Michel Reddé est bien connu pour avoir dirigé les fouilles archéologiques du site d’Alésia. Qui mieux que lui pouvait rectifier bien des erreurs, des interprétations de La Guerre des Gaules, l’œuvre magistrale de César.
Ce livre a été durant longtemps à peu près le seul pour servir de base d’étude pour comprendre la conquête de la Gaule par les Romains. En faisant une comparaison osée j’en conviens, avant que les historiens étudient sérieusement la fin du régime vichyste à Sigmaringen, le livre de référence n’était-il pas D’un château l’autre de Céline ?
Depuis, l’œuvre de César a été étudiée à partir non seulement des écrits de ses contemporains, voire de ses prédécesseurs, mais aussi des historiens romains (parfois assez critiques, voire hostiles à César) et maintenant aussi de l’archéologie. Il ne faut surtout pas oublier que notre conception « moderne » d’une histoire objective n’était pas celle de nos ancêtres. Il en résulte une lecture critique de La guerre des Gaules. C’est toutefois, le meilleur témoignage des faits. Il ne faut toutefois pas oublier qui l’a écrit et à qui il s’adressait. Sortir ce récit de son contexte politique, social, climatologique, etc., entraîne des interprétations démontrant bien davantage l’idéologie de leurs auteurs qu’une analyse « objective » des faits. On pense par exemple à l’interprétation nationaliste de Camille Julian, aux historiens marxistes, voire au roman national dont l’écriture commence sous le Second Empire (Napoléon III a été le premier à rechercher les lieux décrits par César) et bien repris par la Troisième République. En histoire, un fait, un événement, ne résulte pas d’une unique cause mais d’une multitude et ce fait, cet événement, doit être étudié, analysé non avec les connaissances et les mentalités du présent, mais avec celles de l’époque concernée. De fait, le « wokisme » a toujours existé, cqfd !
Aussi Michel Reddé, avant de décrire le déroulement de cette guerre, commence-t-il par étudier la place de la Gaule dans le jeu politique romain. Puis vient « le pays et les hommes » où nous trouvons, en outre aussi les forces militaires et humaines des deux protagonistes bien entendu. Puis l’organisation politique (très diverse selon les peuples envisagés et habitant la Gaule), sociale, économique et finissant par l’influence romaine préexistante en Gaule, et en posant la question des crises présentes dans cet ensemble territorial et humain avant la conquête.
Quoiqu’il en soit, sans l’avoir provoqué, le génie de César constat à profiter de la migration des Helvètes pour assouvir ses ambitions politiques à Rome et de profiter, malgré ses échecs, des erreurs de ses ennemis, comme le montre la défaite de Gergovie qu’il a su transformer en victoire à Alésia.
Dans la partie relative à la guerre, l’auteur étudie la logistique mise en place par César, qui va du pillage, des intermédiaires parfois véreux, à l’ordinaire du soldat. Il nous présente les dernières études relatives aux armements tant gaulois que romains, mais aussi des auxiliaires que ses derniers employaient.
La guerre des Gaules est parsemée de grands sièges qui, eux aussi, ont laissé de nombreuses traces archéologiques. L’auteur montre que, de fait, les sièges de ce conflit, ne sont pas en soit originaux et ne font que refléter les connaissances à cette époque de la poliorcétique (l’art d’assiéger les villes).
Le mythe du génie de César dans l’art de mener un siège est remis en cause. Pour Michel Reddé, il ne fait aucun doute qu’Alésia correspond bien au site d’Alise-Sainte-Reine (en Côte d’Or) comme l’avait détecté Napoléon III. Par contre en connaisseur expert de cet endroit qu’il a méticuleusement fouillé, il démontre que César a quelque peu « simplifié » dans son œuvre la réalité. Les enceintes (d’investissements et défensives) qu’il a bâties ne sont pas d’un seul modèle mais prennent en compte les contraintes topographiques des lieux.
La Gaule devant César nous offre une lecture critique de la guerre des Gaules. Bien sûr, c’est d’abord un chef d’œuvre littéraire. Mais il est certain que c’est aussi une œuvre écrite par César pour sa gloire et pensé aussi comme un instrument de propagande pour assouvir ses ambitions politiques à Rome. Pour autant, le texte est conforme en grande partie avec la réalité des faits que les avancées de l’archéologie nous apportent.
A nous de relire l’œuvre de César et de partir visiter les lieux principaux de ce conflit mis en valeur grâce à l’archéologie. On pense bien sûr au Mont Beuvray ou à Alise-Sainte-Reine.
La Gaule devant César
Michel Reddé
éditions Les Belles Lettres. 26€50
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