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Jusqu’à l’épuisement de la nuit, dans l’enfer d’Auschwitz

par Félix Delmas

En cette année 2025, nous commémorons la libération des camps nazis. Auschwitz… Il y a 8 ans l’humanité découvrait jusqu’où pouvaient aboutir les idéologies les plus mortifères. « Plus jamais ça ! » a-t-on dit après la Première Guerre mondiale, et pourtant, un peu plus de vingt ans après, ce fut pire. Le devoir de mémoire est d’autant plus nécessaire que fleurissent les pseudo analyses révisionnistes, sans compter, comme le montrent bien des études, une méconnaissance totale des crimes nazis chez les plus jeunes. Et puis, les rescapés des camps, par l’évolution naturelle de la nature humaine, se taisent à tout jamais. Alors, comment continuer à transmettre, à prévenir de nouvelles erreurs ? Commémorer, enregistrer les derniers témoignages, écrire, essayer de décrire l’indicible, l’horreur absolue.

C’est ce que vient de faire Vincent Quivy. Ce n’est pas un historien ni un philosophe, mais un journaliste qui met son savoir, son talent dans l’œuvre nécessaire de transmission. Il ne signe pas ici un roman, une fiction, non il relate des faits, des faits qui se sont passés, des faits qui ont été vécus par des personnes bien réelles qui ont été emportées dans les tourbillons de l’horreur de l’histoire.

Il se penche sur l’histoire de ces hommes, plus de 1 600 qui, le 27 avril 1944, sont entassés dans des wagons de marchandises pour partir à Auschwitz. Moins de la moitié reviendront chez eux. 

Il bâtit son récit en trois parties. La première est relative à leur arrestation. Ils sont communistes, certains résistants actifs, certains ont montré des positions hostiles aux allemands, d’autres se sont trouvés au mauvais moment au mauvais endroit et ont été raflés par hasard. Il y en a qui ont subi, ont été torturés avant d’être déportés. Il y a même quelques collaborateurs, des délateurs qui, n’étant plus utiles aux allemands sont eux aussi envoyés dans les camps. Les rares juifs qui sont dans le convoi n’ont pas été arrêtés pour ce motif et ne se dévoilèrent jamais. Il y a des étudiants, des artisans, des ouvriers, des nobles, des chefs d’entreprises, des ecclésiastiques. Parmi les plus célèbres dans ce convoi, se trouvent le comte Chand-Moët, l’immense poète Robert Desnos, Marcel Paul, communiste, futur ministre qui présidera à l’instauration de la sécurité sociale.

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La seconde raconte l’horreur : la vie dans les différents camps où ils furent affectés, les privations, les violences, l’inhumanisation, la survie, le travail, le froid, les compagnons qui meurent sans que l’on ne puisse rien pour eux, mais aussi la solidarité. Il n’y a plus de classe sociale, les engagements idéologiques, religieux, philosophiques n’ont plus lieu d’être, ils sont tous égaux face à la folie nazie. Et puis, la libération des camps, la longue marche pour certains, les corps mutilés, les images à jamais imprimées en chacun d’eux.

La troisième partie est le retour. Certains comme Desnos, meurent des privations, des maladies avant le retour dans leurs foyers. Mais la vie reprend ses droits, tous n’arrivent pas à exprimer leurs démons, il y en a même qui y succombent. Mais tous sont unis par ce qu’ils ont vécu, le salop qui a dénoncé est soutenu par ses anciens compagnons. Quand Marcel Paul est victime d’une abjecte campagne organisée par les nostalgiques du pétainiste relative à son attitude dans les camps, son plus fervent soutient est un prêtre ! Quand on est allé au-delà de l’horreur (Cliquer), les survivants sont liés à tout jamais par quelque chose que seuls eux peuvent exprimer, ressentir. Ils sont allés au fin fond de l’âme humaine, de ce qui fait l’humanité de chaque personne.

C’est aussi grâce à ces écrits que nous ne pouvons que nous réjouir de vivre dans nos sociétés actuelles, tout aussi imparfaites qu’elles soient, que même si nous n’avons pas connu cette époque, il est de notre devoir de cultiver cette histoire et, tant faire se peut, avec nos moyens, continuer à la transmettre à nos descendants pour que jamais plus une telle horreur puisse se reproduire.

Jusqu’à l’épuisement de la nuit
Le convoi des tatoués
Vincent Quivy

éditions Anne Carrière. 22€

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