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Renaud Capuçon et ses amis, Musique de chambre à La Roque d’Anthéron

par Pétra Wauters

Le soir, il y a la magie du lieu, une douceur, une ambiance de nuit d’été qui s’installe dans le parc du Château de Florans, lequel s’anime et revêt son « habit de fête ». L’après-midi, c’est plus champêtre. C’est vrai que dans ce festival de musique, le plaisir est de pouvoir profiter de concerts tout au long de la journée,  des concerts, pour la majorité, de grande qualité.

Pour le concert de vendredi 1 er août,  avec les artistes inscrits au programme, on ne prend pas trop de risques : la soirée s’annonce belle.
Et pour cause : Renaud Capuçon, violon ; Gérard Caussé, alto ; Paul Zientara, alto ; Clemens Hagen, violoncelle ; Lorraine Campet, contrebasse ; Guillaume Bellom, piano.

Un léger bémol sur la fréquentation ce soir-là : le programme déjà proposé dans la région, est sans doute peu trop familier du public. On s’interroge tout de même… Peut-être qu’un choix même légèrement différent aurait permis à l’auditorium d’afficher complet. Toujours est-il que pour nous, il n’était pas question de manquer ce rendez-vous : on aime ce programme avec des œuvres célébrissimes dont on ne se lasse pas.

Olécio partenaire de Wukali

Schubert : Notturno pour piano, violon et violoncelle, opus 148 D. 897
Avec Renaud Capuçon, Paul Zientara, Clemens Hagen et Guillaume Bellom

La Roque d’Anthéron 1 août 2025. Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Paul Zientara, Clemens Hagen, Lorraine Campet, Guillaume Bellom
©Photos Valentine Chauvin

On débute la soirée avec l’une des œuvres de musique de chambre les plus touchantes du compositeur. Une superbe pièce pour piano, violon et violoncelle, pas très longue, une « mise en bouche » qui émeut par sa mélancolie, sa tendresse, et quelques passages plus dramatiques. Et le quatuor inspiré pour révéler toute la subtilité de la partition. Les instruments dialoguent dans une intimité saisissante ; chacun apporte sa couleur propre à ce Notturno, une méditation qui nous révèle la sensibilité romantique du compositeur autrichien.

Richard Strauss : Quatuor avec piano en ut mineur, opus 13

Une œuvre de jeunesse ambitieuse. Richard Strauss l’a composée à vingt ans, et déjà, elle exige beaucoup des interprètes. Il faut une cohésion parfaite dans les passages de grande virtuosité, une sensibilité raffinée dans les superbes moments lyriques, et une justesse dans les épisodes plus dramatiques. Les interprètes trouvent l’équilibre,  notamment le piano de Guillaume Bellom, particulièrement brillant ce soir-là : présent juste ce qu’il faut, et à l’écoute des trois instruments à cordes.
Il y a cette nécessité de maintenir l’intensité sur une œuvre très longue, comparée au Notturno de Schubert. Le quatuor formé par Renaud Capuçon, Paul Zientara, Clemens Hagen et Guillaume Bellom a tout pour y parvenir : l’expérience et la complicité sont réunies pour nous livrer toute la richesse de cette partition. Chaque instrumentiste est un « soliste partenaire », engagé dans l’œuvre qui dialogue dans une écoute réciproque.

Après l’entracte : Place à la Truite… comme on l’aime

Quintette en la majeur D. 667, « La Truite », l’une des œuvres les plus célèbres du répertoire. On est d’emblée dans l’ambiance. On la suit, cette truite : elle a la simplicité directe et touchante que l’on attend d’elle. Une mélodie que l’on retient, simple comme cette histoire de truite dans un ruisseau. Elle véhicule le bonheur, même si quelques zones d’ombre émergent des flots. Un peu de noirceur attendue, mais vite balayée dans un final joyeux et optimiste.

Ce bonheur de vivre, les musiciens le portent au bout de l’archet, certes, et là encore, c’est Guillaume Bellom qui nous touche particulièrement. Il fait chanter son piano, mène la danse si l’on peut dire. C’est simple : dans cette Truite, on aime tout : l’Allegro vivace si enthousiaste, le Scherzo d’une belle énergie, l’Allegro giusto entraînant, lumineux.

L’engagement de Capuçon et ses amis, de « partenaires virtuoses », est sans faille ! On les voit suivre le geste lyrique du violoniste star, et plus touchant encore, la complicité avec le grand altiste Gérard Caussé, dont l’apparente décontraction ferait presque oublier qu’il reste concentré sur tout ! Une carrière internationale, un style reconnaissable entre tous.

Mais on aime beaucoup aussi l’autre grand altiste de la soirée : Paul Zientara, très en verve. Les deux hommes ont chacun leur approche artistique propre, et le jeune, longiligne Zientara assure un accompagnement subtil. On pourrait dire qu’il apporte de la stabilité à cette truite capricieuse. Les deux altistes savent se faire discrets ou, au contraire, s’affirmer dans leurs interventions solistes.

Prestation très remarquée aussi de Lorraine Campet, à la contrebasse : un rôle précieux, car ce bel instrument va bien au-delà du simple soutien harmonique. Il y a de la profondeur dans son jeu, notamment dans les passages où violoncelle et contrebasse dialoguent. Un registre grave, chaleureux, des couleurs qui s’ajoutent, permettant des effets contrastés de toute beauté.

C’est ce que l’on aime justement chez l’excellent violoncelliste Clemens Hagen : sa façon de dialoguer, commenter et développer le thème principal, un thème qui, du reste, ne nous quittera pas de sitôt… d’autant qu’il sera offert en bis.

Quel intérêt, diront certains ?  Et ce n’est pas faux ! Mais tout est fait pour que La Truite nous accompagne jusqu’au bout de la nuit. C’est une mélodie que l’on emporte, qui nous suit. 

 

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