Riches archives de WUKALI, visites d’expositions, notes de lecture, coups de coeur et passions, il nous faut transmettre, restituer, partager nos émotions, offrir ces étincelles de joie qui nous chavirent, nous bouleversent tant et nous constituent.

Ainsi jeter des passerelles et des ponts, créer des liens, bâtir et construire d’abord en nous-mêmes, gâcher ces mortiers de notre humanité -sources de notre humanisme- en un mot : être homme au monde et faire civilisation dans un monde aujourd’hui sans repères !

Chers Amis lecteurs, nous avons tous nos dadas, nos hobbies, nos violons d’Ingres et nos préférences, qu’il s’agisse de ces périodes de l’histoire de l’art ou de nos choix d’artistes. Nous sommes chacun d’entre nous émus par telle ou telle peinture que nous redécouvrons à chaque fois que nous la voyions, ou par telle musique qui fredonne à nos oreilles et qui nous met en joie, et nos choix, comme les pommes sur le pommier, sont multiples et peu importe qu’ils soient bigarrés et achroniques, nous n’avons aucun compte à rendre à quiconque et ce qui importe, c’est notre joie, plus encore c’est cette lente maturation, ce mûrissement qui s’opère en nous, comme une distillation de fruit pour obtenir l’alcool qui va nous mettre sens dessus dessous, et titiller pour le plaisir notre langue et notre palais !

Je recherche quelle illustration je vais mettre en frontispice de cette article, quelle forme d’art, quel registre, envisageons ensemble plusieurs hypothèses

Olécio partenaire de Wukali

Peut-être la légèreté et ce doux soupçon d’érotisme avec L’odalisque blonde de François Boucher ( La jeune-fille allongée) dont il existe plusieurs versions. J’entends déjà les ligues de vertu (et dieu sait qu’elles prospèrent aujourd’hui ) me faire reproche et vociférer, héritières de Tartuffe et autres dévots mal embouchés

François Boucher. L’Odalisque blonde ou Jeune fille allongée (1751)
Huile sur toile, 59.5 × 73.5 cm, Wallraf-Richartz Museum, Cologne.
Image HD sur WIKIMEDIA

Cédons à leurs criailleries et replions nous alors, comme dans Le meunier, son fils et l’âne de La Fontaine, vers un autre choix. (Ecouter Fabrice Lucchini dire ce très beau texte. CLIQUER )

David (1501-1504). Michel Ange. Marbre, 517 × 199 cm
Galerie de l’Académie. Florence

Pourquoi pas alors le David de Michel-Ange ?
Comment, tant de nudité, quelle provocation, quel affront, cachez cette nudité, ce pénis que je ne saurais voir !
On en est là… !

Choix difficile me direz vous, alors ne prenons aucun risque et allons vers le sublime du sublime, la Dame de Brassempouy ( à prononcer «Brassempouille» comme nous le préciserait notre aquitain et gersois Emile Cougut avec le soleil du sud-ouest dans la voix). Alors là non, c’est de l’élitisme, la préhistoire, mais qui donc cela peut-il encore intéresser, non c’est non !

La Dame de Brassempouy dite aussi Dame à la capuche. Vue de face et de profil
Datation entre 29 000 et 22 000 ans
Découverte lors de fouilles par Édouard Piette dans les Landes en 1884
Ivoire de mammouth, L:3,6 cm, l: 2 cm, ép: 2,2 cm.
Musée d’Archéologie Nationale. St Germain en Laye.

Faisons le gros dos et avançons ! Proposons leur leur calendrier des postes, ils vont adorer et pourquoi pas un Renoir, c’est dans l’air du temps et comme dirait l’autre, «çà ne mange pas de pain», soit une de ces charmantes jeunes-filles dans cette atmosphère de sérénité populaire qu’il excellait à peindre tel le Déjeuner des canotiers

Le déjeuner des canotiers ( 1880-1881) Auguste Renoir.
Huile sur toile, 130/ 173 cm. Phillips Collection. Washington DC
Google Art Project

ou cet incroyable tableau d’Édouard Manet, Un bar aux Folies-Bergère ( sublime du sublime, un régal de peinture)

Bar aux Folies Bergère (1881-1882). Édouard Manet
Peinture à l’huile, 96/130cm. The Courtauld Institute of Art, Londres

Comme Ducros, je me décarcasse, et je passe en revue dans le plus absolu désordre, périodes, oeuvres et artistes. Peut être allons vers ce que l’on nomme l’art sacré, Le retable d’Issenheim du musée des Unterlinden de Colmar très récemment restauré et qui éclate dans ses couleurs qui touchent à l’âme et aux sens

Au passage, vous pourrez remarquer que tout ces chefs-d’oeuvre qui donnent substance à mon article ont tous fait l’objets d’analyses et d’articles bien sûr dans WUKALI et que vous pourrez tous retrouver facilement.

