Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire Quand un botaniste français devint quasiment Vice-roi des Indes

Quand un botaniste français devint quasiment Vice-roi des Indes

par Émile Cougut

Vous êtes à Paris ? Prenez la direction de l’Hôtel de ville et regardez attentivement les statues des grands Français. Sur la façade-sud vous pourrez voir celle de Victor Jacquemont. Puis rendez vous ensuite à la Grande galerie de l’évolution au Muséum d’histoire naturelle, et là vous découvrirez dans un des escaliers, la crypte où Victor Jacquemont est inhumé. Sans nul doute vous poserez-vous la question, qui donc est ce Victor Jacquemont ? À ce moment là n’hésitez pas, vous êtes mûr, prenez le chemin d’ une bonne librairie et demandez l’oeil vif et le ton assuré  Par les chemins des Indes de Katia Astafief, un livre qui raconte l’histoire de celui qui vous a intrigué et qui peu à peu est en train de s’installer parmi vos familiers.

Victor Jacquemont est un botaniste et explorateur français du début du XIXème siècle, décédé en 1832 à 31 ans à l’orée d’une carrière scientifique qui aurait dû l’amener au firmament de la botanique (et bien plus encore) à côté de Linné, de Cuvier et de quelques autres. Si hélas il est peu connu du grand public, son œuvre est célébrée, étudiée, saluée par les spécialistes. Il suffit de voir le nombre d’espèces de plantes ( et bien au-delà) portant le nom de Jacquemont.

Son père est issu de la petite noblesse de l’Ancien régime, ancien membre du Tribunat, directeur général de l’Instruction publique, un temps emprisonné car soupçonné d’avoir participé à la conspiration du général Mallet.

Victor Jacquemont fut un élève brillant, travailleur acharné, faisant des études de médecine, de géologie, de botanique. Il fréquente la bonne société parisienne et se lie d’amitié avec Stendhal et Mérimée qui reconnut en lui un véritable écrivain et participa à l’édition de la « Correspondance de Victor Jacquemont avec sa famille et ses amis pendant son voyage en Indes ». Un incroyable succès d’édition de l’époque ( on dirait aujourd’hui un best seller) traduit en plusieurs langues. Amateur d’opéra, il tombe amoureux d’une cantatrice qui ne répond pas à sa passion. Il part alors herboriser en Amérique, à Haïti. De retour en France, il traverse la Manche pour se rendre en Angleterre afin de préparer son voyage aux Indes, comme l’on disait naguère, et surtout obtenir les autorisations et les lettres de recommandations nécessaires. 

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Il part de Brest en 1828, fait escale sur l’île Bourbon (La Réunion) où il critique vertement l’esclavagisme et arrive enfin en Inde, où, le moins que l’on puisse dire, s’il s’intègre très bien, il est assez critique vis-à-vis des Anglais. Doté de moyens assez restreints, il commence son voyage depuis Pondichéry pour aller jusqu’à l’Himalaya et surtout au Cachemire où le rajah sikh Ranjît Singh veut le nommer Vice-roi. C’est un des tout premiers Européens, un des tous premiers scientifiques à se rendre en ces lieux et le matériel scientifique qu’il récupère est immense. Hélas, atteint d’une maladie du foie, il a juste le temps de préparer le transport de tout ce qu’il a accumulé en documentation et échantillons scientifiques de toute nature pour l’expédier au Muséum d’histoire naturelle de Paris avant de décéder à Bombay.

Katia Astafief est biologiste de formation et a entrepris de refaire au XXIème siècle le voyage de Victor Jacquemont, à l’exception du Cachemire (vu les problèmes géopolitiques actuels). Elle fait un parallèle entre l’Inde de Jacquemont et celle qu’elle découvre : plus de monde, plus de pollution, plus de plus, mais toujours une nature qui fascine ceux qui savent voir et comprendre ses beautés, sa diversité. C’est en fait à un double voyage que ce livre nous fait entreprendre, un extraordinaire voyage grâce à un homme doté d’une immense curiosité, un bourreau de travail. Un homme de son temps bien évidemment mais surtout un grand humaniste doublé d’un grand écrivain à (re)découvrir.

Par le chemin des Indes
Katia Astafief

éditions Paulsen. 21€

Illustration de l’entête: les deux fils du maharaja Gulab Singh.

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