Si l’on connait bien Thomas Snégaroff journaliste, chroniqueur, présentateur travaillant au service public de l’audiovisuel, historien aussi et spécialiste des Etats-Unis d’Amérique, Thomas Snégaroff écrivain en revanche nous est moins connu ! Et pourtant il est déjà l’auteur d’au moins deux récits de fiction, les éditions Albin Michel viennent de publier son dernier ouvrage : La conspiration.
C’est à partir de faits réels, peu connus, qu’il a bâti son roman. La conspiration est l’idée, jamais réalisée, heureusement, d’un coup d’état contre le président Roosevelt en 1933. Les protagonistes : des banquiers, des industriels, quelques militaires qui ne veulent pas des réformes sociales et économiques promises lors de la campagne électorale du nouveau président qui passe à leurs yeux comme un suppôt du communisme et qui, comble de l’ignominie a des ascendances juives. Leur chef de file est le tout puissant « roi » de Walt Street : J.P. Morgan, raciste, antisémite, ne connaissant, et ne reconnaissant, que l’aristocratie de l’argent dont le but est d’être encore plus riche et de vivre dans un pays où l’état est absent. Il est entouré de grands capitalistes comme les frères DuPont (de Nemours) ou l’héritier des machines Singer Robert Sterling Clark, et bien d’autres travaillant dans la finance, l’industrie, les médias. Malgré bien des différences dues à l’époque, nous ne sommes pas très loin des mouvements libertariens américains ou argentins.
Ils admirent le fascisme qui s’installe en Italie et le nazisme qui arrive au pouvoir avec l’accession d’Hitler à la chancellerie. De l’ordre, encore de l’ordre, aucune revendication sociale, c’est le terrain indispensable pour faire des affaires et donc de gagner de l’argent. D’ailleurs, dans le passé, ils ont plus que contribué (en sous-main) aux interventions américaines à Cuba et dans quelques pays d’Amérique du Sud. Au demeurant des interventions officiellement au nom des principes démocratiques défendues par les Etats-Unis, de fait, pour permettre aux grandes entreprises et autres consortiums de gagner encore plus d’argent au détriment des populations locales. Leur but, créer un mouvement de masse qui renversera, au nom de la volonté populaire, les démocrates et leur réforme du New Deal.
C’est une époque où les mouvements fascistes et communistes se multiplient aux Etats-Unis. De plus les vétérans de la Première Guerre mondiale, sont totalement marginalisés et font partie des victimes de la crise de 1929. Ils ont bien essayé de se réunir pour faire pression sur les pouvoirs publics avec la Bonus Army qui fut un échec. Mais ils avaient reçu le soutien d’un des généraux les plus médaillés, assez atypique, Smedley Butler. C’est lui qui est choisi par les comploteurs pour mener une « armée » de 500 000 hommes sur Washington et renverser Roosevelt.
Pour se faire ils utilisent un courtier en bourse Gerald C. MacGuire, qui a pour mission de convaincre Butler des bienfaits du fascisme. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le général est loin d’être dupe et finit par les dénoncer devant une commission ad-hoc de la Chambre des représentants. Même si les protagonistes ne furent pas poursuivis, de fait, cette histoire, politiquement utilisée par Roosevelt, a largement contribué à sa réélection à la présidence.
Ce travail de recherche de Thomas Snégaroff nous fournit aussi l’occasion de découvrir la personnalité d’un général atypique, Smedley Butler, le premier à dénoncer le fonctionnement du complexe militaro-industriel dans son ouvrage La guerre est un racket, un vrai pacifiste, vrai patriote, défenseur acharné de la démocratie.
Dans ce roman facile et agréable à lire, Thomas Snégaroff nous raconte une petite partie de l’histoire des Etats-Unis qui a failli être dramatique (si le complot avait réussi) pour les idéaux démocratiques. Bien sûr, les liens entre les milieux industriels et financiers avec le fascisme et le nazisme sont connus, mais peu savent que l’action de ces premiers a aussi comploté contre les fondements même des institutions américaines.
La conspiration
Thomas Snégaroff
éditions Albin Michel. 22€90
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