Jeanne la folle, une reine qui inspire les écrivains, L’Insoumise de [**Yann Kerlau*] s’attache à décrire ce personnage peu commun. Certains d’entre nous se souviennent du roman de Catherine Hermary-Vieille Un amour fou paru dans les années 90 (du millénaire précédent) qui offrait une vision très romancée de la vie de Jeanne dite la folle. Il faut dire que cette femme a connu une destinée totalement romanesque qu’elle est une source inépuisable d’inspiration..
[**Jeanne*] était la fille des rois catholiques [**Isabelle de Castille*] et [**Ferdinand d’Aragon*] qui, à la mort de son père, fut la première souveraine d’Espagne, la mère de [**Charles Quint*]. Mais elle passa plus des deux tiers de sa vie enfermée dans la forteresse de Tordesillas, ne régna jamais car elle fut écartée du pouvoir d’abord par son père puis par son fils. Il faut dire que Jeanne était tout au moins schizophrène pour ne pas dire avec un équilibre mental très instable, et le moins que l’on puisse dire c’est que les traitements que lui infligèrent ses parents ne l’aidèrent pas à se soigner.
A cause de la mort de ses aînés, sa mère la désigne héritière de la couronne de Castille, mais inquiète de la santé mentale de sa fille, elle précise bien dans son testament qu’en cas d’empêchement Ferdinand aura la régence. [**Jeanne*] est mariée à [**Philippe de Habsbourg,*] dit « le beau », fils de l'[**empereur Maximilien*], petit fils de [**Charles le Téméraire*]. Elle est folleusement amoureuse de son mari et d’une jalousie maladive. Elle agresse les potentielles maîtresses de son époux, déprime quand il l’est loin d’elle. Sa mère après un de ses multiples accouchements la retient à Burgos tant elle craint pour la santé mentale de sa fille. Ses enfants, dès qu’elle accouche, lui sont retirés pour être élevés par la famille paternelle, sauf Ferdinand (futur roi des Romains) qui le fut par ses grands parents maternels.
A la mort d’Isabelle, la couronne de Castille revient de droit à Jeanne. De fait, s’ensuit une lutte froide entre son mari et son père à laquelle elle est totalement exclue. Mais Philippe le beau décède en Espagne plongeant son épouse dans une longue dépression. Elle refuse de se séparer du corps de son époux, son errance avec le cercueil est devenu un thème récurent dans l’art espagnol (tableaux, livres, opéras, pièces de théâtre, etc .). Son père, pour la protéger, l’enferme dans la forteresse de Tordesillas ou elle accouche de sa dernière fille. Elle va y rester jusqu’à sa mort en 1555 après 49 années de détention.
Quand[** Ferdinand d’Aragon*] décède en 1516, elle devient de droit reine de Castille et d’Aragon, c’est le premier personnage de l’histoire qui porte se titre. Mais très vite son fils [**Charles*] se fait associer au trône et devient le vrai chef d’état laissant sa mère dans sa forteresse.
Comme beaucoup avant lui, [**Yann Kerlau*] prend le personnage de Jeanne pour en faire l’héroïne d’un roman. Tout rapport avec la réalité historique est, comment dire, assez distendu. C’est un romancier pas un historien ([**Germaine de Foix*], seconde épouse de [**Ferdinand d’Aragon*] a bien eu une fille avec [**Charles Quint*] mais elle n’est pas morte en bas âge et [**Germaine*] joua encore un rôle important en Espagne). Donc ne recherchez surtout pas une vérité historique dans ce roman. En moyenne vous en trouvez autant sinon plus dans Alexandre Dumas.
[**Yann Kerlau*] nous montre une Jeanne certes amoureuse et quelque peu dépressive à la mort de son mari, mais saine d’esprit. A l’inverse son père Ferdinand est décrit comme un « paillard dur et cupide » (comme écrit Baudelaire), quelque peu sadique, qui fait tout pour briser sa fille, l’éliminer physiquement. Quant à Charles, c’est une sorte d’autiste qui n’éprouve aucun sentiment pour sa mère tant il a été formaté dans son enfance autour de l’idée d’une mère folle rejetant sa progéniture.
Chaque partie du livre est écrit à la première personne du singulier par un des protagonistes (Jeanne, Ferdinand, Charles). Soit, c’est plutôt très réussi surtout la première partie (Jeanne). Mais cette façon trouve très vite ses limites quand celui qui énonce les faits relatés n’est pas directement concerné. Cela « tombe comme un cheveu dans la soupe ». Et puis, si les deux premières parties ont pour personnage principal Jeanne, dans la troisième (soit la moitié du livre), elle est en arrière plan car ce moment du livre tourne autour de la personnalité de Charles Quint.
En conclusion, [**L’Insoumise *] est un roman sur fond historique, ni meilleur ni moins bon que les dizaines qui paraissent chaque année.
[**L’Insoumise
Yann Kerlau*]
éditions Albin Michel. 24€
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WUKALI 12/10/2017