A novel, a pamphlet about economy? Light and witty

«  Souriez, vous êtes ruiné   », c’est le titre décapant du livre d’Yves Boudillon et ce que dit Sabine de Mazières, la responsable des relations publiques de Redwan Khetif, Ministre de l’économie, au journaliste canadien Félix Paquette, alors qu’ils s’extirpent d’une manifestation contre le plan d’austérité du gouvernement.

Histoire d’être fort peu originale, la France est totalement paralysée par des grèves, il y a des pénuries de tout, aussi bien du camembert que de l’essence, les transports ne fonctionnent plus, la place de la République est occupée en continue, etc. Le climat est à l’insurrection, voire à la guerre civile, le contrat social n’assure plus son rôle, on assiste à un rai affrontement entre « ceux qui ne veulent plus payer qui s’opposent à ceux qui veulent continuer à recevoir  », ceux qui veulent toujours recevoir, se sont les bénéficiaires des droits sociaux, les travailleurs qui refusent le chômage, surtout ceux qui font profession « de recevoir sans avoir jamais travaillé  ».

Olécio partenaire de Wukali

Le journaliste Fred Beaumont doit suivre ces événements pour Le Journal, quotidien progressiste qui épouse la cause des insurgés. Mais il ne partage en rien les idéaux qu’ils défendent étant un vrai partisan du libéralisme économique, il travaille dans ce journal car c’est la seule solution qui s’offre à lui pour pouvoir vivre et payer les études de commerce de sa fille. Un de ces amis lui propose de travailler pour un journal de la toile Libertas qui lui défend le plan gouvernemental prévoyant des réductions drastiques des allocations et des dépences de l’état. Pour pouvoir garder l’emploi qui le nourrit, il s’invente un double, le canadien Félix Paquette qui instaure immédiatement un polémique souvent violente avec… lui-même.

Son double jeu, la course au scoop, son incapacité à obtenir une ceinture marron au jujitsu, les problèmes de cœur de son ami Alfred, vont lui attirer quelques désagréments, comme être recherché dans tout Paris par des « jusqu’en boutisses » qui veulent lui « apprendre à vivre », se fâcher avec ses amis, se faire étriper par la femme dont il est amoureux, sans compter les problèmes que lui cause sa fille.

Aux jours où les médias sont remplis des interventions des participants de la Nuit debout, Yves Boudillon nous livre un roman, proche du pamphlet contre l’état providence et une défense de l’ultra libéralisme économique. Ne cite-t-il pas avec un respect certain Margaret Thatcher ? Il pousse au bout l’idée que les avantages sociaux dont bénéficient les Français nous mènent tout droit au désastre, que tôt ou tard (et sûrement bien plus tôt que tard) finira par arriver. Ses personnages parfois quelque peu caricaturaux (la première chose à laquelle pensent les sociaux démocrates est bien sûr de sauver leurs économies), n’en sont pas moins plein de vie. Qu’ils soient d’extrême gauche ou ultra libéraux, nous les avons tous connus dans notre entourage. Bien sûr on peut reprocher à Yves Boudillon d’être parfois quelque peu condescendant vis-à-vis de ceux qui n’ont pas des moyens importants pour vivre. On peut lui reprocher d’être « bien pensant » : pas de salut sans le libéralisme économique, enfin l’actuel le libéralisme financier, celui qui est enseigné dans les facultés et qui a formaté tous les journalistes économique, dont lui. La force de Fred Beaumont est d’avoir lu les grands économistes. Dommage qu’il n’est lu que la première partie de La richesse des nations d’Adam Smith et non la seconde qui est deux fois plus importante en volume et qu’il est oublié la phrase de Queynay : « il n’y a de richesse que dans l’homme ».

En quelque sorte, il défend une conception de la liberté qui se résume dans la loi du plus fort ou dans « crève ou marche ». C’est cette conception que défendent les « ultra-libéraux » qui, de fait ne sont pas du tout des libéraux au sens de la philosophie des Lumières, de cette liberté défendue par les révolutionnaires de 1789, de cette Liberté guidant le peuple de Delacroix. Ce qui s’ appelle liberté se résume pour eux non à la libre circulation des capitaux mais à la possibilité de faire du capital à partir du capital et ce sans strictement aucune limite légale, les seules limites acceptables étant celles qu’ils se fixent eux mêmes.

Mais ce ne sont là que de faibles critiques par rapport au plaisir que l’on prend à lire Souriez, vous êtes ruiné. Yves Boudillon sait écrire et en plus il a un humour à toute épreuve ; le cliché du « c’était mieux avant ». Avant quoi au juste ? Comme si tout avait bousculé à un moment précis, une comète frappant notre petit monde pour y propager des ondes maléfiques cupides, alors que jadis, c’est bien connu, les gens étaient altruistes et doux comme des agneaux, comme en attestent les livres d’histoire. 

Émile Cougut


Souriez, vous êtes ruiné
Yves Boudillon

éditions du Rocher. 19€90


WUKALI 27/04/2016
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