Eurêka, j’ai trouvé ! Nos censeurs devraient probablement aimer le dépaysement, le lointain, La Vague d’Hiroshige va faire l’affaire, avec en plus ce petit côté écolo et exotique pour certains qui tombe à pic! Et je ne développerai pas l’influence de la peinture japonaise sur la peinture française au 19ème siècle chez les Impressionnistes…

Vous l’avez compris, choisir comporte toujours un risque, c’est d’ailleurs à cela que l’on remarque l’homme libre, mais poursuivons un peu pour le jeu… je pourrais donc vouloir sélectionner un Delacroix ( vous connaissez probablement mon affection pour ce peintre). Par exemple Les Femmes d’Alger dans leur appartement dont Matisse disait qu’il était le plus beau tableau de l’histoire de l’art

Je n’ai pas encore envisagé un artiste de notre temps, j’inclinerais par exemple pour un dessin de Pierre-Yves Trémois,, un dessin raffiné, un syncrétisme, un trait épuré qui cisèle, la précision du trait qui n’est pas éloignée de celle d’un Dürer

J’oserais même un Georges Mathieu, cet ardent créateur de l’abstraction lyrique et dont le pinceau au bout d’un long manche laissait sur la toile comme des éclairs de peintures telle une calligraphie chinois ou mieux japonaise

Ainsi vous l’observez j’ai volontairement mélangé artistes et périodes et ce n’est pas une paresse d’écriture. Cet exercice de style (bien entendu), me semble intéressant et je ne manquerai pas d’y revenir pour vous proposer d’autres choix. ils a tant et tant à dire et tant d’artistes et d’oeuvres à citer et différents angles d’attaque. Alors, n’hésitez pas à me contacter pour me proposer vos préférences : redaction@wukali.com

À propos vous l’avez vu, cette peinture choisie en illustration de l’article, La Vierge aux rochers du Louvre de Léonard de Vinci (il en existe une autre toujours peinte par Léonard au British Museum), n’est-ce point sublime ?

Huit maîtres de l’Ukiyo-e à la Maison de la Culture du Japon

C’est au dix-huitième siècle que naquit au Japon cet art particulier de la gravure sur bois, le Ukiyo-e , «le monde flottant» et dont les artistes les plus célèbres s’appellent Hokusai, Utamaro, ou Hiroshige

Un art populaire et intime, une approche originale de l’angle de vue fondant l’ukiyo-e comme référence de l’art de l’illustration, un répertoire des formes très riche popularisé par des représentations animales pleines de caractère, des scènes de genre ou des étreintes amoureuses et voluptueuses délicieusement érotiques.

C’est cet art même qui lors de l’ouverture du Japon avec l’occident sous le règne de l’empereur Meiji arrivera jusqu’en France et influencera les peintres impressionnistes

Cette exposition exceptionnelle bénéficie du prêt de plus de 150 estampes par le Musée national d’Art Asiatique de Corfou provenant de la collection Manos

P-A L


À voir du 27 septembre au 18 décembre 2001 à la Maison du Japon à Paris.

101bis quai Branly. M° Bir-Hakeim/ RER Champ de Mars
Horaire du mardi au samedi de 12h à 19h/ Nocturne le jeudi jusqu’à 20h


HUIT MAÎTRES

鈴木 春信

Suzuki HARUNOBU (1725?-1770). On se sait rien des maîtres qui le formèrent. Les premières oeuvres aux dates authentifiées que l’on connait de lui sont des estampes d’acteurs de 1760 suivies jusqu’en 1764 des oeuvres de sa période benizuri-e 紅刷絵 (estampe polychrome primitive). Il doit sa renommée à son importante participation à la réalisation d’e-goyomi 絵暦, luxueux calendriers sous forme d’estampes des années 1765 et 1766, ainsi qu’à son rôle primordial dans la naissance des « images de brocart » nishiki-e 錦絵, parachèvement de la xylographie polychrome. les « belles femmes » qu’il dépeint ont un maintien à la fois simple et d’une gracieuse élégance.

L’air songeur de ces figures androgynes confère un charme particulier à ses estampes. Harunobu use abondamment des moyens d’expression dits mitage 見立(« parodie ») et yatsushi(« transposition »). Ces deux techniques consistent à représenter de manière allusive un épisode ou un personnage légendaire en le transposant dans une scène contemporaine. Plus de mille nishiki-e édités entre 1765, année de la consécration de son talent et 1770 année de sa mort font de Suzuki Harunobu l’un des maîtres de l’estampe les plus représentatifs de l’ère Meiwa.

