Les amateurs de corrida de par le monde connaissent le matador Juan Bautista qui marqua son époque De son vrai nom Jean-Baptiste Jalabert, il a grandi dans le monde taurin, son père le grand Luc Jalabert n’était-il pas éleveur de toros et directeur des arènes de Nîmes ? Bon sang ne saurait mentir ! Sa carrière s’est achevée en 2018 après une corrida dont on parle encore à Dax.
Yves Charnet, lui, le nivernais, n’a pas grandi dans ce milieu. C’est par hasard qu’il participe à une corrida le 14 août 1999, et depuis il est totalement dépendant à ce sport, à ce spectacle, de fait, plurimillénaire.
Une relation d’amitié se tisse entre le matador et le professeur de culture générale écrivain. Ce dernier a commis un livre en 2006, aux éditions de la Table ronde, au titre plus explicatif : Lettres à Juan Bautista. Vingt ans après, il les reprend, les retravaille, les complète, les enrichit. Ce qu’il offre à notre lecture c’est une sorte de voyage initiatique. Il parle beaucoup de lui, de sa mère, de ses enfants, de ses amis, de son côté dépressif, de la mort. Petit à petit se dessine sous nos yeux l’autoportrait de l’écrivain en matador, une sorte de parallèle entre les deux hommes ou plus exactement de la philosophie, du sens de la vie qu’ils partagent. Toréer, écrire, deux arts, deux passions qui se ressemblent, qui ont les mêmes bases, les mêmes fondations, qui sont pratiquées par des individus qui sont des sortes de double. Seule leur façon de s’exprimer diffère.
Tout cet opus est résumé dans cette simple phrase, cette simple réflexion d’Yves Charnet : « ce seront des périphrases autour de l’impossible ». Nous sommes dans l’infini de la nature humaine.
La lecture de ces lettres est parfois assez déroutante. Ainsi l’auteur, dans le même paragraphe, passe, fait un parallèle entre un « coup de boule » de Zidane et une réflexion de Van Gogh. Et ce n’est pas osé, c’est évident !
Je ne puis vous citer tous les artistes cités par Yves Charnet : Jean Cau, Jean Cocteau, Henri de Montherlant, Ernest Hemingway, Van Gogh, Michel Sardou, Johnny Halliday, Charles Trenet, André Masson, Pablo Picasso, Serge Lama, Goya et j’en passe. Des artistes, tout comme Juan Bautista au centre d’une arène. Et l’auteur se place dans cette lignée de créateurs, il crée même de nouveaux mots pour renforcer son idée, le concept abordé. J’ai adoré animots qui résume parfaitement la fascination de l’écrivain pour la tauromachie.
Et puis aussi Yves Charnet est bel et bien un magicien des mots qu’il sait manier avec un talent poétique certain, qui sait les accorder entre eux pour faire, en de courtes phrases, passer ses émotions, ses idées, sa philosophie : « L’extravagance propre à la cérémonie taurine est venue réveiller une envie de sublime. », « Une cape trop grande pour leurs épaules d’Arlequin nostalgique» ou encore: « Tous les gris dont est capable le bleu du ciel sont disponibles. »
Nous sommes bien loin des livres habituels sur les corridas ou des biographies des plus grands matadors, mais dans une longue dissertation sur les tourments de l’âme humaine à travers le fil conducteur qu’est la figure de Juan Bautista.
Lettres à Juan Bautista (vingt ans après)
Yves Charnet
éditions Au Diable Vauvert. 22€
Illustration de l’entête: Corrida. André Masson. Exposition Centre Pompidou-Metz. Photo ©WUKALI/ PAL
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