Accueil Actualités Sous le ciel étoilé de La Roque d’Anthéron, Chopin, Duparc, Dang Thai Son, Sofia Liu et Benjamin Levy

Sous le ciel étoilé de La Roque d’Anthéron, Chopin, Duparc, Dang Thai Son, Sofia Liu et Benjamin Levy

par Pétra Wauters

Depuis quelques années, nous guettons le nom de Dang Thai Son dans la programmation du Festival de La Roque d’Anthéron. C’est un grand, un géant du piano.

 Dang Thai Son
Festival de La Roque d’Anthéron. 25 juillet 2025
©Photo Pierre Morales 

Il s’est produit hier soir, vendredi 25 juillet, et nous sommes encore une fois éblouis par ce pianiste qui ne ressemble à aucun autre. On se souvient du 11 août 2023 : Dang Thai Son donnait alors un récital dans le parc de Florans avec un programme français magnifique :  Chopin, Fauré, Debussy. Chopin déjà ! C’était tellement magique que nous nous étions promis de revenir l’écouter.

On est revenus le 16 août 2024, et il était déjà accompagné de son élève, Sophia Liu, 16 ans à l’époque. Ce vendredi 25 juillet 2025, celle que j’avais appelée à l’époque « la petite fée Clochette étincelante » est revenue, toute de bleu vêtue, et a encore fait sensation. Elle était programmée en début de concert, et on parle d’elle dans les allées du parc, à l’entracte, après ses deux prestations Chopin Variations sur “Là ci darem la mano” de Don Giovanni de Mozart opus 2, et Concerto pour piano et orchestre n°1 en mi mineur opus 11.

Dans la première œuvre, on apprécie la technique éblouissante de la pianiste, qui est également dotée d’une grande sensibilité musicale. Les défis sont multiples, car il nous paraît déjà très compliqué de relier l’esprit mozartien, thème original, au langage si personnel du jeune Chopin. Il s’agit encore de maintenir l’unité dramatique à travers les cinq variations, notamment dans la plus connue de toutes, « alla polacca », à l’identité polonaise si affirmée.

Olécio partenaire de Wukali

Dans le Concerto n°1, les musiciens de l’orchestre et la jeune pianiste nous entraînent entre virtuosité, lyrisme, poésie. La soliste fait littéralement chanter son piano ; il nous semble que c’est son instrument qui du reste « porte »l’expressivité de l’œuvre.

Certains se demandent : « Mais comment sera la seconde partie ? » Comment faire mieux que la jeune virtuose toute pailletée de lumière ? Certes, on ne peut pas « faire mieux », car la jeune femme est brillante, dans tous les sens du terme, un talent fou, on est tout en haut… mais avec son Maître, on est au firmament !

D’ailleurs, la seconde partie s’ouvre avec un titre prémonitoire : Benjamin Levy a fait le choix de nous offrir Aux étoiles de Duparc. Le chef (étoilé) de l’Orchestre national de Cannes nous l’assure : « Je pense qu’elle convient merveilleusement aux cieux étoilés de ce magnifique festival ». Elle convient parfaitement à Dang Thai Son.
On peut parler d’un plus évident : l’expérience ! Un jour, forcément, Sophia Liu l’aura !

Sofia Liu, Benjamin Lévy, Orchestre national de Cannes
Festival de La Roque d’Anthéron. 25 juillet 2025
©photo Pierre Morales

Mais désormais, dans cette seconde partie, c’est le cœur du pianiste qui bat dans l’œuvre de Chopin avec le Concerto pour piano et orchestre n°2 en fa mineur, opus 21,  notre préféré

.Le bonheur, il est où ? Dans ce programme déjà, qui révèle une conception artistique remarquable avec ce fil conducteur romantique autour de Chopin, et cette pièce orchestrale de Duparc qui fait écho à cette esthétique.

L’alternance entre concertos et œuvre symphonique crée une architecture des plus équilibrées, et Benjamin Levy a été bien inspiré de choisir Duparc. Il a su créer cette atmosphère à la fois mystique et contemplative, qui évoque si joliment la lumière céleste, des poussières d’étoiles, même si le marchand de sable n’est pas encore passé. Une sonorité veloutée, un timbre chaleureux : c’est tout l’orchestre qui respire à l’unisson. L’harmonie entre les pupitres est remarquable.

Concerto pour piano n°2 en fa mineur opus 21
Il est sans doute plus difficile techniquement que le premier concerto ; en tout cas, l’approche est différente. Quelle pureté de toucher de la part de Dang Thai Son, et quelle sincérité et quelle spontanéité dans le jeu de cette légende vivante !

Dang Thai Son
Festival de La Roque d’Anthéron. 25 juillet 2025
©photo Pierre Morales


On peut lire parfois : « miracle asiatique » ! C’est tout dire. Le miracle, il se produit à chacune de ses apparitions.
On n’oublie pas non plus qu’en 1980, Dang Thai Son devient le premier pianiste asiatique à remporter le concours Chopin de Varsovie, une victoire qui lance sa carrière internationale.

Donc, on comprend que Dang Thai Son apporte une légitimité historique incontestable à cette soirée Chopin, avec une approche enrichie par des décennies d’expérience.

Les deux pianistes vont « merveilleusement » bien ensemble, mais de toute évidence, le jeu du maître offre un contraste fascinant avec l’approche (admirable tout de même) de la jeune pianiste. Un talent à suivre, bien évidemment.
Tout était réuni ce soir-là, les étoiles étaient « alignées ».

La fougue juvénile de Sophia Liu, la sagesse merveilleusement « chopinienne » de Dang Thai Son, et l’expertise orchestrale de Benjamin Levy, toujours au service de l’œuvre.

Ces articles peuvent aussi vous intéresser