Christian Zacharias, l’élégance même ! Dès qu’il entre en scène, c’est ce qui nous vient à l’esprit. Quelle classe ! La simplicité dans l’élégance.
Le pianiste et chef allemand Christian Zacharias a longtemps dirigé l’Orchestre de chambre de Lausanne. Ce jeudi soir 18 août à la Roque d’Anthéron, c’est l’Orchestre national d’Auvergne qu’il dirige à mains nues dans un programme passionnant. Si on aime Haydn, qui ouvre et clôt le programme, on est comblé. Le public est au rendez-vous, assurément il aime la musique de Joseph Haydn, très « classique » certes, mais d’une originalité, d’une élégance et d’une vitalité peu communes. Car Haydn c’est cela aussi. Musicien au service des Princes Esterhazy, fidèle à la tradition viennoise, c’était avant tout un compositeur très original et malgré tout très libre.
Visiblement, Christian Zacharias éprouve beaucoup de plaisir à diriger la première oeuvre du programme, la Symphonie n° 43 en mi bémol majeur « Mercure » dont on aime la sonorité intimiste. On retrouve sa gestuelle si particulière du chef, cette façon de se pencher en avant puis en arrière, donnant des impulsions et des instructions aux musiciens, d’un geste précis, de la tête ou des bras ou encore de ses longues mains qui dialoguent élégamment. Avec précision, elles s’adressent à une partie de l’orchestre puis à l’autre, indiquant ici un phrasé long et continue, là soulignant au contraire une phrase chantante et pétillante. Tout est clair, même pour nous depuis nos gradins ! Il se jette dans la symphonie avec une belle ardeur, des mouvements le plus souvent pleins de fougue, à la fois volatiles, papillonnants, capricieux. On est surpris par ces envolées qui justement, s’arrêtent brusquement, pour reprendre plus furieusement encore. Avec Zacharias, Haydn gronde et tempête. Il n’y a pas qu’Haydn qui gronde, le ciel commence à se manifester aussi. Qu’importe, pour l’heure, le pianiste joue avec puissance le second thème davantage turbulent. Le mouvement lent et le menuet sont tout aussi passionnants. On aime le menuet justement, pour sa mélodie entrainante et l’adagio à la sonorité douce et chaleureuse. Ils nous font voyager dans cette symphonie singulièrement belle jusqu’au finale qui n’est pas exubérant, comme dans bon nombre de symphonies, au contraire. Le tempo modéré, le climat rêveur nous enchantent.
Son piano transporté au centre de la scène, le chef pianiste reste debout un bref instant pour amorcer le concerto pour piano et orchestre n°9 en mi bémol majeur K. 271 “Jeunehomme” de Mozart.
Il nous tourne le dos, mais ainsi placé, il peut voir et diriger ses musiciens tandis qu’il joue. Sans doute Christian Zacharias doit-il redoubler de concentration dans cette seconde partie du programme, d’autant plus que la pluie s’invite vraiment.
Les ponchos de pluie s’ouvrent dans un bruissement que l’on veut le plus discret possible, mais il a l’oreille notre chef pianiste, il se tourne, nous sourit. Il est applaudi à tout rompre, ce qui couvre en partie les grondements du tonnerre. Un peu d’agitation, et le concert reprend de plus belle. On le dit, le chic et l’élégance qui le caractérisent font que la qualité d’écoute du public reste extrême, et les musiciens le suivent comme un seul homme pour faire vivre ce pur chef d’œuvre de jeunesse (Mozart n’avait que 21 ans). On aime le dialogue entre le soliste et l’orchestre, d’une expressivité inaltérable. Il faut redoubler d’enthousiasme avec cette pluie qui ne cède pas ! Toutefois, on n’est pas pour autant dans le registre de la démonstration de force, mais toujours dans celui du partage. Christian Zacharias sait aussi dessiner d’autres contours à cette magnifique œuvre, plus sombres douloureux, notamment dans le second mouvement. Puis l’horizon s’éclaircit un peu (enfin, côté météo pas vraiment)
Le pianiste dialogue avec douceur avec l’orchestre, jusqu’au dernier mouvement, le rondo qui renoue avec l’énergie et la fantaisie.
Le piano ne se contente pas d’accompagner, il mène le jeu et impose sa cadence dans un discours haletant. Comme toujours, on se régale des contrastes offerts, des changements de tempo, ainsi joué par Christian Zacharias, le concerto est plein de surprises et d’émotions.
On est ravi de ce bis à mi-parcours : Mozart : Rondo en ré majeur, K. 485. Joli cadeau !
Haydn : Symphonie n°45 en fa dièse mineur “Les Adieux”, sans doute la symphonie la plus célèbre du génial compositeur. Cinq mouvements pour une symphonie tout en équilibre; le chef pianiste emporte l’orchestre pour le faire chanter, tout y est dansant, lumineux. Et nous n’aurons pas droit au départ des musiciens comme à l’époque où, nous dit-on, Haydn, voulant signifier au prince que ses musiciens étaient fatigués, a invité à des « adieux » très spéciaux ! Lors du dernier mouvement, il demandait à ses musiciens de quitter la scène un par un, pour ne laisser que le chef et le premier violon terminer l’œuvre. Le prince était surpris. On ne le serait pas moins. Nous nous souvenons d’une reconstitution de ce concert à Vienne, de ce finale très drôle de la symphonie des Adieux, avec Daniel Barenboim. C’était sur une chaine télévisée il y a quelques années.
Non, notre concert ne s’est pas terminé ainsi, bien que cela aurait pu être cocasse ! Le public enthousiaste fut récompensé d’un bis superbe.
Mozart : Eine Kleine Nachtmusik, IV. Rondo – Allegro, pas vraiment une berceuse, mais une superbe musique de fête pour terminer joyeusement la soirée.
Concert pluvieux, concert heureux… !
Au programme :
Haydn : Symphonie en mi bémol majeur n°43 “Mercure”
Mozart : Concerto pour piano et orchestre n°9 en mi bémol majeur K. 271 “Jeunehomme”
Haydn : Symphonie n°45 en fa dièse mineur “Les Adieux”