Nul doute, le programme est étonnant, et la rupture entre les deux premières œuvres et la troisième est énorme. On passe de l’élégance beethovénienne et de la passion mozartienne aux éclats orchestraux enflammés de l’Oiseau de Feu de Stravinski. Un incendie s’est déclaré !
Programme :
Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur opus 58
Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°20 en ré mineur K. 466
Stravinski : L’Oiseau de feu, Suite de 1919 (extraits)
Marie-Ange Nguci n’est pas une inconnue à La Roque d’Anthéron, et n’est pas une inconnue des mélomanes ! Pensez, elle a obtenu son Master de piano à 16 ans, voilà qui suscite l’admiration ; celui qui la découvre pour la première fois se promet de revenir l’écouter. L’écouter et la voir diriger ! Car la jeune femme, aujourd’hui âgée de 27 ans, a fait ses débuts de chef d’orchestre avec le Sinfonia Varsovia dans le parc du château de Florans en 2024 cela faisait quelques années que la pianiste développait des compétence en direction d’orchestre ; de nouvelles ambitions qui sont largement saluées par ses pairs, et bien sûr par le public qui apprécie autant la virtuose que la jeune femme brillante qui « connaît la musique » et son programme sur le bout des doigts.
Pourtant, la partition est là, posée sur le piano. Il faut bien reconnaître que jouer et diriger demande une concentration extrême, et si ce choix lui assure une sécurité quasi maximale, il lui permet aussi sans doute de rester en lien direct avec le compositeur. Voilà qui correspondrait bien à sa personnalité de musicienne/chercheuse.
Du classique au romantique, on est « bien »
Dans le concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur de Beethoven, on redécouvre la soliste telle qu’on l’avait laissée lors du dernier concert à la Roque d’Anthéron. Terriblement sympathique et chaleureuse. Avant de s’asseoir sur son banc, dos au public pour être au plus près des musiciens, elle nous salue. Habillée de rouge et de noir, derrière ses lunettes, son joli sourire et son air sage lui donnent un air studieux de bonne élève. Sa longue et épaisse chevelure brune, domptée par une barrette, retombe en cascade sur ses épaules. Sage, si on veut ! Car lorsque ses doigts se mettent en mouvement, c’est une autre histoire que l’on nous raconte et que l’on aime suivre.

Marie-Ange Nguci-Sinfonia-Varsovia
©Valentine Chauvin
Le piano offre une mélodie d’une simplicité apparente, comme un chant d’une infinie douceur qui nous touche par son immense profondeur. On aime le premier mouvement, Allegro moderato, un dialogue entre le piano et l’orchestre avec ses moments d’intimité et ses élans fougueux ; il est suivi par un Andante con moto en mi mineur, aux accents dramatiques très forts, exprimés par l’orchestre. Ils contrastent avec la mélodie au piano, d’une tendresse inouïe. Le Rondo vivace devient joyeux et Marie-Ange Nguci laisse libre cours à sa virtuosité ! Une performance, car les dialogues entre piano et orchestre nécessitaient aussi de sa part une direction des plus précises. Les musiciens la suivent sans mal.
Après l’entracte, Mozart : concerto pour piano et orchestre n°20 en ré mineur K.466
Ne nous fions pas aux apparences ! Ce concerto au dramatisme exceptionnel est certes magnifique mais… difficile, voire fragile ! Chaque note est essentielle, chaque phrasé doit être parfait. L’atmosphère est sombre, et les trémolos de l’orchestre participent à cette inquiétude grandissante. Depuis son clavier, Marie-Ange Nguci répond presque «courageusement » à l’orchestre. Elle tente d’échapper à son emprise et il nous semble que parfois, c’est quasi impossible. Tiens soudain, on se laisse distraire, on entend quelqu’un qui fredonne sans savoir d’où cela vient ! Quelle idée !
On essaie de revenir à Mozart, ce Mozart qui ne pardonne rien. On s’étonne un peu. Une note ici s’échappe dans le faux. Rien de grave, il ne s’agit pas d’un enregistrement. On vit la musique en direct et cela fait toute la différence. Et puis la cheffe pianiste a le pouvoir de transformer un petit « accident » en moment musical à part entière. Elle rebondit et sait instantanément où elle doit aller. La pianiste est applaudie avec chaleur. Justesse et équilibre ont été respectés.
Stravinski, enfin, avec l’Oiseau de Feu : des extraits
Danse infernale du Roi Kastcheï, Berceuse, Finale…
La soirée aurait pu se conclure en apothéose. Nous vous le disions, le changement est radical ! Déjà, l’effectif se modifie et l’on voit les musiciens se déplacer sur scène; de nouveaux pupitres s’invitent dans cette œuvre complexe, incandescente qui s’embrase dès les premières notes. L’orchestration aurait pu être flamboyante et d’aucuns l’auront trouvée un peu trop explosive.
Trompettes, cors, trombones rugissants, timbales, cymbales, tambours déclenchent des haut-le-cœur, tant les grondements sont fulgurants, retentissants. Les cordes sont incisives et toutes les dissonances crépitent encore à nos oreilles. Visiblement, dans le public, beaucoup semblent apprécier ces brasiers des différents pupitres qui se rencontrent. Il est vrai que le compositeur a composé une symphonie du feu ! Nous l’aimons aussi. Quand l’énergie passe et que la magie opère, c’est juste électrisant.
Toujours est-il qu’il y avait ce soir-là un espace à combler entre « effets et émotions » . Nous regardons en l’air. Aucun Canadair en vue ! Il fait nuit sous la voûte céleste du parc de Florans. L’incendie est éteint.
Il reste de places pour des fabuleux concerts : Le magnétique Vadym Kholodenko est parfait pour un programme Beethoven – Liszt. Le pianiste sera dans le Parc du Château de Florans Samedi 16 Août à 21h00.
Encore d’autres magiciens du piano, et pour cette clôture, on est en terrain connu ! La soirée de clôture promet d’être belle avec François-Frédéric Guy et Adam Laloum au Piano, Quatuor Hanson – Quatuor à corde . Anton Hanson violon, Jules Dussap violon, Gabrielle Lafait alto Simon Dechambre violoncelle. Parc du Château de Florans. Dimanche 17 Août à 20h00. Le programme : Brahms : Quintette pour piano et cordes en fa mineur opus 34. Schumann : Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur opus 44. Brahms : Danses hongroises, sélection (n°1, 6, 7, 4, 17, 5)
D’autres concerts à la Roque d’Anthéron et aussi sur d’autres lieux : https://www.festival-piano.com
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