鳥居清長

Tori KIYONAGA (1752-1815). Disciple de Tori Kiyomitsu, maître de l’école Torii, Kiyonaga entame sa carrière en 1767 avec des estampes d’acteurs, puis s’oriente progressivement vers la peinture de genre, ainsi que vers la réalisation de programmes de kabuki et d’illustrations de romans bon marché. Les années 1780 marquent l’établissement de son style et peuvent être considérées comme sa période d’apogée. Empreint de réalisme, son style se caractérise par ses femmes longues et sveltes « hautes de huit têtes« .

Mais Kiyonaga excelle aussi dans des compositions représentant des groupes de courtisanes avec des paysages célèbres d’ Edo à l’arrière-pan. Il innove également en développant les degatar-zu, estampes où les acteurs de kabuki sont représentés sur scène avec musiciens et récitants. Lorsqu’il hérite du titre de quatrième maître de l’école Torii en 1787, il doit faire face à une production accrue de programmes de kabuki et de pancartes de théâtres, si bien qu’il finit par délaisser complètement la réalisation d’estampes.

喜多川 歌麿

Kitaga UTAMARO (1753 -1806). Disciple de Toriyama Sekien, il réalise durant les années 1770 des surimono, des illustrations pour des livrets de jôrruri ( récitation chantée), kibyôshi (romans populaires), sharebon (intrigues situées dans les quartiers de plaisirs), programmes de kabuki… De 1781 à 1790 sa collaboration avec l’éditeur Tsutaya Jūzaburō (蔦屋重三郎) lui vaut un essor prodigieux.

Le style d’Utamaro commence à s’affirmer vers 1790. Les années 1792à 1796 marquent le zénith de son art : son trait puissant excelle à décrire la beauté fascinante des femmes, les courbes voluptueuses des corps aussi bien que les replis des coeurs révélés par les gestes et les expressions du visage.

Utamaro devient le maître incontesté de la représentation de la femme. Il conservera cette place à travers plusieurs changements de styles, avant l’apparition progressive d’une tendance à figer et styliser les expressions. Le cinquième mois de 1804 il est condamné à être menotté pour avoir porté atteinte à la dignité du célèbre chef de guerre du XVI ème siècle Hideyoshi en publiant des estampes le représentant. Utamaro meurt deux ans après cette épreuve. Il avait environ cinquante ans.

東洲斎写楽

Toshusai SARAKU (1763-1820). D’abord acteur de théâtre nô dans la troupe d’un seigneur de province, Saraku fait des débuts fulgurants dans l’ukiyo-e grâce aortraits d’acteurs des trois troupes d’Edo, pendant leur représentation du cinquième mois de 1794. Publiés par l’éditeur Tatsuya Jûzaburô, ces 28 visages en gros plan sur fond micacés sont considérés comme les chefs d’oeuvre absolus de Sharaku et sont les plus estimés : l’acuité de son regard saisit l’essence du jeu et des caractéristiques des rôles, tandis que son trait typique, exagéré, laisse transparaître une dimension humaine pathétique.

Des portraits d’acteurs en pied pour la plupart, continuent ensuite à être publiés chez Tsutaya. Mais Sharaku disparait définitivement du monde de l’ukiyo-e après avoir réalisé une dernière série de portraits d’acteurs dans des représentations du printemps de 1795.

À ce jour, 145 estampes nishiki-e de Sharaku sont répertoriées. La récente authentification d’une peinture sur un éventail de la collection Manos a attiré l’attention sur la possible existence d’autres peintures sur éventail ou de dessins préparatoires à l’encre de Chine se la main du maître.

葛飾 北斎

Katsushika HOKUSAI (1760-1849). Il débute comme élève du maître de l’estampe Katsutsawa Shunshô, puis étudie les techniques de diverses écoles de peinture. Durant plus de 70 années d’activité – la plus longue carrière de tous les peintres d’estampes- ce géant de l’ukiyo-e va changer successivement de styles, obtenant chaque fois des résultats inégalés.

De 1779 à 1794, il signe principalement des portraits d’acteurs et des illustrations de roman bon marché ( kibyôshi). Il affirme ensuite son style personnel de peintre de bijin-ga, et produit principalement des surimono ( estampes de luxe) et des illustrations de recueils de poèmes kyôka.

À partir de cette période, on voit également apparaître d’authentiques peintures de sa main. De 1798 à 1813, il parachève un style original et consolide sa réputation avec des peintures au pinceau, des estampes surimono, des illustrations de recueils de kyôka et de romans yomi-hon. Il débute ensuite la publication de carnets de croquis sur des sujets divers, les Hokusai Manga.

