Depuis le 7 juillet, le Théâtre de l’Archevêché accueille La Calisto de Cavalli, et ce mardi 15 juillet, nous y étions. Comme chaque été, la magie du lieu opère, et l’acoustique de la Cour de l’Archevêché reste un écrin rare, idéal pour les subtilités de l’opéra baroque.
La Calisto ou le destin d’une nymphe fidèle à Diane, qui se détourne des hommes
Dès les premières mesures, la direction musicale de Sébastien Daucé impressionne. À la tête de l’Ensemble Correspondances, il propose une relecture généreuse de la partition : effectif élargi à 33 musiciens, ajout de pièces complémentaires, palette sonore foisonnante et subtile. Daucé épouse à merveille les fluctuations expressives de l’œuvre et rend sensible ce qui fait l’essence même du style de Cavalli : l’enchaînement rapide des affects, les contrastes vifs entre lamentations, passages comiques ou héroïques, et cette agilité dramatique constante qui donne vie à l’opéra vénitien.
Sur le plan vocal, la distribution s’avère particulièrement réussie.
Laurane Oliva brille dans le rôle de Calisto : sa voix, à la fois pure, ronde et lumineuse, sied parfaitement à la fraîcheur et à l’innocence de la nymphe. Elle incarne ce personnage avec une justesse remarquable, offrant au public de véritables instants d’émotion.
On remarquera aussi l’élégance vocale d’Alex Rosen dans le rôle de Jupiter. Il passe avec aisance d’un chant noble à un registre plus léger et comique. Déguisé en Diane pour séduire Calisto, il adopte notamment une voix de fausset parfaitement maîtrisée, qui fonctionne très bien dans les moments burlesques.
Dans le rôle de Junon, Anna Bonitatibus a offert une performance vocale remarquable. La mezzo-soprano italienne incarne l’épouse trahie de Jupiter avec justesse. Une vraie tragédienne !
La mezzo italienne, Giuseppina Bridelli est une Diane touchante. Il s’agit d’une belle performance car ce personnage est complexe, tiraillé entre ses engagements divins de chasteté et ses sentiments pour Endimione. Un rôle joué par le contre-ténor français, Paul-Antoine Bénos-Djian. Un de nos plus grands coups de cœur de la soirée car il nous a touché par son expressivité émotionnelle rare. Le chanteur nous a offert de grands moments d’émotions : amour contrarié, vulnérabilité du personnage, un rôle sur mesure pour Endimione, l’amoureux transi.
Le baryton anglais, Dominique Sedgwick en Mercurio est le messager des dieux, dans l’ombre de Jupiter, dont il est le serviteur fidèle. Ne pas oublier les rôles secondaires, car, s’ils sont moins bien mis en lumière, ils n’en demeurent pas moins essentiels. Dans un opéra baroque comme La Calisto, chaque personnage contribue à la richesse de l’ensemble et à la complexité des intrigues. De ces rôles dépendent aussi la réussite artistique de la production.
L’œuvre demande une virtuosité peu commune : tous les chanteurs sont constamment sollicités, passant d’un récitatif vif à un aria mélancolique, enchaînant ornements délicats et changements de ton, du noble au comique, du pathétique au burlesque.
De leur côté, les musiciens doivent faire preuve d’une écoute fine et d’une grande souplesse, notamment dans les transitions musicales et les brusques revirements d’émotion des personnages. Ce qui fait la réussite du spectacle, c’est cette entente évidente entre la scène et la fosse, cette alchimie subtile qui rend l’ensemble vivant et cohérent.

La mise en scène de Jetske Mijnssen est élégante, soignée, et fonctionne joliment. Elle transpose La Calisto au siècle des Lumières. L’Olympe devient un salon d’hôtel particulier ; d’immenses portes s’ouvrent et se ferment au passage des dieux, qui prennent des allures de libertins. Le salon est éclairé à la bougie, des dizaines de bougies, ce qui ajoutent au raffinement de ce théâtre d’intrigues. On y danse aussi, des éléments baroques inattendus séduisent le public.
Mais on y tue aussi, ce qui surprend. Calisto poignarde Jupiter d’une aiguille. Un geste de désespoir dont on ne sait que penser. Une relecture très contemporaine qui n’apporte pas grand-chose à l’œuvre, dont le texte, certes dramatique, reste profondément ancré dans l’esthétique de l’opéra vénitien. Il faut dire que Jupiter est un séducteur cynique et dominateur qui ne mérite certes pas d’aller au paradis ! En revanche, Calisto malgré ce geste, rejoindra les étoiles et montera au ciel.
Entre respect des codes baroques et libertés prises au nom d’une modernité scénique, l’équilibre est délicat. Peut-on parler d’une modernisation excessive qui trahirait l’esprit baroque ?
Pourtant, comment ne pas saluer l’audace ? Quand elle fait défaut, on s’en plaint ! Ce soir-là, le public semble approuver ce drame ajouté. L’enthousiasme était au rendez-vous et les applaudissements nourris.

La Calisto de Francesco Cavalli.
Photos ©Festival d’Aix-en-Provence 2025. © photos Monika Rittershaus
La Calisto demande une approche respectueuse de ses codes baroques, mais elle a su trouver aussi une théâtralité qui parle au public contemporain.
Certes, on nous a parfois perdu en chemin, car l’opéra, 3 h 30 tout de même, s’étire dans la nuit, à l’image de certaines scènes, magnifiques mais un peu longues.
Il n’en reste pas moins que la musique est d’une beauté saisissante. On salue le superbe travail de Sébastien Daucé. La Calisto séduit par la grande fluidité qu’elle offre entre récitatifs et airs, portée par un continuo somptueux mêlant harpes, théorbes, clavecins et orgue.
La partition dévoile toute la richesse expressive du baroque vénitien, jouant avec finesse des contrastes d’affects, du comique au tragique. Un joyau du baroque, avec ses ornementations complexes, ses tempi et ses émotions qui changent sans cesse et qui nécessitent une grande agilité, tant de la part des musiciens que des chanteurs, appelés à adapter en permanence leur style vocal.
Dans cette œuvre, l’équilibre est délicat entre authenticité stylistique et vivacité dramatique. On est touché par cette relecture du chef, qui témoigne du lien intime qu’il entretient avec l’univers de Cavalli, une musique baroque qui vit par ses contrastes si expressifs.
Les émotions s’enchaînent, et cela exige de tous les musiciens et chanteurs une réactivité sans faille. Malgré quelques longueurs et une fin qui divise, cette soirée reste un moment fort du Festival, porté par une direction musicale d’exception, une distribution vocale remarquable et une mise en scène soignée, audacieuse dans ses partis pris. La Calisto confirme ici sa place parmi les joyaux du répertoire baroque.
Informations sur le festival d’Aix-en-Provence 2025 : cliquer
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