C’est déjà fini ! Hélas
Cette édition 2021 du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence était une grande première en France, car pour la première fois, en direct d’Aix-en-Provence, 16 concerts inédits ont été retransmis tous les soirs à 20h 30. Que d’innovations et de challenges tout au long de l’évènement !
Du 7 Mars au 11 Avril, les spectateurs du festival de musique classique ont vécu une expérience unique, car le festival, annulé l’année dernière à cause de la crise sanitaire, a ressuscité de la plus belle des manières.
Il était impensable pour Dominique Bluzet, directeur exécutif du festival et Renaud Capuçon, directeur artistique, d’annuler l’évènement comme ce fut le cas en 2020. Il fallait le réinventer, déjà pour le public, mais aussi pour les artistes et le CIC, partenaire fondateur.
L’aventure du festival s’est donc poursuivie, différemment certes, mais intensément !
Le public a pu choisir ce qu’il allait regarder grâce aux multiples caméras d’Inlive Stream. Il y a des acteurs invisibles pour nous faire entrer dans le spectacle, une équipe qui, aux commandes de ces nouvelles technologies, assure la programmation dans une version 100 % numérique.
Un million et demi de spectateurs
Ce chiffre colossal prouve, si besoin était, que la musique et l’art en général peuvent être accessibles au plus grand nombre. C’est d’ailleurs l’une des politiques menées depuis des années par l’équipe de Dominique Bluzet.
De toute évidence, les personnes qui hésitaient à entrer dans une salle de spectacle, ou appréhendaient d’aller au concert ont pu s’offrir ces instants de bonheur et de découvertes. Le présentiel n’ayant pas pu exister cette année, les réseaux sociaux, le numérique, la télévision, la radio ont pris le relais, et le festival a pu exister avec les même ambitions et exigences que les précédentes éditions.
L’excellence était au rendez-vous ce dimanche 11 avril, pour le concert de Clôture.
Comme chaque année, la carte blanche à Renaud Capuçon nous a enchantés. Les amis musiciens réunis autour du violoniste étaient visiblement heureux de se retrouver, surtout en cette période où les concerts sont rares.
Ils se connaissent bien, et travaillent ensemble depuis longtemps, aussi, c’était la fête autour des œuvres de Mendelssohn, de Bruch et de Brahms. Cette relation et cette complicité entre partenaires étaient d’autant plus importantes… qu’il n’y a pas de public. C’était émouvant de les voir.
Aussi, depuis sa maison, son canapé ou son fauteuil, on est « monté » sur scène, on s’est approché au plus près des musiciens, choisissant un angle de vue parmi ceux proposés, on s’est fait acteur du concert. Ici, on s’intéresse aux mains du pianiste, là on remarque un étonnant doigté de l’altiste, là encore, on est complice d’un regard ou d’un sourire échangé entre deux musiciens… On ne dit pas que c’est mieux que le présentiel, mais ces petites sensations, ces petites vibrations, sont multipliées dans la salle, et avouons que le challenge était de taille et le défi magnifique.
Même derrière un écran
Le concert de clôture avec en première partie l’Octuor à cordes en mi bémol majeur, op. 20 de Mendelssohn, nous laissait présager le meilleur pour la suite.
Une œuvre écrite alors que le musicien n’avait que 16 ans ! On aime les 4 mouvements, même si on reste particulièrement impressionné par le premier, l’allégro moderato, qui inaugure l’Octuor. Il est relativement long, dense, et on aime son caractère bouillonnant, tourbillonnant qui demande une belle énergie de la part des musiciens. L’octuor de Mendelssohn est facile à suivre, à écouter, chaque mouvement étant bien construit, bien défini, on n’avait plus qu’à se laisser porter !
Une révélation, pour nous, l’octuor à cordes de Max Bruch, une partition rare, ayant inspiré les musiciens qui nous ont offert un pur moment chambriste. Dans cette interprétation engagée il nous a semblé entendre Brahms ou encore Mendelssohn, deux grands musiciens invités au programme de la soirée, qui semblent s’être immiscés dans la partition de Bruch.
La troisième partie est un feu d’artifice. Tout est beau dans ce concert, certes, et avec le Quatuor pour piano et cordes n°1 en sol mineur, op. 25 de Brahms, pour les derniers minutes qui nous restent à vivre avec le festival, on a encore « soif » de musique et on aimerait que cela continue.
Les musiciens étaient fabuleux, leur technique impeccable. Ils sont habitués à faire de la musique ensemble, cela s’entend. Personne ne domine l’autre, c’est la musique de Brahms qui est consacrée, et on jubile dans le final, le Rondo alla zingareze enthousiasmant et passionnant. Le jeu du pianiste Lahav Shani est raffiné, rempli de détails subtils. On n’oublie pas l’immense altiste Gérard Caussé, le jeune prodige du violoncelle, Edgard Moreau, et enfin, notre violoniste, Renaud Capuçon, qui, à la direction de l’ensemble et à la direction du Festival de Pâques, est grandement récompensé. Festival 2021 s’est terminé en apothéose.
Rendez-vous en 2022, loin de la crise, (on y croit) pour un festival qui fêtera déjà ses 10 ans d’existence.
Au programme de ce concert
PREMIÈRE PARTIE : Renaud Capuçon, violon et direction Fanny Robilliard, violon
Raphaëlle Moreau, violon David Petrlik, violon Adrien La Marca, alto Béatrice Muthelet, alto Aurélien Pascal, violoncelle et Justine Metral, violoncelle
Felix Mendelssohn (1809-1847) Octuor à cordes en mi bémol majeur, op. 20, MWV R 20 I. Allegro moderato II. Andante III. Scherzo IV. Presto
DEUXIÈME PARTIE : Renaud Capuçon, violon et direction Eva Zavaro, violon
Guillaume Chilemme, violon Thomas Lefort, violon Violaine Despeyroux, alto Gabrielle Lafait, alto Yan Levionnois, violoncelle et Caroline Sypniewski, violoncelle
Max Bruch (1838-1920) Octuor à cordes en si bémol majeur, op. posth I. Allegro moderato
II. Adagio III. Allegro molto
TROISIÈME PARTIE : Renaud Capuçon, violon Gérard Caussé, alto Edgar Moreau, violoncelle Lahav Shani, piano
Johannes Brahms (1833-1897) Quatuor pour piano et cordes n°1 en sol mineur, op. 25 I. Allegro II. Intermezzo III. Andante con moto. IV. Rondo alla zingareze
Illustration de l’entête: photo Caroline Doutre