Avec Le faux souvenir, Sabrina Kassa poursuit sa quête mémorielle.
Sabrina a 4 ans, elle est en Algérie avec sa mère et l’un de ses frères, elle se souvient qu’elle a un sac à dos et, à l’aéroport s’approche un homme entouré de militaires qui enlace sa mère. Elle demande à son frère qui est-ce, et elle apprend que c’est son père. Son père qu’elle ne connaissait pas. Il faut dire qu’elle est née à Grenoble, sa mère étant partie d’Algérie alors qu’elle était enceinte quand son mari a été arrêté.
Première rencontre avec son géniteur, avec ce père qu’elle apprendra à connaître un peu, plus tard. Maintenant, il est décédé et Sabrina, en parlant de son souvenir avec son frère, apprend que c’est un faux souvenir. Oui elle avait bien 4 ans la première fois où elle a vu leur père, oui c’était bien en Algérie, mais pas à l’aéroport mais à la prison de Lambèse où il était détenu.
Qu’est-ce qu’un souvenir ? Pourquoi s’en fabrique-t-on, pourquoi croire en des vérités qui n’en sont pas, qui ne sont que des constructions modelées par notre esprit ? Quel effet ces faux souvenirs ont eu dans la construction de notre personnalité, de notre vie ? Tout ce que nous avons entrepris et fait, tout ce que nous pensons et faisons, tout cela serait donc édifié sur des fondations en sable, c’est-à-dire instables ? Comment agir, être quand on a conscience, avec Georges Pérec que : « l’enfance n’est ni nostalgie, ni terreur, ni paradis perdu, ni Toison d’or, mais peut-être horizon, point de départ, coordonnées à partir desquelles les axes de ma vie pourront trouver leur sens ».
Un voyage pour rien («amer savoir celui qu’on tire du voyage» comme l’écrivait Baudelaire) ? Non, plutôt un voyage initiatique qui lui permet d’avoir encore des souvenirs, même faux, mais qui lui permettent en tout cas de comprendre la personne unique qu’elle est devenue.
Ce court récit est aussi pour Sabrina Kassa une occasion pour rendre un hommage appuyé et plus que mérité pour l’immense écrivain (interdit en Algérie, enfin dont les ouvrages ne sont pas publiés officiellement pour de sombres histoires de droits d’auteur gérés par son éditeur français) que fut Kateb Yacine. Si vous ne le connaissez pas, lisez le plus vite possible Nedjma ou ses entretiens compilés dans le Poète comme un boxeur.
Quoiqu’il en soit, Le faux souvenir nous amène sur des chemins que peu osent prendre et qui nous conduisent à la vérité, c’est à dire sur notre vérité en partant de notre passé et de nos souvenirs. Une démarche que nous tous devrions avoir le courage d’entreprendre.
Le faux souvenir
Sabrina Kassa
éditions Au Diable Vauvert. 13€50
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