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INED espérance de vie, sur place ou régression ?

par Communiqué

De moins en moins de progrès sur l’espérance de vie au fil des générations

La question des gains d’espérance de vie est controversée parmi les scientifiques. Dans une étude publiée dans la revue PNAS, Carlo Giovanni Camarda (INED), José Andrade (MPIDR) et Héctor Pifarré i Arolas (University of Wisconsin–Madison) ont estimé l’espérance de vie des générations nées entre 1939 et 2000 en utilisant plusieurs modèles. Quelle que soit la méthode, les auteurs parviennent à la même conclusion : la progression ralentit nettement.

Beaucoup de travaux sur les progrès de l’espérance de vie portent sur un indicateur transversal estimé pour une année donnée et non pour une génération ou cohorte donnée. Si l’espérance de vie calculée pour une cohorte est un indicateur beaucoup plus précis, il faut attendre que cette génération soit éteinte pour la calculer, l’estimation repose sur des projections de moins en moins précises au fil des générations. Par exemple, en 2025, la cohorte née en 1940 a déjà vécu ses 85 premières années et il ne reste que 20 ans à projeter si on considère un âge maximum de 105 ans, tandis que la cohorte née en 2000 n’a vécu que 25 ans et il reste 80 ans à projeter.

Les scientifiques débattent des perspectives à venir : l’espérance de vie va-t-elle continuer à augmenter indéfiniment ? A quel rythme ? Y a-t-il une limite ?

Pour les générations les plus anciennes, on a pu observer que l’espérance de vie avait fortement augmenté dans la première moitié du 20ᵉ siècle, passant de 62 ans pour les personnes nées en 1900 à 80 ans pour celles nées en 1938. Les générations suivantes vont-elles continuer à expérimenter une telle progression ? Vont-elles dépasser la barre symbolique des 100 ans ? Une étude récente dans PNAS* suggère qu’aucune de ces générations n’atteindra 100 ans d’espérance de vie. Même si la survie des adultes s’améliorait deux fois plus vite que nos prévisions, l’espérance de vie par cohorte** ne reproduirait pas les augmentations rapides observées pour les cohortes nées au début du 20ᵉ siècle.

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« Nos travaux portent sur les données de 23 pays à revenu élevé (ou à faible mortalité). Ils contribuent au débat sur la stagnation de la longévité en analysant les données par cohorte et en privilégiant des méthodes statistiques fondées sur les données plutôt qu’un raisonnement théorique », déclare Carlo Giovanni Camarda de l’Ined. « Si les générations actuelles suivaient la même trajectoire que celle observée au début du 20ᵉ siècle, une personne née en 1980 pourrait vivre jusqu’à 100 ans », explique José Andrade (MPIDR). « Nous avons vérifié si le rythme des gains d’espérance de vie ralentit pour les cohortes encore en vie ». Pour ce faire, les données proviennent de la Human Mortality Database (HMD), et six méthodes statistiques de prévision de mortalité – dont l’approche des Nations unies (World Population Prospects) – ont été mobilisées pour prédire l’évolution à venir.

« Toutes les méthodes montrent que l’espérance de vie des personnes nées entre 1939 et 2000 augmente plus lentement que dans le passé. Selon la méthode, le ralentissement varie de 37 à 52 % », précise José Andrade. « Nous prévoyons que ceux nés en 1980 ne vivront pas en moyenne jusqu’à 100 ans, et qu’aucun des groupes étudiés n’atteindra ce seuil. Cette décélération s’explique principalement par le fait que les gains massifs de longévité étaient dus aux améliorations spectaculaires de la survie aux premiers âges de la vie. Aujourd’hui, la mortalité est déjà très faible dans les premières années — il n’y a plus beaucoup de marge de progression. Le rythme d’amélioration chez les personnes âgées ne compensera pas cette perte de vitesse », complète le chercheur.

Entre 1900 et 1938, l’espérance de vie augmentait d’environ cinq mois et demi par nouvelle génération. Pour les cohortes entre 1939 et 2000, ce gain n’est plus que de deux mois et demi à trois mois et demi, selon la méthode employée.

Selon les auteurs, même si la survie des adultes et des aînés s’améliorait deux fois plus vite que prévue, les gains d’espérance de vie resteraient en deçà de ceux observés au début du 20ᵉ siècle.

Des prévisions, pas des certitudes

Les prévisions de mortalité ne sont jamais des certitudes — l’avenir peut être chamboulé par des pandémies, des traitements révolutionnaires ou des changements sociétaux majeurs. Ces estimations caractérisent les populations, non les individus, et doivent être considérées comme des projections éclairées.

Pourquoi la recherche sur l’espérance de vie compte tant ?

Les changements en matière d’espérance de vie affectent la cohésion sociale et les projets de vie. Ils contraignent les États à adapter les systèmes de santé, les retraites et les politiques sociales. Ils influent aussi sur les décisions personnelles — épargne, retraite, planification à long terme. Si la progression ralentit, tant les gouvernements que les individus devront réajuster leurs attentes.

 Référence : José Andrade, Carlo Giovanni Camarda, Héctor Pifarré i Arolas: Cohort mortality forecasts indicate signs of deceleration in life expectancy gains in PNAS (2025)

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