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Puisque quelqu’un m’attend, un roman subtil sur l’érosion du couple

par Émile Cougut

 

Andréa, la cinquantaine se réveille dans un hôpital psychiatrique, totalement amnésique. Elle a du mal a déglutir, montre une vraie phobie pour l’eau et se retrouve toute seule. Elle est entourée de personnages pour le moins déroutants et en plus personne, de sa vie antérieure, celle dont elle n’a aucun souvenir ne vient lui rendre visite pour essayer de la sortir de cette sorte de prison.

Il y autour d’elle Baptistine, une vieille dame parlant plusieurs langues qui n’existent pas, s’occupant de son lapin en peluche qu’elle traite comme un bébé, Joséphine, toujours outrageusement maquillée et transportant avec elle des sacs plastiques contenant tous ses biens (de fait des ordures glanées ça et là), Ana, une jeune fille presque chauve atteinte de trichotillomanie, Monsieur Lamotte, un vieil homme poli, qui refait connaissance avec ses congénères tous les matins, Georges, une caricature de Père Noël qui n’arrive pas à contrôler sa main gauche, Denis le misophone, ses écouteurs toujours sur les oreilles et Marcus, lui aussi nouvel arrivant, se soignant d’une profonde dépression.

Et puis il y a le personnel soignant, les infirmiers, les médecins. Andréa se montre quelque peu rebelle, n’arrive pas à comprendre que l’on puisse lui cacher des choses de son passé car la réalité pourrait la faire encore plus régresser. Elle finit par accepter de participer aux séances de thérapies collectives bien qu’elle soit sceptique sur le bénéfice qu’elle va pouvoir en tirer pour elle. Et pourtant, c’est dans ce cadre que progressivement elle va faire montre de partage, d’empathie, d’écoute de l’autre.

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En plus, elle devient très complice avec Marcus qui essaie de l’aider à progresser, mais la situation devient de plus ambigüe tant l’attirance entre eux est forte. Grace à Marcus qui arrive à l’hypnotiser, elle connait de véritables flashs, prend conscience qu’elle a été mariée, qu’elle a eu un enfant et était au bord du divorce avant de se retrouver dans cet endroit. Marcus l’aide à relativiser ses positions tranchées : elle ne sait pas exactement ce qui s’est passé, elle n’était peut-être pas véritablement à l’écoute de son mari et n’a peut-être pas compris certaines de ses réactions, de ses actions (et la réciproque était sûrement vraie). En parallèle, se développe le passé d’Andréa, une jeune femme qui fait le choix de mettre fin à sa carrière prometteuse de journaliste à Paris pour se marier et vivre en périphérie de Toulouse. Une vie pleine de rêves qui finit par s’enliser dans la routine : son mari est attentif, mais, lui qui est doué pour la musique n’ose pas créer une boite de jazz et préfère rester livreur dans une entreprise de bouteille d’oxygène médicales.

Elle a une vie de de femme de la classe moyenne, absorbée par son rôle de mère. Mais, elle fait une fausse couche alors qu’elle rêvait d’avoir un autre enfant et son fils part aux États-Unis. S’ensuit une dépression, une incompréhension totale au sein du couple et elle décide de divorcer. Et une nuit, alors qu’elle a trop bu, elle tombe dans la piscine et manque de se noyer, une main ferme la retire de l’eau à l’ultime moment.

Tout cela Andréa finit progressivement à s’en souvenir, sans vraiment mettre de l’ordre dans ces bribes d’information, jusqu’au jour où tout devient clair et qu’elle comprend qu’une nouvelle vie l’attend, une nouvelle vie proche de l’ancienne, car comme Lampedusa l’écrit dans le Guépard : « il faut tout changer pour que rien ne change. »

Peu importe jusqu’où elle est descendue, c’était une épreuve pour qu’elle puisse renaître à la vie. Dans Puisque quelqu’un m’attend, Sandrine Catalan-Massé nous parle de l’érosion du couple, de cette « bit » si chère à l’âme slave qui est ce que la routine a de plus négative, de destructrice, de la peur de la différence et de l’acceptation que tout, que les autres ne soient pas identiques à ce que nous voudrions qu’ils soient. Mais c’est aussi un roman plein d’espoir, sur les vertus de la communication, de l’amour qui peut triompher si on le veut bien et si on s’en doute les moyens (parfois détournés). Et puis, quand j’ai achevé la lecture de Puisque quelqu’un m’attend, j’ai pensé au mythe d’Orphée, sauf que même s’il se retourne au dernier moment, Eurydice/Andréa ne retourne pas aux Enfers, mais part plutôt vers l’Olympe.

Puisque quelqu’un m’attend
Sandrine Catalan-Massé

éditions Eyrolles. 17€90

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