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Sous les doigts magnétiques de Nikolaï Lugansky à La Roque d’Anthéron

par Pétra Wauters

Au programme de ce Mercredi 27 Juillet à 21h00 :  Beethoven – Medtner – Rachmaninov

Festival international de piano de La Roque d'Anthéron 2022 Nicolaï Lugansky
Nikolaï Lugansky
(photo ©Pierre Morales)

Quand il entre sur scène, le musicien semble un peu tendu, un sourire à peine esquissé sur son beau visage aux traits fins, le regard dans le lointain.  Il vient vers nous, toujours de sa démarche droite, une attitude grave qu’on lui connait souvent et pourtant ! Lorsque Nikolaï Lugansky s’installe à son piano, c’est là que tout commence, la vérité peut enfin éclater. Car on le comprendra vite, et on est rassuré si besoin était, le pianiste russe est en grande forme, plus impressionnant et éblouissant que jamais.   

Il débute le concert par la célèbre et difficile « Tempête »  la sonate n° 17 en ré mineur opus 31 n° 2 de  BeethovenLe jeu de Nikolai Lugansky est sobre, lent, et on s’étonne justement de ce rythme si particulier qu’il choisit d’imprimer. C’est que le pianiste sait jouer sur les oppositions à la perfection, sachant justement cultiver le contraste que Beethoven souhaite donner à son œuvre. Le geste est délicat, Nikolaï Lugansky investit chaque note, chaque silence, le fait durer afin de nous le faire « entendre », et lorsque l’attaque nous surprend, que les mains s’envolent, que le discours se fait plus haletant, nous essayons nous aussi de reprendre notre souffle ! L’enthousiasme du pianiste s’entend. Le calme en apparence, le feu soudain brise la glace.  Autre œuvre impérissable, Beethoven : Sonate n°23 en fa mineur opus 57 “Appassionata ». Là encore tout est clair, limpide. On s’aperçoit par ailleurs que le jeu de Nikolaï Lugansky, va renouveler l’écoute de ces pièces. C’est comme si à chaque concert, il élargissait son terrain de jeu, toujours prêt à se questionner. Car à n’en point douter, le pianiste pense et analyse, sans affecter son génie créatif, car son interprétation est tout à la fois sensible, charnelle et naturelle.

On change complètement d’atmosphère avec Nikolaï Medtner, (1880-1951), avec ses Mélodies oubliées opus 38, qui ne le seront pas de sitôt pour le public de la Roque. Danza ou Canzona, magnifiques, avec, pour finir une mélodie dont on se souviendra et qui se détache davantage des deux précédentes, c’est peu dire :  Alla reminiscenza. Il nous semble que Brahms s’invite, avec ces accents passionnés, ces moments de tendresse qui succèdent aux épisodes fougueux, voire tumultueux. 

Olécio partenaire de Wukali

Sergueï Rachmaninov pour finir avec Les Études-Tableaux opus 33 n° 5, 6, 39 n°7, 8, 9.  On peut le dire, tout va crescendo ce soir-là, et pourtant, ces partitions sont d’une telle complexité, mais le pianiste ne faillit pas ! Sa connaissance de ces pages est impressionnante et c’est presque une provocation jubilatoire pour lui de s’attaquer à ces études compliquées. La virtuosité transcendée dont il fait preuve lui permet de tirer toute la puissance sonore de son piano. Il faut dire que ces Études-Tableaux sont imprégnées de la culture russe, des contes folkloriques, elles sont, comme on l’imaginait, truffées d’images. On les voit, on les entend. On voit des tableaux et dans le même instants ses mains qui nous surprennent à chaque fois par leur magie. Et comment traduire l’indéfinissable ? Entre le silence, la concentration, soudain il y a ses doigts, ses longues mains blanches, qui semblent se détacher, ses bras qui se soulèvent dans une énergie inouïe, avant de retomber avec force ou retenue. Ses doigts nous livrent tout, dans un flot inépuisable. 
Des moments d’une grande expressivité musicale ont été offerts en cette fin de soirée, pas moins de trois bis ont littéralement transporté le public :  Rachmaninov : Douze romances op21 n°5, Les lilas : Oriental Sketch et enfin Prélude op.23 n°7.

Nikolaï Lugansky en cette fin de soirée était visiblement très heureux. Son regard bleu, longtemps lointain, s’est fait plus doux, son visage s’est détendu, et son énigmatique sourire s’est dessiné sur ses lèvres. Merci ! Nous étions tous, la tête dans les étoiles ! 

Au programme de cette soirée du 27 juillet 2022 à La Roque d’Anthéron

Beethoven : Sonate n°17 en ré mineur opus 31 n°2 “La Tempête”
Beethoven : Sonate n°23 en fa mineur opus 57 “Appassionata”
Medtner : Mélodies oubliées opus 38 n°6, 7 et 8
Rachmaninov : Études-tableaux opus 33 n°5 et 6  
Rachmaninov : Études-tableaux opus 39 n° 7, 8 et 9

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