Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire Le journal intime d’une habitante de la côte normande au moment du Débarquement

Le journal intime d’une habitante de la côte normande au moment du Débarquement

par Félix Delmas

En cette période de célébration du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Normandie, les éditions Michalon/ histoire publient le journal de Marie-Thérèse Leboucher.

Vous ne connaissez pas Marie-Thérèse Leboucher ? C’est normal, car elle fait partie de ces millions d’anonymes qui ont vécu l’histoire sans laisser de traces autres que celles inscrites dans la mémoire de leurs familles. Mais Marie-Thérèse Leboucher a laissé un journal intime de quelques dizaines de pages allant du 2 juin au 1 septembre 1944 dans lequel elle a noté son vécu, ses impressions lors du débarquement allié. Et elle était « en première ligne », à Bricqueville, petit village du Calvados à quelques kilomètres d’une plage où elle se rendait souvent dans le cadre de ses loisirs : Omaha Beach ! Elle était seule, dans cette maison familiale où elle s’était réfugiée au début de la guerre lors de sa séparation avec son mari « quelque peu difficile ».

En se rendant en Normandie, elle quitte le milieu social de la bonne bourgeoisie parisienne, son travail dans l’entreprise de son mari, ses parents, ses trois neveux et nièces (enfants de son frère décédé jeune), en portant en elle la blessure de ne pas avoir eu d’enfants et les tourments moraux dus à sa situation de femme séparée, elle la catholique profondément croyante. A Bricqueville, elle a des connaissances, des amis, quelques biens, donne des cours de piano et s’implique, comme beaucoup de femmes à l’animation de la paroisse. Bien sûr, il y a la guerre, les occupants, les Allemands qu’elle doit héberger, mais au moins il n’y a pas de problèmes de ravitaillement et la vie suit son cours.

Jusqu’au début du mois de juin 1944. Une intensification des bombardements alliés, qui ont une acmé dans la nuit du 5 au 6 juin, la forçant avec ses voisins de se réfugier dans une tranchée par peur des bombes et des mitraillages. Des jours d’angoisse, la peur constante de la mort, le soutien de la prière, la solidarité entre les réfugiés sont parfaitement décrits avec des mots simples, clairs qui nous placent à ses côtés.

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Puis le front se déplace, la vie reprend. Marie-Thérèse nous décrit les villages en ruine, la liste des victimes civiles, souvent des amis, des connaissances, son horreur de la guerre, son humanité (on doit le plus profond respect à un mort même s’il était allemand), ses indignations contre les profiteurs de guerre, sa solidarité avec les populations qui ont tout perdu, etc., mais aussi la peur, la peur constante d’une contre-offensive allemande, la peur qu’un avion allemand abattu par la D.C.A. ne tombe sur sa maison. Et puis il y a sa foi, son admiration pour les soldats alliés qui eux viennent à la messe, communient sincèrement. Elle les compare sans mal avec ses voisins normands absents aux messes. Femme de son époque et de sa culture, elle passerait à notre époque pour une catholique réactionnaire : les malheurs de la guerre qui frappe la France sont dus au fait qu’elle a préféré le matérialisme au spirituel et espère qu’elle comprendra son erreur avec la paix.

A travers Marie-Thérèse Leboucher se dessine une société rurale autour des femmes, bien plus impliquées dans la vie sociale quotidienne. Il y a bien des femmes indépendantes, seules par choix ou par veuvage qui participent activement à la vie économique, sociale, intellectuelle et surtout spirituelle. Un aspect bien peu étudié de cette époque.

Ce journal est présenté et commenté par Cécile Offroy (dont Marie-Thérèse Leboucher était la grand-tante) et Daniel Hubè. Ils complètent les écrits de Marie-Thérèse Leboucher, avec d’autres témoignages, le déroulement de l’avancée (avec ses difficultés) des alliés dans le Bessin normand. 

Ce journal « donne la parole » aux civils, à leurs vécus, à leurs difficultés. Nous ne sommes plus du tout avec les soldats du général au seconde classe dont le vécu est étudié encore par les historiens. Non nous sommes avec les non combattants, les anonymes qui veulent vivre et sortir de l’enfer de la guerre.

Quand vous irez visiter les plages du débarquement, prenez le journal de Marie-Thérèse Leboucher pour pouvoir vivre, imaginer ce que fut durant ces quelques semaines qui ont marqués l’histoire, la vie des non combattants plongés, malgré eux dans l’enfer de la guerre.

Mon journal du débarquement
Marie-Thérèse Leboucher

éditions Michalon. 22€

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