Le 6 mars 2017, un rhinocéros a été abattu de trois balles au zoo de Thoiry et ses deux cornes volées. Fait divers parmi tant d’autres mais qui a braqué pendant quelque temps les projecteurs de l’actualité sur le marché, particulièrement illégal, de la corne de rhinocéros. On en a parlé, puis on est passé à autre chose, et les rhinocéros continuent à se faire tuer à cause de leurs cornes parées de mille vertus dans certaines pharmacopées asiatiques. La médecine chinoise, qui est à la mode car plus respectueuse, paraît-il, des équilibres naturels, a aussi une face cachée particulièrement néfaste pour la biodiversité en général et pour les rhinocéros en particulier.
Partant de ce fait divers, Didier Desbrugères imagine trois histoires, trois destins autour du trafic de cornes de rhinocéros qui se mêlent et s’entremêlent.
- En France il y a Aurore, la soigneuse de Chuck, la victime du zoo. Dévastée par cette agression, elle essaye de se reconstruire auprès de sa tante en Bourgogne. Cette dernière, veille femme assez originale, toujours portée vers l’aide aux autres, lui apprend à surmonter sa douleur en lui montrant que bien des luttes restent à gagner pour sauver la nature et accessoirement l’humanité. A son contact, Aurore va sortir de sa prison, s’ouvrir aux autres et enfin trouver un nouveau défi dans sa vie, plus exactement un double défi : sauver le vivant en voie de disparition et vivre l’Amour.
- En Namibie, Silas est un guide de brousse pour touristes argentés, connu pour son professionnalisme. Marié, père de deux enfants, il sacrifie sa vie de couple pour gagner le plus d’argent possible afin de créer son entreprise de tourisme. Dans sa quête d’argent, bien que cela le répugne, il finit par accepter de guider un voyou local qui veut faire fortune dans la corne de rhinocéros. Démarche d’autant plus dangereuse que ces animaux sont protégés de près par des gardes qui tirent d’abord et ne discutent jamais avec les braconniers.
- Au Vietnam, Dat est un jeune promoteur immobilier, fort de quelques succès et qui veut progresser. Il expose sa réussite aux yeux de tous comme le « nouveau riche » qu’il est (quitte à oublier les traditions de sa culture) : une superbe compagne, des voitures, habillement, meubles, etc de luxe bien entendu, de la dernière mode en date. Pour montrer sa réussite à tous, pris dans la spirale de l’étonnement maximum, il veut organiser une fête à l’occasion de laquelle seront servis des cocktails relevés à la poudre de corne de rhinocéros. Mais comment en obtenir ? Et surtout de la vraie, il y a tant de contrefaçons.
Trois univers différents mais avec un lien commun, la fascination que certains portent à la corne de rhinocéros et aux excès qu’ils sont prêts à commettre pour en obtenir. Mais des univers durs, violents où l’apparence et l’appât du gain sont des moteurs implacables. Seule la française est au-dessus de tout cela, elle ne recherche rien, n’a rien à se prouver, ce qui n’est pas le cas, loin de là des deux hommes. Est-ce que cela veut dire que l’homme occidental est au-dessus de ces contingences matérielles, lui qui a un niveau de vie nettement supérieur que celui d’autres hommes habitant dans des pays moins développés économiquement ? Je ne pense pas que c’est ce qu’a voulu démontrer l’auteur, mais quelque part, il est fait un éloge en filigrane de la nécessite d’arriver à un certain « bien-être » pour pouvoir s’ouvrir aux autres et à la biodiversité. N’est-ce pas à cet état qu’arrive Dat à la fin du livre ?
Quoiqu’il en soit, Le monde est un bel endroit, est un livre sur l’écologie, sur la beauté de la nature et la diversité de la vie qui s’y trouve. Un livre sur la nécessité de préserver la biodiversité contre l’ignorance, des cultures rétrogrades et l’avidité de certains qui sont prêts à tout détruire pour leur profit personnel et totalement égoïste.
On trouvera de très belles descriptions de la Bourgogne, du Morvan mais aussi de la Namibie et de la vie au Vietnam de nos jours, avec, parfois, regretteront certains, quelques longueurs.
Le monde est un bel endroit
Didier Desbrugères
éditions Une heure en été. 22€
Illustration de l’entête: En 2017, Vince, un rhinocéros blanc, a été abattu dans son enclos de trois balles dans la tête. Et sa corne découpée à la tronçonneuse… Photographie: Le Parisien /MG