Ulysse est la principale maison d’édition canadienne spécialisée dans le tourisme. Dans le tourisme du monde entier et pas que canadien ou américain. En liaison avec la principale association jacquaire de ce pays, elle vient d’éditer un magnifique ouvrage de par la qualité des textes et des photographies non sur « le» mais sur «les» chemins menant à Saint Jacques de Compostelle : 17 en tout des plus connus comme le camino francés ou la voie du Puy en Velay à des plus « intimes », enfin moins célèbres (et donc moins fréquentés) comme le camino inglés ou les chemins bretons.
Chacun a ses charmes, ses lieux uniques, ses difficultés, mais aussi ses récompenses. Il n’y a pas un chemin, mais des chemins matériels, le seul chemin qui existe vraiment est celui de chaque pèlerin, et peu importe le chemin matériel qu’il parcourt (et même les chemins car plus d’un pèlerin son voyage achevé ne pense qu’à repartir en emprunter un nouveau), ne compte que celui qu’il a en lui.
Comment ne pas être enthousiaste à la lecture de cet ouvrage qui nous fait découvrir des lieux peu connus sur l’un ou l’autre chemin. Tout n’est que beauté, calme et, au vu des témoignages des anciens pèlerins, volupté de l’âme, moments d’intense spiritualité comme lors du passage du tunnel de San Andrian ou le dépôt de sa pierre au pied de la Cruz de Ferro.

A chacune des 101 entrées un court texte, de belles photographies, parfois le témoignage d’un(e) pèlerin(e) ou ce qui est « bon à savoir » et trois petits aides mémoires : « où » (il est utile de savoir où se trouve le site décrit, autant c’est facile pour Notre Dame de Paris ou la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle, autant c’est plus compliqué pour un non sachant pour le château templier de Ponferrada ou la grotte d’Altramira) ; « la photo souvenir » (de fait celle qui correspond le mieux à celui qui la prend, et « ce qu’il ne faut pas manquer ».
Le chemin de Compostelle plonge le pèlerin au cœur même de la nature, nature majestueuse mais qui porte la trace de l’intervention de l’homme. C’est parfois réussi comme la forêt des Landes et ses pins maritimes ou celle d’Eucalyptus en Galice : l’homme a planté des essences qui sont en harmonie avec le climat, l’écosystème local. Tout n’y est qu’harmonie, beauté, bruits, odeurs spécifiques qui nous font voyager dans un ailleurs différent de notre quotidien. Mais parfois, l’intervention de l’homme est néfaste, détruit l’écosystème qui a mis des millénaires pour trouver son équilibre (et parfois la nature reprend ses droits avec une violence certaine). Sur le chemin, un des symboles de ces interventions destructives peut être perçu comme le pont de Puente del Paso Honroso sur la rivière Orbigo qui comporte 20 arches sur 306 mètres. Actuellement, seules une voie et deux arches enjambent encore la rivière.
Le chemin, la nature, tout nous incite à ouvrir nos yeux et de voir bien des petits riens que nous ne voyons pas dans notre quotidien comme un escargot, des tournesols, voir un nid de cigogne ou une pierre sculptée depuis des millénaires qui a une forme qui nous fait entrer dans une véritable introspection intérieure.
Ce rare ouvrage décrit, voire incite à prendre des étapes alternatives au chemin principal, parfois des détours assez courts comme les 27 kilomètres de Ruta de los Hospitales ou les quelques centaines de mètres pour se ressourcer au monastère d’Obona, qui font découvrir au pèlerin des lieux moins connus, moins décrits et surtout exempts de toute idée de modernité et qui le plongent, si c’est encore possible, encore plus sur les pas de tous les pèlerins qui l’on précédé depuis plus d’un millénaire.
Il y a aussi certaines spécificités locales que le pèlerin peut découvrir comme les horreos, ces granges typiques d’Espagne et du Portugal, mais aussi 16 trésors du patrimoine immatériel. Il y bien sûr la découverte des bars à tapas, du flamenco, de la gaïta asturienne, les fêtes locales (par expérience je vous conseille de ne pas vous trouver sur le parcours de l’encierro si vous vous trouvez à Pampelune lors de la Fête de Saint Firmin) mais aussi des légendes (comme le pendu dépendu de Santo Domingo de la Calzada), entre autres traditions mémorielles.
Cet ouvrage ne peut que vous inciter à chausser vos chaussures, prendre sac à dos et bâtons de marche et vous lancer dans cette extraordinaire aventure humaine et personnelle que représente le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle. Quelle plénitude de savoir que nos pas ne font que se poser là où nos lointains ancêtres mirent les leurs et où nos descendants dans les siècles à venir feront de même. Des vestiges romains à la modernité de notre XXIè siècle, en passant par les chapelles romanes, les palais renaissance où les Cathédrales gothiques, s’ajoutent à l’immersion dans la nature que nous avons désappris à regarder et à apprécier.
Et de fait, si ce livre nous amène une certaine plénitude, comment ne pas avoir un certain sentiment de manque, car il y a tant d’autres expériences à faire, à avoir. Mais ces expériences ne sont-elles pas propres à chaque pèlerin, car il n’y a qu’un pèlerinage qui prévaut, celui que chaque marcheur entreprend.
101 expériences sur les chemins de Compostelle
éditions Ulysse. 28€99
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