Depuis une loi et une directive européenne de 1975, il faut recycler. Actuellement au parlement est en discussion un projet de loi sur l’économie circulaire. Le confinement causé par la pandémie de la COVID a permis à certains de faire l’éloge du jetable, des objets à usage unique. Si on peut le concevoir au niveau de certains instruments médicaux, il n’en est pas de même pour les fourchettes et autres bouteilles d’eau.
Dans ce petit livre, plus exactement dans cet essai qui est proche d’un pamphlet de très bonne facture, Flore Berlingen dénonce l’hypocrisie des fabricants qui se dérobent aux obligations auxquelles ils se sont engagés. Ainsi, juges et parties, ils profitent de toutes les ficelles de la publicité pour se présenter comme les héros du développement durable alors qu’il n’en est rien.
L’ auteur insiste sur la différence entre recyclable et recyclé. Bien sûr, les divers emballages sont dits recyclables, ce qui est devenu un atout pour l’achat des produits. Mais encore faut-il qu’ils le soient véritablement, matériellement. Cet acte est de la responsabilité des collectivités locales, donc des finances locales et il est devenu une charge qui s’accroît. Soit les producteurs versent une taxe, mais celle-ci est gérée par des sociétés privées d’intérêt public dont les actionnaires sont… les producteurs.
Flore Berlingen démontre les nombreux conflits d’intérêt dans le gestion de ces taxes et que le système de malus/bonus est totalement inopérant. Sans compter que toute la communication des producteurs incite à l’achat puisque THEORIQUEMENT, l’impact sur les ressources naturelles est quasi négligeable. Et si tout n’est pas idéal, c’est de la responsabilité des consommateurs qui n’effectuent pas le tri dans les règles de l’art. Peu importe que ces règles soient souvent absconses, peu compréhensibles et pouvant varier d’une commune à l’autre, c’est lui le responsable, par principe.
Mais revenons sur la différence recyclable/recyclé. Pour être recyclé, encore faut-il qu’il existe une filière spécifique. Ainsi quand un grand distributeur de café communique sur les nouveaux couvercles de ses gobelets qui avec leur bec permet de ne plus se servir de paille, il oublie de dire qu’il n’existe pas une unité de recyclage en Europe capable de les traiter. Que dire de la mise sur le marché, de nouveaux produits théoriquement recyclables, mais dont la technologie n’est pas encore disponible.
De plus l’acte de recycler a un coût, parfois non négligeable, ce qui rend le produit final plus coûteux que les matières premières. Et puis que dire du scandale des déchets collectés qui sont envoyés en Asie pour recyclage sans que personne ne vérifie si c’est fait.
Les produits recyclés constituent une vraie matière première, avec un coût de production et un coût sur le marché qui varient suivant la loi de l’offre et de la demande. Et, comme le fait remarquer Flore Berlingen, il arrive un moment où le recyclage devient impossible à causse des dégradations moléculaires. Donc, il est nécessaire de remettre dans le circuit des matières premières.
Alors que faire ? C’est là où les partis pris de Flore Berlingen peuvent paraître plus critiquables : des emballages standardisés, sans aucune couleur et surtout, sous-entendu, une implication totale de l’État dans la gestion des déchets et ce, dés leur fabrication.
Certes, on peut facilement la suivre sur la nécessité de la mise en place de circuits courts qui ont un bilan carbone moindre. Mais si on pousse un tout petit peu plus loin son raisonnement, nous entrons dès lors dans une société de décroissance où le jetable est banni.
Pas certains que les parents trouvent que les couches lavables soient une évolution positive de la société leur donnant plus de liberté ! Et je ne crois pas que les jeunes générations, sensibles à juste titre à la défense de l’environnement, accepteraient de ne plus se vêtir avec des jeans et de n’avoir des téléphones portables ne permettant que de téléphoner.
Et ce ne sont que deux exemples d’objets dont l’impact sur l’environnement est très important, beaucoup plus que les bouteilles d’eau gazeuse.
Quoiqu’il en soit, voilà un petit livre qui est d’utilité publique, et constitue une pierre dans les débats actuels autour de l’écologie et du développement durable.
Recyclage le grand enfumage
Comment l’économie circulaire est devenu l’alibi du jetable
Flore Berlingen
éditions Rue de l’Échiquier. 13€