Mardi 26 juillet à 21h00, le public de La Roque d’Anthéron a eu le bonheur d’assister à un concert fabuleux (aurait-il pu en être autrement ?).
Il était une fois 6 musiciens hors-pair, des jeunes gens au talent fou, travailleurs infatigables, qui vivent avec la musique et pour la musique, avant toute chose. Ils sont doués certes, mais possèdent un atout supplémentaire : la bonne étoile Renaud Capuçon ! Nous pourrions dire qu’il est leur mentor, un guide bienveillant, attentif, et tellement sympa, à chaque rencontre, c’est largement confirmé.
Qui sont-ils, ces jeunes prodiges ? Violon : Manon Galy et Raphaëlle Moreau, Alto : Paul Zientara, Violoncelle : Maxime Quennesson, Piano : Guillaume Bellom. Tous nous ont fait monter tout là-haut, dans les hautes sphères de la grande musique.
Déjà avec Franck et son quintette pour piano et cordes en fa mineur, un chef-d’oeuvre bien connu et reconnu. Comme ces deux œuvres de Franck et de Chausson vont bien ensemble ! Tellement bien, que Renaud Capuçon les a jouées à plusieurs reprises avec ces jeunes musiciens. C’est un programme remarquable à tout point de vue. On aime le réentendre, le réécouter, notre oreille s’émerveillant de nouvelles subtilités, des petites différences que l’on n’avait pas perçues jusqu’alors, car c’est à chaque fois inédit et jamais joué de la même façon.
On s’étonne pourtant de quelques gradins inoccupés avec une telle « distribution », sans doute le genre du concert et les compositeurs au programme ont-ils intimidé le public ? On ne peut que les inviter à aller vers ce genre de répertoire !
Les jeunes gens le connaissent sur le bout des doigts, jusqu’au bout de leurs archets ou de son clavier pour le pianiste Guillaume Bellom, à chaque concert plus prodigieux encore ! Mais jusqu’où ira-t-il ? Plus justement dirons-nous, jusqu’où iront-ils ? Nous qui les avons vus faire leurs débuts à La Roque, évoluer, grandir, et c’est un bonheur de voir une telle complicité musicale. Lorsque l’on félicite les musiciens à l’issue du concert, nous voyons bien que Renaud ne se sent pas le Mentor, ni le professeur à qui reviendrait une grande partie du succès de cette soirée. Si le concert est beau, le mérite en revient aussi « à ces jeunes musiciens. » Bien sûr, le violoniste sur scène impulse souvent un élan, une belle énergie, et le quatuor le suit avec brio. On aime cette attitude si particulière qu’on lui connait si bien, lorsque recentré sur lui-même, il tend une jambe et se balance en cadence. Mais on se rassure, l’équilibre est maintenu sur ses deux pieds mais aussi dans ce quintette fabuleux. Cette œuvre compliquée n’est pas difficile à suivre, elle est captivante et cohérente de bout en bout. Les sections s’y déploient en toute liberté et en toute logique. Ce qui est complexe au demeurant, c’est la partition dans tout ce qu’elle requiert de formules puissantes et vibrantes.
Chausson : Concert pour piano, violon et quatuor à cordes opus 21
On a rarement entendu ce concert aussi plein de musique. Cela parait un peu étrange à dire (à écrire) mais c’est le ressenti à l’écoute de ces violons, alto, violoncelle, brillants et lumineux, au timbre sonore si riche, du grave du violoncelle aux notes les plus aigües du violon, et on se love dans l’œuvre. Pour savourer davantage encore, il faudrait juste rappeler au public (enthousiaste ô combien il est vrai !), que, lors d’un concert, on n’applaudit pas entre les mouvements et on ne doit pas davantage filmer, c’est tout simplement interdit et cela gêne l’écoute.
Pour en revenir à Chausson, la partie piano est difficile ! On est subjugué par tant de maitrise et on réalise à quel point l’équilibre est fragile. Comment le maintenir dans cette partition si dense, trouver le juste milieu, ne pas laisser le piano envahir l’espace, ni le violon virtuose se faire trop généreux, et laisser le quatuor à corde jouer sa partition, donner la réplique, entrer dans le discours comme un trait d’union enchanteur entre tous. Il s’agit d’entendre distinctement le violon soliste et le quatuor. Ce qu’il ressort encore de cette interprétation, c’est une combinaison délicate d’audace et de retenue. D’audace notamment dans le mouvement grave, qui comme son nom l’indique, nous plonge dans un grand désespoir. Tous les mouvements sont beaux et forts, pour certains nostalgiques et mélancoliques avec des passages très chantants.
Vous reprendrez bien un peu de Chausson ?
La Sicilienne, bis dédié à Nicholas Angelich par son ami Renaud Capuçon. Comment ne pas admirer cette œuvre ? On pourrait l’écouter en boucle tant il est un des sommets de cette œuvre. Et bien sûr une magnifique ovation à la fin… Bien méritée !