenot n’a pas la rigueur de celui fait par un historien et d’ailleurs, Paul Mougenot ne réclame pas le titre d’historien, c’est tout à son honneur, et le lecteur reconnait sans peine que sa grande rigueur, son passé d’assistant parlementaire et de chargé d’enseignement en droit public n’y sont pas pour rien. Non, il précise bien que son travail est avant tout un hommage à un élu qui a marqué son territoire : l’Aisne. Bien que né en Auvergne, c’est dans l’Aisne qu’il a fait sa carrière politique (sauf au Sénat où il fut élu et réélu… en Corse, département (à cette époque) où, le moins que l’on puisse dire, il fut particulièrement absent, ce qui ne fut pas le cas pour l’Aisne où il fut élu local, député et président du Conseil Général, poste qu’il ne quitta que quand il fut élu président de la République).

Paul Doumer est un des Présidents de la République qui est le plus honoré en France : plus de 22 000 rue, place, etc. dans tout le territoire (chiffre repris plusieurs fois par l’auteur),et cela s’explique surtout et avant tout, non point du fait de la durée de son mandat : 10 mois et 24 jours (à peine plus que Casimir Perrier, mais ce dernier n’a pas connu la même fin que Doumer, il a démissionné), c’est beaucoup plus par les circonstances de son décès : il a été assassiné (comme Sadi Carnot). D’ailleurs à son procès, Paul Gorgulov a regretté d’avoir du assassiner un tel homme, mais c’est la fonction qu’il visait et à travers lui l’inaction de la France contre les soviétiques.
Paul Doumer, au-delà de sa fin tragique est connu encore par certains pour son action des plus énergiques en Indochine dont il fut le gouverneur et par le fait que 4 de ses 5 fils trouvèrent la mort lors de la Première-Guerre mondiale. Il fut aussi un dynamique ministre des finances, un grand défendeur de l’impôt sur le revenu et de la stabilité du franc (l’essentiels des réformes dans les années vingt qu’il a défendues en vain ont été reprises par Poincaré ce qui a permis un redressement vigoureux de l’économie française). Bon, un de ses mauvais aspects (mais hélas on peut le comprendre vu son drame familial) est sa germanophobie (plus que son nationalisme) totale après la fin de la guerre. Il veut véritablement humilier l’Allemagne, il exige le paiement total des indemnités de guerre, ne comprenant pas (et surtout n’écoutant pas ceux qui étaient contre comme Keynes) que l’instabilité politique qui en résultait ne faisait que développer l’esprit de revanche en Allemagne, terreau pour un certain démagogue (qu’il n’a heureusement pas connu) autrichien.
Paul Mougenot nous présente donc un homme de son époque, né dans un milieu pas particulièrement privilégié, un père très vite absent (mort ?, abandon de famille ?), travailleur, doté d’une grande capacité de travail, une volonté jamais démentie de la progression sociale par le travail (il travaille chez un médailler, tout en suivant des cours du soir. Enseignant puis journaliste, il se lance en politique où très vite, ses capacités de travail et intellectuelles le font remarquer. Plusieurs fois ministre, président de l’Assemblée Nationale, président du Sénat, à la fin du mandat de Doumergue, il est élu au second tour par le congrès après le retrait de Briant. C’est une sorte d’électron libre, plutôt radical, ce n’est pas un homme de parti, ce qui lui allait très bien à une époque où les partis politiques n’étaient pas, loin de là, composés de « godillots ». Son côté « électron libre » se perçoit aussi lors de son parcours maçonnique : une carrière brillante au sein du Grand Orient de France, mais quelque peu contrariée lors de l’affaire des fiches contre laquelle il s’est insurgé.
Malgré son investissement total dans son travail, il a toujours privilégié sa vie familiale. Avec sa femme Blanche, il compose un couple harmonieux, il sut toujours rester proche de ses huit enfants et de ses petits-enfants.
Alors bien sûr, Paul Mougenot ne fait qu’effleurer le fonctionnement de la III ième République, les problèmes politiques, économiques et sociaux de cette époque. Il centre son étude sur l’Homme Paul Doumer pour le rendre plus vivant que ne l’aurait fait une étude historique « scientifique ». C’est un parti-pris plaisant, malgré des redites parfois un peu gênantes et des tournures de phrases, des expressions, très XXI siècle (lors de son opération suite à l’attentat, est-ce vraiment utile de dire : « il en bave des ronds de chapeau » ? Je ne crois pas, mais cela n’engage que moi).
Cette hagiographie du président Paul Doumer est une très bonne introduction pour apprécier l’œuvre de la III République et les hommes qui ont participé à la mise en place des fondations de notre démocratie, qui hélas, est largement remise en cause. L’Histoire, à travers des hommes comme Paul Doumer, nous montre que quand on est mû par un idéal, un idéal au service de son pays, un idéal pour le bien de l’humanité, la société ne peut être que plus épanouissante pour tous les citoyens.
Paul Doumer
Paul Mougenot
éditions Passés/ Composés. 21€
Illustration de l’entête: Paul Doumer dans son bureau © photo BnF/ Gallica
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