La période qui va de 1820 à 1833 est particulièrement remarquable : il réalise une série de nishiki-e parmi les plus représentatifs de son talent, les Trente-six vues du Mont Fuji, ainsi que de nombreuses estampes de lieux célèbres, ou ayant pour sujets la faune ou la flore. Puis, jusqu’à la fin de sa vie, il se consacre principalement à la peinture au pinceau.

歌川豊国

Utagawa TOYOKUNI (1769-1825). Disciple d’Utagawa Toyoharu, le fondateurde l’école Utagawa. Après avoir débuté avec de e-goomi (estampes-calendriers) en 1786, il accroit progressivement ses activités avec des estampes polychromes de courtisanes et d’acteurs. La série Portraits en pied d’acteurs sur scène publiée au printemps 1794 confirme son accession au titre de grand maître de l’ukiyo-e. Toyokuni s’impose comme maître des estampes d’acteurs, avec ses descriptions fluides et pleines de vigueur qui lui valent une grande popularité.

Dans le domaine des bijin-ga, sans atteindre la maîtrise d’un Utamaro dans la description du charme féminin, ses images de femmes tracées d’un trait généreux et ferme autorisent néanmoins la comparaison. Il réalise également de nombreuses illustrations pour romans kibyôshi et livres d’images e-hon puis à partir de l’ère Bunka (1804-1818), se consacre avec énergie aux illustrations de gôkan ( ouvrages historiques) et de yomi-hon (récits romanesques). À partir du mieux de l’ère Bunka, on note dans son style une certaine rigidité, qui n’affecte pas son volume de production. : il conservera toute sa popularité jusqu’à la fin de sa vie. On doit également à Toyokuni la formation de nombreux élèves : il a ainsi posé les fondations de l’école Utagawa, qui règne sur l’ukiyo-e du XIXème siècle.

歌川広重

Utagawa HIROSHIGE (1797-1858). Fils d’un officier de brigade de pompiers d’Edo, il nait à Yayosugashi dans la caserne où travaille son père. Vers 1811, ne pouvant intégrer l’atelier d’Utagawa Toyokuni en raison du trop grand nombre d’élèves, il devient le disciple d’Utagawa Toyohiro. Ses premières oeuvres- surimono – portraits de femmes et d’acteurs- datent de 1818. Après 1828, année de la mort de son maître Toyohiro, de nouvelles perspectives s’ouvrent à lui.

Il se lance dans l’estampe de paysages, domaine où il se distingue progressivement avec ses séries de lieux célèbres. Il entame vers 1833 la célèbre série des Cinquante trois stations du Tôkaidô. Ses paysages au charme pénétrant connaissent des ventes explosives et lui valent une notoriété immédiate comme maître paysagiste.

Il parachève son style particulier dans ce domaine avec la série des Soixantes-neuf étapes du Kisokaidô, publiée entre 1836 et 1838. Puis il réalise diverses séries de la route du Tôkaidô, ainsi que des séries de vues célèbres des provinces ou d’Edo. Il ouvre également des horizons nouveaux dans les gravures de flore et de faune, et conservera une place prépondérante dans ces deux domaines jusqu’à la fin de sa carrière. Dans la dernière partie de sa vie, il poursuit la publication des Cents vues célèbres d’Édo. Il meurt du choléra en 1858, lors de la terrible épidémie qui sévit à Edo.

歌川 国芳

Utagawa KUNIYOSHI (1797-1861). Élève d’Utagawa Toyokuni, il est considéré comme l’un des trois derniers grands maîtres de la fin de la période Edo, les deux autres étant Utagawa Kunisada et Utagawa Hiroshige. Kuniyoshi produit dès 1814 des illustrations de romans gôkan et , l’année suivante des estampes d’acteurs. Mais il gagne très mal sa vie plusieurs années durant. Période difficile dont il voit le terme en 1827 avec la publication de sa série Cent huit numéros chinois dont le succès fait de lui le maître reconnu du nishiki-e guerrier.

Au début de l’ère Tempo (1830-1844) il étudie la peinture occidentale qui lui inspire des paysages vus sous un angle moderne avec de nombreux dégradés d’ombre et de lumière. Il renouvelle également le style de la peinture de femmes dans des scènes de la vie quotidienne. À la suite des »édits de Tenpô » de 1842 qui, pour des raisons d’économie, restreignent les sujets et le nombre des estampes, il se lance dans l’estampe d’enfants et les illustrations de séries de faits-divers romancés. Ses nombreux triptyques de guerriers en gros plan sont hautement estimés. On lui doit également un grand nombre de dessins humoristiques.

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